Des pratiques à notre image

« Pas de prison pour des contraventions! » — Résumé d’une campagne contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes à Québec[Record]

  • Maxime Couillard and
  • Françoise Laforce-Lafontaine

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  • Maxime Couillard
    Étudiant en service social, Université Laval, et stagiaire, Ligue des droits et libertés, section de Québec

  • Françoise Laforce-Lafontaine
    Intervenante sociale, Clinique d’accompagnement juridique Droit de cité

Au Québec, comme en Ontario ou ailleurs au Canada, on peut être emprisonné pour des amendes non payées à la suite d’infractions aux règlements municipaux et à certaines lois provinciales. Cette pratique touche de façon disproportionnée les personnes marginalisées ou en situation d’itinérance, qui accumulent fréquemment des dettes judiciaires imposantes et très difficiles à régler. La Ligue des droits et libertés — section de Québec (ci-après la LDL-Qc) s’est penchée sur cet enjeu et a cru nécessaire d’intervenir publiquement pour demander l’instauration d’un moratoire sur l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes. Nous, membres du comité de travail ayant étudié la question, considérons cette pratique comme le résultat injuste d’un processus qui pose problème pour les personnes marginalisées, du début jusqu’à la fin. Le présent article se veut une présentation de la campagne Pas de prison pour des contraventions! que nous menons depuis l’automne 2014 dans la ville de Québec. Tout d’abord, nous ferons un survol de notre argumentaire. Nous décrirons ensuite le déroulement de notre campagne et, enfin, nous examinerons les moyens utilisés pour tenter d’atteindre nos objectifs. Une étude portant sur la judiciarisation des personnes en situation d’itinérance à Québec révélait qu’entre 2000 et 2010, les 284 personnes ayant donné à la cour municipale l’adresse d’une ressource communautaire avaient reçu un total de 3 735 billets d’infraction. Pour ces personnes, la dette judiciaire moyenne s’élevait à plus de 2 044 $ (Bernier, et collab., 2011). Selon l’équipe de chercheures, ces données ne représenteraient que « la pointe de l’iceberg ». Cette recherche, ainsi que le travail effectué sur le terrain, nous permet de constater qu’à Québec, le Règlement sur la paix et le bon ordre (Ville de Québec, 2016) pénalise directement plusieurs stratégies de survie des gens en situation de précarité. C’est le cas de l’interdiction de mendier ou de solliciter. D’autres règlements municipaux vont plutôt s’attaquer à des actions qui sont inévitables pour les personnes n’ayant pas de domicile, et donc de lieu où effectuer des actions que l’on associe à la sphère privée. En effet, que peut faire une personne qui se voit refuser constamment l’accès aux toilettes des restaurants et des commerces lorsqu’elle a besoin d’uriner? Et où peut-elle dormir s’il n’y a plus de places disponibles dans les centres d’hébergement, à part à l’extérieur? D’autres règlements municipaux pénalisent plutôt les comportements qu’adoptent les personnes marginalisées en raison de leurs difficultés personnelles. Par exemple, les interdictions de se trouver en état d’ivresse sur la voie publique ou de posséder du matériel de consommation de stupéfiants peuvent être difficiles à respecter par des personnes qui ont des problèmes de dépendance. Il arrive aussi que des personnes reçoivent des contraventions pour avoir causé du tumulte et du désordre, alors qu’elles sont en situation de crise ou de détresse psychologique. De plus, force est de constater que la plupart des infractions reprochées aux personnes marginalisées le sont moins à l’égard d’autres personnes ayant une meilleure condition sociale ou ne montrant pas d’indices visibles de défavorisation économique ou sociale. Cette situation est possible dans la mesure où les policiers détiennent un pouvoir discrétionnaire important dans l’application de règlements municipaux parfois larges et ambigus. Par exemple, rien n’indique clairement dans la réglementation à partir de quel moment une personne est considérée comme étant en train de flâner lorsqu’elle est assise sur un banc public, laissant ainsi une grande place au jugement des autorités policières. Nous considérons qu’il s’agit de profilage social, tel qu’il est défini par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse : Pour les personnes marginalisées, il arrive souvent que les constats d’infraction passent par …

Appendices