Nous sommes heureux de vous présenter ce numéro de la Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST). Ce numéro compte quatre articles, qui ont en commun les enjeux en matière de gestion des ressources humaines ou de représentation collective. Ces dernières années, de nombreux auteurs se sont penchés sur le phénomène de la « génération Y » (aussi connue sous le vocable les « milléniaux ») et sur la nécessité d’adapter les pratiques managériales à cette cohorte homogène dont les membres partageraient des attentes, des valeurs et des comportements au travail différents de ceux des générations précédentes. Ils décrivent ces nouveaux travailleurs comme peu loyaux envers les institutions, à la recherche de sens au travail, d’opportunités professionnelles ainsi que d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Face à ce constat largement partagé, les gestionnaires sont invités à développer des pratiques novatrices et à adapter le milieu de travail en vue de les séduire et de les retenir en emploi, de les fidéliser. Cette lecture prescriptive invite à considérer de cette cohorte générationnelle comme un ensemble homogène et universel, indépendamment du pays, de la région ou de la culture d’origine de ses membres. L’essai théorique de Luc et Fleury appelle à plus de nuances. Les auteurs démontrent, études à l’appui, que le phénomène des « Y » relève plus du mythe que de la réalité, car cette génération serait semblable aux précédentes. Il n’y aurait pas de choc générationnel, les attitudes et les valeurs relatives au travail évoluant selon l’avancée en âge et dans la carrière. Sur les plans sociologique, psychologique et psychosociologique, les spécificités attribuées à la génération Y sont plutôt propres à la jeunesse. Elles découlent aussi des transformations récentes du monde du travail où l’employabilité prime désormais sur la fidélité. Les auteurs avancent trois hypothèses explicatives de la popularisation du discours sur la génération Y tenu en milieu professionnel par certains gestionnaires et cadres. Ce discours, notamment, masque le malaise des cadres devant une absence de gratitude ainsi que leur propre frustration d’avoir à se sacrifier pour une nouvelle génération, après s’être effacés devant la précédente. Dans un contexte de transformation du monde et du droit du travail, l’article de Gagné s’intéresse aux clauses de disparités, particulièrement les clauses dites orphelin, ou plutôt à certains de leurs impacts. Ayant un effet discriminatoire, elles changent la donne de l’universalisme syndical. Les clauses «orphelin» maintiennent ou ont amélioré les acquis des travailleurs en place, mais elles ont fait porter les poids des compressions budgétaires demandées par l’employeur sur des travailleurs plus précaires, comme les futurs employés ou ceux récemment engagés. L’auteure souligne que ces clauses de disparités de traitement fondées sur le statut d’emploi sont liées à une stratégie de rationalisation des entreprises et entraînent une prolifération des statuts atypiques. Plus encore, elles se traduisent par une ligne de rupture entre les intérêts des travailleurs, selon que ces derniers sont anciens ou occasionnels (lésés) , réguliers, permanents, à forfait, temporaires ou à temps partiel. Cette incompatibilité peut mener à des fractures au sein de la solidarité syndicale ainsi qu’à des conflits tant intergénérationnels qu’idéologiques, comme le démontre le cas des constables spéciaux du Québec dont le syndicat a négocié des clauses «orphelin» basées sur la date d’embauche. À la suite d’une revue de littérature juridique et historique, d’une quarantaine d’entretiens semi-dirigés ainsi que de relances téléphoniques, il apparaît également que certaines clauses de disparités de traitement permettent d’éluder la question de la discrimination comprise au sens de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ainsi que d’esquiver de longs et dispendieux …
Présentation du numéro[Record]
…more information
Guy Bellemare, Ph. D.
Professeur, Département de relations industrielles, Université du Québec en Outaouais, CanadaMartine Lauzon
Responsable administrative, Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST)