Comptes rendus

Micheline DumontDécouvrir la mémoire des femmes. Une historienne face à l’histoire des femmes. Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2001, 159 p.[Record]

  • Christine Piette

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  • Christine Piette
    Département d’histoire
    Université Laval

Découvrir la mémoire des femmes correspond pour Micheline Dumont à « une nouvelle tentative de poursuivre le combat de la réflexion féministe en histoire » (p. 18). Nous retrouvons en effet au coeur de cet ouvrage sa réflexion théorique qui repose sur 30 ans d’activité intellectuelle et militante et dont l’auteure cherche à faire profiter surtout « de nouvelles lectrices, jeunes de préférence, à qui [elle veut épargner] de longues lectures » (p. 18). Le livre se présente sous la forme d’un recueil de huit textes de Dumont, à peu près tous déjà publiés dans des revues, collectifs ou actes de colloque de 1973 à 2000 (un seul est inédit), choisis à cause de leur correspondance avec l’objectif visé. L’entreprise est double : la présentation d’un ensemble de bilans relatifs aux transformations de la discipline qu’est l’histoire des femmes et celle de l’évolution d’un parcours intellectuel, celui de l’auteure. Entre le « point de départ », intitulé de l’introduction, et « le fil d’arrivée », intitulé de la conclusion, nous participons au long cheminement suivi par Dumont entre les premiers balbutiements d’une prise de conscience du fait que les femmes sont absentes de l’histoire à la certitude que l’histoire des femmes est un projet éminemment politique, nécessitant une réinterprétation complète de l’histoire du monde. On comprend bien qu’il ne s’agit pas d’ajouter de-ci de-là à l’histoire traditionnelle un chapitre sur les femmes. La radicalité du projet se trouve résumée dans une phrase très percutante de l’auteure : « On n’ajoute pas l’idée que la terre est ronde à l’idée que la terre est plate. Cette découverte exige que l’on retourne en arrière et qu’on repense tout différemment » (p. 142). Le libellé des titres des chapitres rend compte de la progression de la démarche menant du point de départ au point d’arrivée : « Un nouveau champ de recherche », « Un premier panorama théorique », « Dans les interstices de la grande histoire », « Les pièges de la culture », « L’irruption du sujet », « Française ou américaine ? », « Une nécessaire déconstruction » et, enfin, « Tout est à refaire ». Les premières interrogations de Micheline Dumont sur l’histoire de « la » femme portaient par exemple sur les difficultés de la documentation ou la nécessité de la démarche comparative entre les sociétés et n’impliquaient pas, selon ses propres termes, de véritable réflexion épistémologique. L’importance primordiale d’adopter de nouvelles méthodes et de forger de nouveaux concepts pour comprendre la place « des » femmes dans l’histoire lui est progressivement apparue et dans quelques textes elle se penche alors sur les notions d’égalité et de différence, de domination et de libération pour en examiner les vertus analytiques mais aussi pour déceler les problèmes liés à leur utilisation, quand ce ne sont les impasses auxquelles certains de ces concepts peuvent conduire, en particulier celui d’égalité. Les derniers chapitres portent sur le concept de genre, apparu au début des années 1980 et développé en particulier par l’historienne américaine Joan W. Scott. L’étude du genre, c’est-à-dire celle des rapports sociaux entre les sexes, apparaît à Dumont comme extrêmement efficace et opérationnelle pour « renouveler complètement la direction du regard historique » (p. 127), démarche qui s’impose après le processus de déconstruction forcé par l’androgynie dans laquelle ont baigné toute la pensée et l’historiographie occidentales. L’enthousiasme de l’auteure à l’égard du concept de genre doit toutefois être mis en parallèle avec les critiques récentes de certains groupes qui voient dans son adoption une façon de reléguer encore une fois les femmes au second plan. Dumont ne fait pas écho à …