Présentation du numéroSyndicalisme et relations du travail face à l’incertain et à l’ébranlement des institutions régulatrices du travail[Record]

  • Jean-Michel Denis and
  • Sid Ahmed Soussi

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  • Jean-Michel Denis
    UPEM/CEE

  • Sid Ahmed Soussi
    CRISES/UQAM

Les six articles proposés dans ce dossier de la revue REMEST proviennent de communications présentées dans l’axe Relations professionnelles/Relations industrielles du XIX° congrès de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF) tenu à Rabat en juillet 2012. Le thème général de ce congrès était « Penser l’incertain ». Les chercheurs y participant, quelle que soit leur spécialité, ont donc été invités à faire part de leur savoir et expérience afin de préciser et vérifier ce constat de départ, celui d’un monde de plus en plus marqué par l’incertitude. Au-delà de son caractère anthropologique – invariant, universel et intemporel – l’incertitude est ainsi considérée comme le phénomène majeur de l’époque contemporaine, comme le paradigme permettant de saisir au mieux cette séquence historique particulière. Car si le danger dans l’histoire du monde n’est pas nouveau, la période actuelle serait pleine de « nouveaux » dangers résultant de l’ubris occidental en matière économique et technologique, cette « expansion illimitée de la maîtrise rationnelle » telle qu’elle est essentiellement portée et incarnée par le capitalisme (Castoriadis, 1990). Leur nouveauté tiendrait à leur caractère inédit, dans leurs causes comme dans leurs effets, à leurs dimensions globales – trans-classes sociales et trans-nationales (Beck, 1986 : 72) – et surtout difficilement maîtrisables, conduisant à parler davantage de dangers que de risques (Castel, 2003 : 58) ; elle amènerait en outre à distinguer la modernité tardive de la modernité industrielle qui reposait assez largement sur l’illusion de la maîtrise et du progrès. Corrélativement, cette incertitude serait profondément inquiétante. Les mots utilisés pour la caractériser en font foi puisqu’il est question d’épreuves, de risques, de dangers, de controverses, de complexité, de perte de sens et de contrôle, etc. La gravité du phénomène se mesurerait par son intensité, objectivable en termes de processus (mondialisation, dérégulation, flexibilisation, individualisation, fragilisation, etc.), et sa portée, celui-ci concernant l’ensemble des domaines sociaux sans exception (le politique, le culturel, l’économique, le social, etc.) (Giddens, 1994). Dans ces deux derniers domaines, il prendrait également la forme, déjà bien théorisée, d’une double dynamique : une multiplication et un renforcement des flux (commerciaux, financiers, mais aussi de production, de populations, etc.) ; un éclatement des cadres sociaux et politiques comme des modes de régulation (corporatifs, salariaux, etc.). Ses conséquences sur les individus seraient à la hauteur de cette seconde « grande transformation » qui, en les individualisant davantage, par leur flexibilisation et « mise en mobilité généralisée », les priveraient en même temps des moyens de leur individuation, c’est à dire de leur autonomie. Ce cadre global étant posé, il revenait donc aux sociologues réunis à Rabat de discuter et de vérifier, spécialité par spécialité, la pertinence du diagnostic ainsi que les formes particulières prises par cette montée de l’incertitude dans leur domaine spécifique, tout en étant bien évidemment invités à réfléchir également aux réponses à apporter à ce « nouveau défi » qu’est l’incertain. Dans celui du travail et des relations professionnelles, deux mots sont couramment utilisés, mais surtout associés, l’un étant la conséquence de l’autre, pour symboliser cette transformation contemporaine : mutations et ébranlement. Ces mutations concernent tout d’abord le système productif, c’est à dire autant les manières de produire que les organisations où la production prend place. Quel que soit le vocable employé pour désigner les premières : postfordisme, « troisième révolution industrielle » (Plihon, 2009), « nouveaux modes productifs » (Mercure & Vultur, 2010), etc., le trait commun de la plupart des analyses les concernant est de caractériser un mode en partie libéré du fordisme en raison d’exigences plus ou moins inédites liées : à la dé-standardisation des biens et des services, …

Appendices