Lu pour vous

BLAIS, Mélissa, et Francis DUPUIS-DÉRI (2008), Le mouvement masculiniste au Québec, l’antiféministe démasqué, Éditions du remue-ménage, Montréal, 257 pages[Record]

  • Germain Dulac

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  • Germain Dulac, Ph.D.
    Sociologue, chercheur invité au CRI-VIFF
    Dulac, Germain, (1993), Penser le masculin. Essai sur la trajectoire des militants de la condition masculine et paternelle, Québec, IQRC/PUL.

Les sociétés démocratiques ont en commun le principe de la liberté de parole et d’action des citoyens. Tout un chacun peut s’opposer à l’ordre établi, faire valoir son point de vue, revendiquer le droit à l’égalité qu’on lui refuse. Ainsi, au cours du dernier siècle, bon nombre de voix se sont élevées afin de réclamer justice. À ce titre, le mouvement des femmes et les diverses formes qui le composent, tout comme le mouvement ouvrier, celui d’émancipation des Afro-Américains, pour ne nommer que ceux-là, sont à compter au nombre des forces progressistes de nos sociétés. Le Québec n’est pas en reste. Le mouvement féministe a aussi marqué de son empreinte la société civile, nous faisant progresser vers l’égalité entre les sexes. Un futur toujours incertain et précaire il va sans dire. Or, l’émancipation des femmes ne pouvant se faire sans les hommes, certains de ma génération ne l’on comprit (hélas souvent trop tard), que lorsque l’affidavit de divorce a abouti dans leur boîte aux lettres. D’autres ont su s’adapter bon gré, mal gré aux nouvelles exigences qui pesaient sur les hommes, y ont finalement trouvé leur compte et s’en félicitent aujourd’hui. Quelques-uns se sont même fait les chantres et défenseurs du féminisme, comme d’autres avant eux de la classe ouvrière et des thèses marxistes. Inévitablement, tous furent touchés de près ou de loin, à tel point que les hommes d’ici se mirent à questionner ouvertement ou en privée leur identité, socialisation et comportements. Dès la fin des années 1970, les militants de la condition masculine et paternelle se mirent à Penser le masculin (Dulac, 1993), suite à la contre-culture, la révolution sexuelle et du féminisme radical des décennies précédentes. Or, tous ces hommes ne se limitèrent pas à participer aux groupes de croissance personnelle à la mode durant ces années là. Confortés par les découvertes issues de leurs introspections, à savoir que la masculinité est une construction contraignante, la socialisation de genre une aliénation; des hommes se mirent a leur tour à s’opposer à l’ordre et aux déterminations de genre et même, chose suspecte pour les féministes, à revendiquer des droits pour les hommes et les pères! Trente ans plus tard qu’en est-il? C’est à cette question que tente de répondre les auteurs qui ont collaboré au livre dirigé pas Blais et Dupuis-Déri. Leur réponse se résume en quelques phrases : ces groupes ont fleuri, les technologies nouvelles (Internet) leur offrant une visibilité inespérée. De nouveaux gourous sont apparus, publiant livres, pamphlets, etc. Des intellectuels, journalistes, psychologues, universitaires se sont transformés en idéologues de ces masculinistes, fourbissant leurs armes. Tel est sommairement la réponse que l’on peut trouver à la lecture de ce livre composé de 12 courts essais et encadré d’une introduction et conclusion des deux directeurs. L’objectif des auteurs étant comme le titre l’indique de démasquer l’antiféministe, caractéristique intrinsèque du masculinisme, le lecteur est en droit de s’attendre à quelques révélations instructives sur les acteurs du masculinisme, leurs actions et leur discours. Deux questions méritent qu’on s’attarde à cette publication : Qui sont les masculinistes? Qu’est-ce qui les caractérise pour qu’ils les qualifient d’antiféministes? Ainsi le travail de démasquage devrait-il faire oeuvre d’utilité publique ou à défaut d’apporter des réponses claires, être rangé au titre des oeuvres rhétorique. Mais qui sont-ils? Deux ou trois psychologues réputés pour leur publication sur masculinité, trois journalistes qui on publié au cours de leur jeunesse quelques lignes sur la situation des hommes québécois, autant d’enseignants universitaires ayant émis une opinion sur le sujet, une paire d’essayistes, un ex-conseiller municipal, un député ministre et quelques militants (on en cite moins d’une dizaine) qui …