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La prévention des agressions sexuelles auprès des personnes ayant une déficience intellectuelle : vers une plus grande inclusion[Record]

  • Michèle Diotte

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  • Michèle Diotte
    Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles de l’Outaouais (CALAS)

La recherche portant sur la violence sexuelle chez les personnes ayant une déficience intellectuelle (DI) est plutôt limitée (Couture, et collab., 2013). Et les ateliers de prévention des agressions sexuelles s’adressant à cette population sont quasi inexistants. Il y a bien, ici et là, quelques programmes sur la santé sexuelle et sur la violence en général, mais rien de substantiel concernant spécifiquement la violence sexuelle. Le défi pour le CALAS a donc été de créer de toutes pièces un atelier accessible à ces personnes, c’est-à-dire présenté en termes simples, mais non infantilisants. Souvent comparées à des en- fants, les personnes adultes ayant une DI n’ont ni un corps d’enfant, ni une sexualité d’enfant. Le contenu de l’atelier et la façon de le leur transmettre devaient donc s’ajuster à leur réalité d’adultes. Fondées sur des études de type populationnel, les données récentes indiquent qu’à l’âge adulte les personnes ayant une DI sont victimes en plus grand nombre d’agressions sexuelles que la population adulte en général, et même davantage que les autres personnes présentant des incapacités (Couture, et collab., 2013). Selon la recension des écrits réalisée par Mercier (2005), de 70 % à 90 % des femmes ayant une DI sont agressées sexuellement au cours de leur vie, comparativement à 34 % pour le reste de la population féminine (Gouvernement du Québec, 1995). L’isolement, le manque de connaissance permettant de se prémunir contre diverses formes de violence, la dépendance vis-à-vis de l’agresseur et la fragilité devant la manipulation font de ces personnes des cibles particulièrement vulnérables (Mercier, 2005). Selon une étude récente menée auprès de 21 personnes de la Mauricie et du Centre-du-Québec ayant une DI, 40 % des agressions sexuelles sont commises par une personne qui doit normalement les soutenir. Quant aux agressions par un pair ayant également une DI, elles représentent 20 % des cas (Couture, et collab., 2013). À la lumière de cette réalité et en réponse aux besoins mis en lumière par ses partenaires oeuvrant auprès d’elles, le CALAS de l’Outaouais a cru impératif d’outiller les personnes ayant une DI et d’ainsi réduire leur vulnérabilité à la violence sexuelle. Plusieurs éléments expliquent la décision du CALAS de réaliser un outil de prévention des agressions sexuelles s’adressant spécifiquement aux personnes ayant une DI. La perspective féministe intersectionnelle à laquelle adhère le CALAS a permis de développer une analyse de la problématique de l’agression sexuelle dont elles sont victimes. L’analyse féministe telle que nous la connaissons met en lumière l’oppression sexiste. Issue du patriarcat, cette forme d’oppression vise universellement les femmes et peut avoir sur elles des conséquences dévastatrices, entre autres, la pauvreté, la violence et la dépendance (Robitaille et Tessier, 2010). Mais l’« approche féministe intersectionnelle » ne se limite pas à l’oppression sexiste; elle implique aussi le chevauchement de plusieurs formes de discriminations. Ainsi, dans une perspective d’intersectionnalité, le sexisme n’est plus la seule forme d’oppression qui est prise en compte (Corbeil et Marchand, 2007). Depuis déjà plusieurs années, le CALAS est sensible à la discrimination des femmes vivant avec une DI. L’approche féministe intersectionnelle nous rappelle que les modèles d’oppression n’agissent pas indépendamment les uns des autres. Ainsi, les différentes formes d’oppression que sont le sexisme et le capacitisme constituent un système où se chevauchent les discriminations. À ces deux formes d’oppression, peut s’ajouter la discrimination liée, entre autres, à l’orientation sexuelle, à l’appartenance ethnique, à la condition sociale, à l’âge ou à la langue. L’intersection de ces formes d’oppression, de discrimination et d’exclusion est propice à l’exploitation des femmes et favorise la violence sexuelle (Corbeil et Marchand, 2007). La violence touche toutes les femmes et les …

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