Éditorial

Une revue qui nous ressemble — une revue qui nous rassemble[Record]

  • Nérée St-Amand and
  • Marc Charron

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  • Nérée St-Amand, Ph. D.
    Professeur agrégé, École de service social, Université de Montréal

  • Marc Charron
    Chercheur, Département de sociologie, Université Laurentienne

À l’origine, Reflets cherchait à combler une lacune, un manque de connaissance chez celles et ceux oeuvrant dans ces communautés. Comme l’écrivait Carrière (Carrière, 1995, p. XI) : Ce manque en question était d’autant plus criant que les processus de sécularisation pavant la voie à la modernité au Québec et ailleurs dans les autres provinces canadiennes ont connu des évolutions et des temporalités différentes, au point de donner des agencements institutionnels fort différents d’une province à l’autre. Au cours des décennies 1960 et 1970 au Québec, on a assisté avec la « Révolution tranquille » à un travail systématique de substitution et de prise en charge par l’État des fonctions caritatives, éducatives et de service social antérieurement assumées par l’Église. Suivant la période dite de la « Grande Noirceur », tentative ultime des élites politiques conservatrices et cléricales de maintenir les traditions contre les vents réformistes et à endiguer tant bien que mal les changements sociaux portés par les mouvements sociaux de l’époque, le processus de sécularisation a inexorablement suivi son cours. Dans les autres provinces canadiennes, le déclin de l’influence de l’Église a été moins apparent et surtout moins radical. Il en a découlé des régimes provinciaux différents de laïcité qui sont les produits de compromis politiques et inscrits dans une histoire singulière. Les cadres institutionnels qui en résultent donnent lieu à des agencements particuliers. Ainsi, en Ontario comme ailleurs au Canada, la perte d’influence de l’Église dans la détermination des règles ne s’est pas produite au même rythme et de la même façon. Par exemple, en Ontario, on a maintenu un système scolaire confessionnel parallèle à un système public. Cette mixité, confessionnelle et publique, caractérise encore aujourd’hui bon nombre des institutions d’intervention sociale, communautaire et de santé. Il en va de même des Sociétés d’aide à l’enfance qui, bien qu’assujetties à une réglementation et un financement publics, demeurent des organismes privés d’origine confessionnelle. Ainsi, les institutions des autres provinces canadiennes ne correspondaient pas aux transformations institutionnelles du Québec, compliquant d’autant l’identification et le transfert de connaissances des pratiques documentées et analysées par les revues francophones québécoises phares en service social. Par ailleurs, la situation minoritaire des francophones à l’extérieur du Québec obligeait ces derniers à transiger avec un État provincial et des organismes sociaux et communautaires où l’anglais est la langue principale de communication, ce qui n’était manifestement pas le cas au Québec. Le besoin d’un outil de communication bien à nous, qui nous ressemble et nous rassemble, en favorisant le réseautage entre francophones et l’accès à des services en français, était donc ressenti fortement. Qui plus est, en raison des différences institutionnelles, les chercheuses et chercheurs en provenance de l’extérieur du Québec avaient un accès limité aux publications scientifiques québécoises en service social, telles que Service social et Nouvelles pratiques sociales. À l’exception de ses premiers numéros de la revue et jusqu’au tournant des années 2000, cette dernière incluait une rubrique Pratiques d’ailleurs qui portait sur les pratiques des autres provinces ou d’ailleurs dans le monde. Mais progressivement, il y a eu centration sur l’espace québécois, rendant encore plus pressant le besoin d’une tribune à nous pour faire état de nos recherches et de nos pratiques. Dans un tel contexte, le numéro de Reflets que vous feuilletez actuellement relève tout un défi. En plus de présenter un bilan du travail accompli depuis son lancement en 1995, ce numéro spécial vise à cerner l’impact de la revue sur les différentes ressources, tant en santé qu’en service social. En plus, il porte son regard sur l’avenir en tentant de définir le cap à privilégier à compter de maintenant. …

Appendices