Comptes rendus

Edwige KhaznadarLe féminin à la française. Paris, L’Harmattan, 2001, 403 p.Claudie BaudinPolitique de la langue et différence sexuelle : la politisation du genre des noms de métier. Paris, L’Harmattan, 2001, 403 p.Claire MichardLe sexe en linguistique : sémantique ou zoologie ? Paris, L’Harmattan, 2002, 157 p.[Record]

  • Louise-L. Larivière

…more information

  • Louise-L. Larivière
    Université de Montréal et
    Université Concordia

Depuis les années 70, le Québec a été, en matière de féminisation linguistique, le chef de file de la francophonie. Alors que la féminisation semble maintenant acquise, peu d’ouvrages, toutefois, s’y écrivent sur le sujet. On ne peut en dire autant de la France ; en effet, depuis un an, chez le même éditeur, L’Harmattan, trois ouvrages ont paru sur la question, trois ouvrages d’orientation féministe bien qu’ils soient différents par le contenu, le style et la destination. L’ouvrage d’Edwige Khaznadar, Le féminin à la française, est celui qui se destine le plus à un grand public, cependant averti à cause de l’érudition et du style parfois incisif de l’auteure. Divisé en douze chapitres, cet ouvrage aborde la question de la féminisation comme un sujet polémique qui déchaîne encore des réactions passionnelles en France. En effet, les théories qui portent sur la dénomination humaine (le fait de nommer les femmes et les hommes par leur nom) relevaient, jusqu’à tout récemment, d’une « intériorisation intellectuelle inconsciente » à laquelle n’échappaient pas même certaines personnalités (tel Maurice Druon de l’Académie française) reconnues, par ailleurs, pour leur maîtrise de la langue française. Aussi, Khaznadar se propose de démontrer que la dénomination est « ce qui confère à chaque individualité humaine son identité et son statut social, déterminant la place qu’elle occupe parmi les autres, qu’elle a parfois rudement conquise ». Elle ajoute que le sentiment que l’on a de cette dénomination dépend d’une structure mentale façonnée depuis l’enfance et relève peut-être de l’inné, « qui serait notre instinct humain du langage », et « sûrement de l’acquis, qui est notre formation par la société ». Pourquoi, alors que les femmes et les hommes ont, de nos jours, les mêmes droits, et que la langue française offre très régulièrement l’alternance masculin/féminin dans ses formes, refuse-t-on aux femmes d’être nommées par des appellations qui leur sont propres ? Khaznadar répond que « c’est parce que, par une sorte de blocage culturel, les mentalités, masculines et féminines, refusent toujours la présence des femmes dans le domaine public, à la manière des siècles précédents ». Un tel refus de nommer les femmes avant 1997 (date qui marque le début d’une prise de conscience collective de la nécessité de nommer les femmes en France) faisait en sorte que, à défaut d’un titre féminin propre, la femme était désignée par son état civil, Madame le Conseiller, et n’apparaissait dans la langue que sous forme de faute lexicale et grammaticale : « Le député se déclara satisfaite. » Voilà comment on traitait le nom des femmes sur le plan individuel ! Que dire toutefois sur le plan collectif lorsque femmes et hommes sont embrigadés sous un masculin pluriel dit générique ? À ce sujet, des enquêtes ont démontré que, sous ce masculin, ce sont des hommes que l’on y voit, au point que des enfants, filles et garçons, ont, dès leur jeune âge, une image du monde d’où la femme est exclue. Aussi, dans ses douze analyses de la question, Khaznadar se propose non pas d’écrire une nouvelle grammaire normative, mais de préciser le sens exact et les implications des discours qui sont tenus en France sur le genre afin de « faire surmonter les blocages et inspirer le désir de la netteté et de la clarté dans le discours sur l’être humain en français ». Pourquoi une telle démarche s’avère-t-elle nécessaire ? Parce que « amputer la langue française de ses féminins réguliers [...] c’est la dénaturer ». C’est aussi le fait d’une mentalité ancienne, « républicaine », qui se doit d’évoluer en donnant à la femme …

Appendices