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TREMBLAY, Gilles, et collab. (2015). Fondements sociopolitiques du service social, Québec, Presses de l’Université Laval, 366 p.[Record]

  • François Boudreau

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  • François Boudreau
    Professeur, École de travail social, Université Laurentienne

Le livre de Gilles Tremblay Fondements sociopolitiques du service social, qui constitue essentiellement le contenu d’un cours d’introduction en service social offert en ligne, est un ouvrage audacieux et intéressant à plusieurs égards. Mais, à la fin, il n’est ni convaincant ni satisfaisant. Ce qui est intéressant dans cet ouvrage tient surtout à l’intention, à la forme et à la quantité du matériel recensé. Le titre du livre et l’introduction tentent de démontrer, mais peut-être pas assez clairement, comment le service social n’est pas une discipline universitaire spontanée ou naturelle, ni même une discipline académique autonome, mais bien une conséquence logique ou le résultat d’une analyse politique des rapports sociaux. Le service social est ainsi un parti pris pour des valeurs sociales, que nous connaissons tous sous les vocables de « justice sociale » et de « pouvoir d’agir », contre les pathologies inhérentes aux rapports sociaux de domination. En ce sens, la profession est en constant devoir de critique de l’organisation des rapports sociaux, de manière à intervenir dans le cadre d’une praxis articulée à un projet de société pour le mieux-être de l’ensemble de la population. D’où la nécessité de l’enseignement d’un corpus théorique puisé dans différentes disciplines des sciences sociales, organisé de manière critique et orienté vers l’action. Quoi qu’on puisse en dire, l’analyse est alors non pas objective — ce qui irait contre l’idée même de normativité — mais bien politique, c’est-à-dire engagée. Le livre est audacieux du fait qu’il couvre un très large corpus théorique, de manière à donner une vue d’ensemble sociale et historique du savoir sur la société. Cette volonté explicite se démarque de ce que nous connaissons généralement de la profession qui, en raison des pressions de l’intervention ici et maintenant, limite souvent trop les dimensions historique et théorique de sa vision du monde. L’approche de Tremblay constitue donc une très intéressante contribution sur la manière d’appréhender et d’enseigner la théorie politique au fondement du service social. L’ouvrage est divisé en trois sections et en treize chapitres. Conformément aux exigences de présentation d’un cours à distance, chacun des chapitres du livre est accompagné d’une courte bibliographie, d’hyperliens, d’exercices d’auto-évaluation, d’exemples de travaux d’étudiants et de questions conçues pour favoriser la réflexion de l’étudiant. La première section du livre s’intitule Le service social comme science sociale, et ses deux chapitres couvrent le modèle de base (l’interaction entre l’individu et son environnement) et ce qu’il faut entendre par « pensée critique ». Conformément à ce modèle de base, l’auteur insiste pour expliquer que l’objet de la réflexion est le bien-être de l’individu (je souligne) dans la société. La deuxième section du livre s’intitule Les influences des grands paradigmes sociologiques. Après un court chapitre d’introduction à la grande théorie, qui retrace les contours simplifiés de l’épistémologie (distinguer le vrai du faux) et de la notion de paradigme, l’auteur entreprend de brosser à grands traits les caractéristiques de six paradigmes de la pensée sociologiques et anthropologiques. Ces paradigmes sont à leur tour rassemblés selon qu’ils sont dits systémiques (fonctionnalisme et pragmatisme, conflictualisme, structuralisme et culturalisme), fondés sur l’acteur (approche compréhensive et interactionniste) ou basés à la fois sur le système et l’acteur (systémisme et écosystémisme, constructivisme et postmodernisme). Tremblay présente chaque courant de pensée en traçant, à grands traits toujours, les conceptions particulières d’auteurs représentatifs des diverses théories associées aux divers paradigmes. On ne peut que respecter l’initiative de Tremblay de vouloir rendre compte simplement d’un grand ensemble de théories et de permettre un regard historique sur un ensemble de conceptions complexes. En cela, il entreprend de répondre à un important …