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Qu’ont en commun Truismes (1996) de Marie Darrieussecq, Espèces (2010) de Ying Chen, Le goût de l’immortalité (2005) de Catherine Dufour et La Saga d’Illyge (2011) de Sylvie Bérard? Ces romancières empruntent d’abord aux littératures de l’imaginaire pour mieux traduire leur regard sur la femme, l’identité et la société. Le premier roman, Truismes, écrit par une représentante importante de la nouvelle génération française des années 90, a joui d’un immense succès de librairie et s’est attiré l’attention critique qui le définit comme fantastique, réaliste magique, initiatique, pornographique, féministe, postmoderne, dystopique, pastoral, picaresque… Ce « monstre textuel » composé de greffes génériques (Jordan 2004 : 77) correspond bien à l’esthétique de l’auteure qui s’inspire des littératures de l’imaginaire (voir Chadderton (2012 : 25-27)). Outre son assise dystopique, l’oeuvre de Marie Darrieussecq apparaît fantastique, pour l’horreur que la transformation de la protagoniste en truie provoque autour d’elle, tout comme la présence d’un loup-garou. Cependant, comme la métamorphose n’étonne pas la protagoniste, le texte appartient au réalisme magique dans le sens où le merveilleux surgit au sein de l’ordinaire et efface la frontière entre les deux (Faris 2004 : 1; voir aussi Bahun-Radunović (2011 : 56)). Le roman intitulé Espèces, de l’écrivaine québécoise réputée Ying Chen, s’inscrit également dans le réalisme magique, doublé d’une composante policière ténue. Dans ce roman, l’héroïne se transforme en chat l’espace d’une réflexion existentielle.

On quitte la métamorphose animale pour l’univers cyborg avec Le goût de l’immortalité, de Catherine Dufour. Ce roman, qui a reçu de nombreux prix, participe de la science-fiction, où la distanciation cognitive par rapport au monde empirique et le novum permettent la réflexion sur l’environnement sociopolitique contemporain (Suvin 1977). L’héroïne, anonyme, tout comme dans les textes précédents, est une cyborg devenue zombie à la suite d’un empoisonnement. En germe dans le texte de Chen, l’intrigue policière se développe dans celui de Dufour pour accuser la dérive du pouvoir politico-économique. Une fable policière s’imbrique aussi dans la science-fiction de La Saga d’Illyge de Sylvie Bérard, auteure québécoise elle aussi couronnée de prix. L’oeuvre suit l’artiste Illyge, victime d’une substance contaminée provoquant un clonage spontané, ainsi que son exploration esthétique autour de la douleur et de l’interaction intime entre la création et la réception.

On aura compris que le second point commun aux quatre romans réside dans la réalité corporelle des personnages féminins, que nous analyserons sous l’angle du devenir et du nomadisme tels qu’ils ont été élaborés par Gilles Deleuze et Félix Guattari, et repris sous un angle féministe par Rosi Braidotti. En effet, qu’il se lie au végétal, à l’animal ou à autre chose, le devenir incarne les flux de désir, d’énergie et d’images qui sillonnent le corps sans organes, c’est-à-dire la face virtuelle, intensive, de la représentation du corps actuel. Lorsqu’il s’éloigne des positions dominantes, ce corps intensif en devenir est un sujet nomade qui remet en question les catégories établies. Les littératures de l’imaginaire illustrent bien ces devenirs véhiculés par les corps féminins présents dans les romans. Deleuze et Guattari (1980 : 304) notaient déjà combien la science-fiction pouvait éclaircir les différentes formes de devenir, mais on peut en dire autant du fantastique, genre tératologique par essence (Marigny 2008 : 149), et du réalisme magique.

Marginaux, extrêmes, ces corps féminins en devenir représentent une libération, potentielle ou réalisée selon les textes. Nous décrirons d’abord les devenirs des quatre héroïnes, du corps sans organes au devenir-animal, cyborg et intensif, que nous analyserons ensuite sous l’angle du nomadisme, de la machine de guerre qui « déterritorialise » la famille, le discours sur le genre et l’appareil politique.

Le corps en devenir

Devenir, c’est ne plus sentir les choses comme avant, sous l’impulsion d’un dehors dans un sens absolu; la rencontre avec le dehors sera d’autant plus forte qu’elle s’effectue avec du non-humain, c’est-à-dire les signes produits par autrui, comme les inflexions de voix, mais aussi des intensités venant des règnes animal, végétal ou minéral (voir Zourabichvili (1997 : 2)). Sous l’effet du stimulus, la personne connaît une dépossession de soi qui la fait entrer dans un état informel. Elle capture des particules appartenant à la zone de voisinage de la molécule animale, végétale ou autre[1] vers laquelle elle tend : « Les devenirs ne sont pas des phénomènes d’imitation, ni d’assimilation, mais de double capture, d’évolution non parallèle, de noce entre deux règnes » (Deleuze et Parnet 1996 : 8).

Le devenir se pose ainsi comme un processus du désir qui permet la libération de flux désirants sur le corps sans organes. Par cette expression, Deleuze et Guattari entendent un corps conçu en deçà de sa détermination organique, constitué d’organes en devenir, ce qui permet de rejeter toute hiérarchisation pyramidale (le cerveau comme organe le plus important) et toute idée d’unité corporelle imposée. Le corps sans organes est un espace intensif de perceptions, d’affects et de sensations; par là, il exprime la face virtuelle du corps actuel (Deleuze et Guattari 1980 : 200) :

Car le CsO [corps sans organes] est tout cela : nécessairement un Lieu, […] nécessairement un Collectif (agençant des éléments, des choses, des végétaux, des animaux, […] des puissances, des fragments de tout ça, car il n’y a pas « mon » corps sans organes, mais « moi » sur lui, ce qui reste de moi, inaltérable et changeant de forme, franchissant des seuils).

Les organes se déplacent selon les flux de désir : il y a donc le corps hypocondriaque, amoureux, masochiste… et, dans les cas qui nous intéressent, le corps cyborg, zombie ou animal en devenir.

Le devenir-animal

Pour la narratrice anonyme d’Espèces, il semble que rien de particulier n’ait préludé à sa métamorphose en chat : « c’était une naissance, un pur hasard. Je n’ai rien eu à faire, pas eu l’occasion de choisir. Mais on ne choisit jamais rien » (E[2] : 8). Ce roman participe du cycle romanesque que Chen entame avec Immobile (1998) et qui se penche sur les questions de traces et de configurations du moi (Parker 2011 : 76). Le roman Espèces suit Un enfant à ma porte (2008), dans lequel la narratrice a adopté un enfant par désir de normalité. Toutefois, la maternité aiguise chez elle les difficultés d’existence qu’elle éprouvait déjà. Le départ de l’enfant sera donc accueilli avec soulagement, mais accentuera la marginalité et la folie de la femme, à l’existence «  sans pesanteur, sans énergie vitale, sans identité bien fixe » (E : 58). Le fauteuil trônant à l’entrée de la maison où elle vit avec son mari, A., servira à la fois de synecdoque de la condition dépressive et de zone de contact du devenir, car la chatte y revient pour observer son maître : « Il se peut qu’il y ait non seulement une interaction entre les objets et les êtres, entre A. et le fauteuil, mais aussi une interaction entre les existences de tout ordre, entre les espèces, entre A. et moi » (E : 17).

Le jeu de capture moléculaire entraîne d’abord un détachement bienvenu par rapport aux humains. En effet, le temps se mesure désormais en « succession de petits instants qui s’éteignent ou se prolongent, sans cohérence et sans but » (E : 34), ses sens s’aiguisent, son territoire s’élargit de la maison au quartier, et elle fréquente une meute. L’héroïne-chatte applaudit la supériorité de la meute quant à son indépendance, sa vie communautaire exempte de « danger existentiel » (E : 49). Elle s’en éloignera néanmoins plus tard, lorsque ses affects délaissent le devenir-animal :

Quand les gens disent en m’apercevant dans la rue : « Tiens, voilà une drôle de chatte », avec exactement la même perplexité et la même gêne avec lesquelles ils commentaient autrefois mon comportement, en chuchotant « Tiens, voilà une drôle de femme », je comprends que je n’appartiendrai jamais au monde des chats, que leur destin m’est indifférent, que je les méprise dans le fond.

E : 207

L’héroïne-chatte quitte donc l’entre-deux malaisé pour reprendre forme humaine.

Des facteurs tant physiques que psychologiques déclenchent le devenir à l’oeuvre dans Truismes. La forme animale résulterait, d’une part, d’« un effet de Goliath, ou alors [d’]un cocktail de saloperies diverses [et de] sortilèges » (T : 116). De fait, l’héroïne utilise les produits cosmétiques Loup-Y-Es-Tu, toxiques, et son travail de masseuse prostituée dans une parfumerie la conduit à un marabout qui expérimente sur elle. D’autre part, le corps sans organes de l’héroïne est parcouru de flux désirants tendus vers l’affection d’autrui; elle incarne jusqu’à la monstruosité le regard phallocrate qu’elle a intériorisé. L’animalisation s’appuie largement sur ce que Pascal Robitaille appelle les « animots », dans la foulée de Jacques Derrida. Il entend par là les figures de rhétorique et les constructions verbales, jouant sur le double sens, qui contiennent le nom d’un animal ou l’un de ses attributs (Robitaille 2006 : 45). Il en va ainsi du titre, qui évoque autant la femelle du cochon, la femme grosse et malpropre, la femme de mauvaise réputation, la catapulte (nous y reviendrons) que les vérités banales. On pense en outre à la pancarte électorale où la protagoniste illustre le slogan du parti au pouvoir. L’héroïne se reconnaît « cochon habillé dans cette belle robe rouge, un cochon femelle en quelque sorte, une truie si vous y tenez, avec dans les yeux ce regard de chien battu que quand je suis fatiguée » (T : 77) – pour aussitôt effacer le sens strict en contextualisant la photo. En maintenant l’ambiguïté de la double espèce, les animots permettent d’illustrer le devenir. À force de « manger comme un cochon » (T : 21), la jeune femme se repaît de fleurs, ses oreilles s’allongent, une queue pousse[3]

Le corps sans organes de la jeune femme oscille entre les formes humaine et porcine de façon aléatoire, mais c’est lorsqu’elle rencontre l’amour de sa vie, Yvan, qu’elle apprend à contrôler ses variations corporelles. Cet homme séduisant, loup-garou classique, possède un devenir associé au loup par la polysémie entourant l’animal. Il est un « loup », une personne sans scrupule; propriétaire des cosmétiques Loup-Y-Es-Tu, il étouffe le scandale autour de ses produits toxiques. Par ailleurs, ses « faims de loup » font de lui un être dangereux pour sa compagne qui, par amour, accepte l’union contre nature. De fait, c’est l’amour qui aidera l’héroïne à préserver son devenir-humain, après la mort de son compagnon. Tandis qu’elle vit, truie, entourée d’un verrat et de marcassins, son humanité s’exprime dans la création littéraire.

Le devenir-cyborg

Avec les romans de Dufour et de Bérard, on quitte le devenir-animal pour un « devenir-imperceptible » du côté du cyborg. Grâce aux développements technologiques, la frontière entre l’humain et l’animal, mais plus encore entre l’humain et la machine est hantée, c’est-à-dire imprécise et investie selon Donna Harraway (1991 : 152) : « cyborgs signal disturbingly and pleasurably tight couplyin ». Il s’agit cependant d’un ébranlement positif, car le cyborg se pose comme une figure de la réceptivité, de l’interaction qui efface la dichotomie entre l’esprit et la pensée, la nature et la culture, l’homme et la femme; c’est pourquoi, selon Braidotti (2011 : 65), il rappelle le corps sans organes.

« The cyborg is resolutely committed to partiality, irony, intimacy, and perversity. It is oppositional, utopian, and completely without innocence » (Harraway 1991 : 151) : voilà qui s’applique au roman de Dufour. Dans une lettre aux allures de mémoires adressée à Marc, la narratrice du Goût de l’immortalité revient sur sa vie en Chine, du xxiie au xxive siècle. Elle avertit son destinataire : « n’attendez […] ni sincérité, ni impartialité : après tout, j’ai quand même tué ma mère. Ce n’est pas un sujet qui peut se passer de mensonges » (GI : 13). Un univers cyborg domine le monde social, de la nourriture et de la science aux virus et au langage : « Fleurs-stases. Pseudo-peau […] sensisexe, Légumes-like, copyfruits […] greffones, familiers, plats-built et maintenant morts vivants » (GI : 155). À l’encontre de la majorité de ses contemporains et contemporaines, résultats de prothèses organiques et du « tripotage génétique prénatal » (GI : 14), la narratrice possède un bagage génétique pur, mandchou, mais elle a été elle aussi « commandée » au centre de procréation (GI : 36). Le destin transforme cependant la cyborg en zombie; ne pouvant accepter la mort de sa fille empoisonnée par l’eau d’une piscine, sa mère lui fait boire des philtres d’immortalité composés d’âmes provenant d’un trafic humain (GI : 273) impliquant la guérisseuse iasmitine[4].

Le texte de Dufour efface donc le cloisonnement traditionnel vie-matière organique/mort-artificiel, comme le cyborg harrawayien. Affligée d’un corps paralysé dans l’enfance alors qu’elle est bicentenaire, la narratrice se révèle une cyborg posthume, c’est-à-dire « qui vient après la terre, après l’organique » (Lauzon-Dicso 2012 : 121). Elle se situe dans un espace intercalaire, entre son identité d’abord exécrée puis acceptée de cyborg zombie, sa vie active dans le monde virtuel et ses passages dans la réalité matérielle. En tant que corps sans organes, elle est tout entière tendue vers le devenir-humain. Au-delà des flux de ressentiment envers sa mère, d’amour et de haine pour cmatic qu’éprouve l’héroïne durant son existence, c’est en effet le désir d’être humaine à part entière qui lui fait écrire à Marc. Celui-ci, qui contrôle les « unités populaires de soins compassionnels » (GI : 317), pourra lui fournir des âmes en attendant un nouveau corps où transplanter son cerveau : « la vie est une drogue terrible » (GI : 317).

La sexualité et la douleur aussi… pour Illyge Raimbault, héroïne du roman de Bérard. Le nom de la protagoniste apparaît révélateur. Le patronyme renvoie bien sûr au Passant considérable, auquel la protagoniste fait écho : l’art avant-gardiste, le dérèglement des sens, le vagabondage. Raimbault crée des performances BDSM[5] qui, très appréciées du public, correspondent à la fois à une quête personnelle et à la subjectivité collective de Saga, Coeur urbain emprisonné par les Périphes. Entourée d’instruments et de matériel analogique, elle est la « matière première » (SI : 57) des spectateurs :

[Je] masturbe leur esprit, non leur corps, ce qui ne signifie pas que leurs sens ne soient pas stimulés. Cependant, le sexe est secondaire auprès de toutes les sensations qui se disputent en moi. Je ne suis pas sur scène pour jouir, mais pour m’annihiler sous le joug de cette collectivité qui me domine. Et le public, sans doute, n’est pas là en quête d’un orgasme à tout prix mais d’une expérience plus profonde, plus complète.

SI : 75-76

La mise à distance du désir humain théâtralise ainsi le corps cyborg dont les flux de désir véhiculent autant une douleur de vivre profonde qu’une réflexion sur la nature humaine et le monde social.

La performance exposée plus haut caractérise un moment dans l’évolution artistique d’Illyge. Une seconde performance, décrite à la fin du roman, correspond à une nouvelle étape; elle relève du prénom et d’une autre forme de corps-cyborg. En effet, Illyge devient dépendante du LX-200 (ou « élyx »), une drogue qui provoque une mutation corporelle à la suite du contact des stocks avec un virus. Après des bourgeonnements monstrueux, Illyge a produit Illyge’, clone mâle où se déversent la psyché et les souvenirs de l’héroïne. On comprend dès lors le prénom, composé des pronoms sujets aux première et troisième personnes du singulier[6]. Au-delà de l’aberration biologique, le récit s’attache aux questionnements identitaires qu’entraînent, chez Illyge’, la superposition de l’esprit de l’autre sur le sien et l’apprivoisement d’un corps sexué nouveau – c’est le « je est un autre » rimbaldien. L’héroïne, de son côté, se montre fascinée; le dédoublement active la réflexion (« qu’y lis-je? ») et la créativité. La seconde performance, à deux, accentuera en effet le jeu d’abymes entourant les couples soi/autre, douleur/plaisir et émetteur/récepteur :

Nous perdons le compte des coups, des cycles, des nouvelles silhouettes à l’image d’Illyge. Les formes se créent et se fondent en nous plusieurs fois, chaque fois ponctuées d’une nouvelle enfilade sphérique d’instruments, jusqu’à ce que nous soyons enfermé, enfermée dans d’innombrables bulles diaphanes.

SI : 431

S’est ainsi développé un devenir-moi esthétisé, sexué, grâce aux composantes cyborg. Or celui-ci, en tant que figure de mixité, ne s’inscrit-il pas dans la transsexualité et donc ne va-t-il pas au-delà du système de genre (Braidotti 2011 : 60-61)?

Truie, chatte, cyborg, cadavre… « Our bodies, ourselves; bodies are maps of power and identity » (Harraway 1991 : 180). Le fait que ces corps monstrueux sont féminins fait écho au discours social entourant le corps autre, déformé, de la femme. Braidotti souligne toutefois que les représentations du monstre expriment aussi des subjectivités émergentes, déplacent les frontières de l’altérité, brouillent les codes du phallocentrisme, et donc offrent des modèles potentiels de devenir (Braidotti 2002 : 200-202). En d’autres termes, ces corps sans organes en devenir véhiculent des flux qui déterritorialisent les cristallisations molaires. Ils sont synonymes de nomadisme.

Le nomadisme et la machine de guerre

Selon Deleuze et Guattari, le champ social est parcouru d’un réseau de flux prenant trois formes. La ligne dure, ou molaire, fait référence à la « territorialisation » opérée par le binarisme (enfant/adulte, homme/femme) ou le surcodage de l’appareil d’État. La ligne souple (ou fêlure) propose des devenirs à petite échelle, sans vraiment ébranler le molaire. Enfin, la ligne de fuite déterritorialise le molaire (Deleuze et Guattari 1980 : 264-271). L’espace apparaît donc strié ou lisse selon les lignes les parcourant. L’espace strié correspond au tissu dont on voit le cadre ainsi que les fils de trame et de chaîne : il représente l’ordre hiérarchisé, le molaire, la conjugaison des flux en une « reterritorialisation ». L’espace lisse, au contraire, correspond au feutre, où l’enchevêtrement de fibres, invisible, peut croître à l’infini. L’espace lisse se compose d’affects non polarisés et surgit sous le striage : c’est l’espace du devenir, des nomades et de la machine de guerre.

Les nomades représentent les « Déterritorialisés » par excellence; sans rapport avec le territoire médiatisé par un appareil d’État ou un régime de propriété, ils occupent l’espace lisse et contribuent à son extension. Ils résistent à l’assimilation ou à l’homogénéisation des perceptions du soi dominantes et, surtout, ils sont des corps sexués, ajoute Braidotti. Les flux de désir, dès lors, tendent vers l’arrangement matériel et social des conditions qui permettent l’actualisation des formes affirmatives du devenir (Braidotti 2002 : 99) : c’est pourquoi ils s’imbriquent dans une éthique transformative impliquant la différence sexuelle et l’ouvrant au multiple.

Les héroïnes nomades répondent à divers degrés, concrètement ou indirectement, aux pressions homogénéisantes et assimilatrices. De même, leur reconnaissance de leur spécificité en tant que femme apparaît variable. Elles n’en demeurent pas moins des machines de guerre, c’est-à-dire des agencements construits sur des lignes de fuite pour contrer le striage (Deleuze et Guattari 1980 : 523). Les machines de guerre visent trois molarités dans les textes, soit la famille, le discours sur le genre et l’appareil politique.

La famille

On remarque en effet que le devenir des personnages exige l’absence, voire la destruction, de ce qui serait perçu comme le premier striage fondamental, l’ancrage familial. Par là, les personnages rejoignent Harraway (1991 : 151), pour qui le ou la cyborg « does not dream of a community on the model of the organic family, this time without the oedipal project ». Il s’agit en fait de l’arrimage maternel, car le père est absent de tous les textes. Nous avons mentionné plus haut que la narratrice d’Espèces avait échoué sa tentative de maternité : sans doute est-ce parce qu’elle est elle-même une orpheline n’ayant jamais été adoptée (Parent 2012). Sa stérilisation sous sa forme féline renforce encore le rejet de la maternité en général. De son côté, le roman Truismes dépeint une mère hypocrite qui, par appât du gain, rejette sa fille, puis lui clame son amour dans une émission télévisée avant de vouloir la tuer. L’héroïne se laisse longtemps berner, mais devant la menace de mort, elle tue sa mère « de tout [son] corps, de toute [sa] haine, de toute [sa] peur » (T : 157). Sa propre maternité lui est aussi refusée (avortement, fausses couches), sauf peut-être à la fin du récit – sous forme animale.

La machine de guerre se cristallise en un autre matricide dans le texte de Dufour. La narratrice tue cette mère surprotectrice et dévouée qui l’a tuée par accident, puis ressuscitée tout en lui taisant sa véritable nature et la source de son immortalité. L’héroïne tue en outre iasmitine, figure maternelle négative (GI : 54). La véritable mère, substitut, meurt tôt. À l’instar des autres textes, la lignée familiale s’arrête avec l’héroïne, puisque, en tant que cadavre de fillette, la narratrice ne connaîtra pas la maternité ni ne la regrettera. Ce faisant, le texte converge vers celui de Bérard, lui aussi marqué par le rejet de la filiation et de la cellule familiale.

En quelque sorte abandonnée par une mère obnubilée par son travail philanthropique, Illyge éprouve indifférence et colère à la mort de celle-ci : « j’en voulais à ma mère, et je pense que je voulais faire tout ce qu’elle avait toujours détesté : ne rien faire, m’amuser, ne servir à rien, vivre dans le désordre de Saga » (SI : 10). Seul le lien unissant Illyge à sa mère substitut, Nadège, apparaît épanouissant. Malgré tout, la mutation provoquée par l’élyx contaminé enclenche une réflexion sur la maternité comme exploration identitaire et sexuelle[7] :

C’est bizarre aussi de se sentir à moitié double, comme ça, avec un tronc commun, mais des branches qui se ramifient chacune de son côté. Et qui, récemment, se sont entrecroisées de manière inédite. Est-ce que c’est mal de faire l’amour avec son clone? C’est ce qui nous a donné l’idée de cette performance et m’en a redonné le goût. Une rencontre brutale et subite entre Narcisse et son reflet.

SI : 418

À la fois horrifiante et fascinante, la maternité ne signifie plus la lignée, mais le redéploiement du moi – et les moi se font plus que jamais objet de l’art.

Le discours sur le genre

Au sujet du devenir comme force affirmative, Braidotti affirme qu’il démarre avec la reconnaissance de l’asymétrie entre les sexes et l’accent sur la spécificité de la femme comme point de départ du processus de redéfinition de la subjectivité (Braidotti 2011 : 41). C’est le cas de la chatte d’Espèces. Dès sa transformation, la narratrice se félicite d’avoir quitté sa « féminité d’autrefois, cette douceur feinte et démodée, cette chose compliquée, de moins en moins saisissable pour un homme et aussi pour une femme, de moins en moins possible, cette imbécillité à la fois contestée et recherchée » pour aussitôt ajouter que son corps félin lui assurera « une capacité d’idolâtrer, un pouvoir de séduire, une possibilité de rendre A. plus viril, plus à son aise, plus amoureux, en le laissant triompher sur moi » (E : 14). Tout est dit à l’orée du texte; la division genrée persiste encore, bien qu’elle soit déstabilisée sur le plan discursif, et le devenir-chat implique un renforcement de la structure de pouvoir. Cependant, l’héroïne trouvera dans ce devenir une machine de guerre par rapport à une manière d’être obsolète.

Être chatte présente effectivement l’avantage d’échapper à la « prostitution de l’âme et du corps en échange d’une chaleur quelconque » (E : 75). Avoir un maître absolu rendent aussi caducs, paradoxalement, les discours d’autorité masculins et la fausse égalité des sexes, car la cohabitation de deux espèces ne signifie pas fusion ni communauté discursive; la chatte n’a que faire du joug discursif masculin entourant la femme – comme il ne s’applique plus, la narratrice se libère. Le fait que A., le maître, donne le nom de son épouse à la chatte (E : 167) ne doit pas se lire comme une tentative de mainmise, car la reconnaissance de l’altérité féline/féminine placerait l’homme en position d’ouverture à l’égard de l’autre.

Cependant, l’existence sous forme animale achoppera bientôt, comme on l’a vu en première partie. D’un côté, le devenir-chat perd de sa force « déterritorialisante » en raison du dédain progressif de la narratrice pour l’animal; de l’autre, l’héroïne est attristée par les difficultés qu’a entraînées sa disparition officielle pour son mari. Le roman se conclut ainsi sur la rencontre des deux partenaires, lorsque l’héroïne a repris forme humaine :

Nous restons longtemps à nous regarder en silence […] comme dans une scène de retrouvailles […] dans une vie somnambulique, fantomatique où les personnages […] retenus par une force invisible, et ne pouvant s’approcher l’un de l’autre malgré leurs efforts, écarquillent les yeux et tentent de mieux saisir, à distance, la réalité de l’autre.

E : 211-212

Le devenir a certes généré des forces affirmatives chez la narratrice, qui se distancie des discours genrés, mais rien n’indique s’il s’agit de lignes de fuites qui déterritorialiseront l’espace conjugal pour le revivifier ou de simples fêlures.

On pourrait aussi s’interroger sur la force de la « déterritorialisation » à l’oeuvre dans Truismes. La protagoniste se trouve confinée dans les discours traditionnels entourant la matérialité corporelle de la femme et la « naturalité » des genres; or loin de les remettre en question, elle appuie la misogynie institutionnalisée (Jordan 2004 : 82) malgré les nombreux viols et abus qu’elle essuie. Outre le directeur de la parfumerie qui profite sexuellement et matériellement d’elle, on pense, par exemple, à Marchepiède, activiste antiavortement qui s’attache à la table d’opération sur laquelle on opère l’héroïne (T : 30-31). Par ailleurs, la métamorphose corporelle de l’héroïne illustre combien les diktats de la beauté physique et les discours sur la naturalité de la femme relèvent d’une même perception misogyne et ne peuvent que déboucher sur la monstruosité.

Il va sans dire que le système phallocratique entrave toute possibilité de couple égalitaire, sinon d’amour. La sodomie domine d’ailleurs les relations sexuelles dans le roman, comme forme de pouvoir et de refus de la reproduction (Pick 2011 : 92). Au début du texte, la narratrice vit avec Honoré, être médiocre qui n’aime que le plaisir qu’il retire d’elle, puis l’injurie lorsqu’elle exprime ses propres désirs sexuels avant de la jeter à la rue. La relation avec Yvan constitue une exception, malgré les apparences de couple traditionnel. Le loup-garou enseigne à sa compagne la maîtrise de sa forme corporelle, mais il ne peut le faire sur lui-même, astreint qu’il est au cycle lunaire – rattaché traditionnellement au féminin. Elle contrôle donc ses incarnations corporelles selon ses besoins; ce faisant, elle va au-delà du « mimétisme comportemental emprunté au modèle masculin » (Sarrey-Strack 2002 : 171). Elle réussira même à freiner le devenir-loup de son amant grâce à son talent de conteuse (T : 136). Enfin, c’est elle qui clôt le texte, tandis qu’il meurt : « J’essaie de faire comme me l’avait montré Yvan, mais à rebrousse-poil de ses propres méthodes : moi c’est pour retrouver ma cambrure d’humain que je tends mon cou vers la Lune » (T : 158).

L’héroïne se pose donc à la fois comme objet (aliéné) et sujet (en devenir); ce faisant, elle détruit le discours entourant les genres, mais elle échappe aussi à toute lecture féministe et à toute interprétation au premier degré (Bahun-Radunović 2011 : 62-63). Néanmoins, nous avons mentionné plus haut qu’une truie est une sorte de catapulte (CNRTL 2013). L’ambiguïté profonde du roman Truismes, qui joue à la fois sur la naïveté de la protagoniste et le jugement sur la phallocratie, constitue justement une ligne de fuite puissante. L’héroïne écrivaine oblige en effet sa lectrice ou son lecteur à la distanciation par une exacerbation des discours entourant la réalité corporelle, le caractère « naturel » du genre féminin et la situation sociale de la femme, ce qui déterritorialise l’espace molaire.

La description de la condition féminine attire moins l’attention de Dufour et de Bérard, sans pour autant être absente. Dans Le goût de l’immortalité, l’État privilégie encore le modèle du couple hétérosexuel en raison des nécessités démographiques. Une partie du discours social s’axe sur le natalisme, que ce soit le domaine médical (GI : 32) ou la réprobation devant le célibat, hors norme. Ainsi, les « mobilis », qui ne peuvent vivre en couple, profitent du « marché de la nuptialité » qui arrange des mariages : « rien n’a changé. C’est tout juste si le Réseau donne une allure plus fluide à ces quêtes amoureuses pourries par leurs propres incohérences » (GI : 33). Cependant, la réalité sociale se caractérise plutôt par les peines d’amour, l’isolement d’individus ayant recours aux services de « jetlags » (GI : 36), des prostituées comme la mère de la narratrice, ainsi que des plaisirs sexuels parfaits grâce à la technologie. Que l’héroïne soit une cyborg zombie célibataire, sans « capteurs ou attribut sexuel supplémentaire » (GI : 41), et qu’elle considère l’amour comme une « psychose ou [une] brève maladie mentale » (GI : 87) relève donc de la ligne de fuite.

Chez Bérard, la composante sexuée du devenir, essentielle selon Braidotti, trouve une métaphore dans le Coeur urbain. Saga abrite en effet la communauté queer, et c’est là qu’Illyge exprime sa sexualité nomade; ses amours bisexuelles, colorées de violence sadomasochiste, interpellent les genres et explorent les jeux de pouvoir : « Bien oui, quand je t’ai rencontrée la première fois, j’ai tout de suite vu quelle était ta position préférée, ai-je rétorqué en lui tirant la tête vers l’arrière pour plonger ma langue dans sa bouche, me faisant d’ailleurs vite ramasser et presser contre le mur de manière brutale et amoureuse » (SI : 58). L’illustration la plus forte des jeux de pouvoir concerne la relation entre Jan Mayen et Illyge. La jeune femme, amoureuse, est victime de Jan, ethnopsychiatre périphéen qui, malgré sa passion pour Illyge, a préféré suivre l’évolution de la mutation qu’elle a subie plutôt que de réellement la soigner. Les lignes de fuite d’un groupe d’opposition se joignent aux propres flux cyborg de l’artiste Illyge pour échapper à l’emprise de cette relation; la machine de guerre a ainsi déterritorialisé le striage autour de la relation entre homme et femme, tout comme de la machine sociale.

L’appareil politique

En effet, la misogynie institutionnalisée, les machines politiques et la hiérarchie sociale sont autant de cristallisations molaires qui reposent sur les lignes de fuite pour assurer leur fonctionnement, mais qui doivent les assujettir pour éviter les débordements. Ce mouvement de territorialisation et de déterritorialisation s’exacerbe avec le capitalisme avancé au sens que lui donnent Deleuze et Guattari, et plus généralement dans les mouvements politico-économiques contemporains[8]. Les femmes-devenir inscrivent donc leur propre nomadisme dans un champ social parcouru de lignes contraires, de machines de guerre se déterritorialisant les unes les autres.

Outre le discours entourant les genres, le système social molaire dans Espèces apparaît sous la forme du jugement de la majorité sur la narratrice et, par ricochet, sur son mari : marginaux, névrosée, psychopathe... (E : 104 et 206). En retour, le commentaire félin sur les humains se fait coupant : « l’univers rajeunit quand il se libère des humains, de leurs regards réprobateurs pour je ne sais quelles raisons ni de quels droits, de leur pensée bruyante, assommante et savamment hypocrite, de leur mémoire et de leurs trésors pourris » (E : 62). Si la chatte-machine de guerre se montre ambiguë quant à son rapport au couple et au genre, la charge sociale se fait ici claire.

La structure molaire s’amplifie chez Darrieussecq pour se rattacher au politique. La naïveté de la narratrice accuse, par l’absurde, les dérives économiques, politiques et écologiques produites par l’espèce humaine. Dans une suite de péripéties sur fond d’environnement dévasté et d’injustices sociales, l’héroïne se trouve au coeur de l’évolution historique[9] : capitalisme sauvage, puis dictature d’extrême droite liée à l’Église de la Spirale, mouvement fanatique nouvel âge, et, enfin, Gouvernement des Libres Citoyens, régime totalitaire d’extrême gauche. À cela s’ajoute la mainmise de la Société protectrice des animaux – on pense au slogan de la première dictature « pour un monde plus sain » (T : 70) – qui agit comme une véritable Gestapo. Or n’est-ce pas le désir d’un monde réellement plus sain, respectueux des êtres vivants, qui pousse la narratrice dans une forme porcine et l’entre-deux d’une vie en forêt et près du monde humain (voir Bahun-Radunović (2011 : 58))? La narratrice-truie, jugée monstrueuse, apparaît ainsi comme une catapulte dirigée contre la monstruosité humaine.

Dufour et Bérard attaquent elles aussi la structure sociale par l’entremise des intérêts politiques ou géopolitiques. Dans Le goût de l’immortalité, la pollution extrême a provoqué la spatialisation de la hiérarchie sociale. Les classes aisées vivent en haut de tours et couperont bientôt toute communication avec le sol des populations démunies, puis les sous-sols où celles-ci se sont réfugiées à la suite d’épidémies ravageuses. Le monde souterrain était d’abord une force déterritorialisante, car il aidait la population « refugee » (GI : 159) victime des virus. Il est devenu un « monstrueux Réseau Parallèle » (GI : 163) puis une dictature avec path, sociopathe androgyne cyborg qui attaquera le monde des tours par un « big blast » (GI : 170). Ce nomadisme s’est donc transformé en une néoterritorialité rappelant le fascisme moderne ou le néotribalisme urbain (Deleuze et Guattari 1972 : 306-307). La pire structure molaire prend la forme des luttes complexes entre organisations économico-politiques « dont le museau diplomatique cache mal les crocs expansionnistes » (GI : 103). Ainsi, la bavure du transgène raciste meurtrier créé par l’« international association of territories » (GI : 103) déclenche une intoxication générale, la prise de contrôle d’un État, une chasse à l’homme, la mort de cmatic… et conduit au trafic d’humains destinés aux philtres d’immortalité dirigé par iasmitine, source de la haine meurtrière de la narratrice. Le corps de la narratrice résultait donc du striage molaire dans le sens qu’il était une pointe des flux géopolitiques; elle en a fait tout de même un sujet nomade qui, par les actions et l’écriture, a révélé la machine molaire. Les forces affirmatives du devenir-cyborg posthume auront eu raison du striage, momentanément, car celui-ci s’est reterritorialisé.

Un jeu entre déterritorialisation nomadique et reterritorialisation apparaît aussi dans La Saga d’Illyge. Ici encore, le pouvoir se spatialise. Dans les Cités comme Saga règne la misère économique et morale. Autour d’elles se situent les Périphes, d’orientations idéologiques diverses, mais caractérisées par l’ordre. La Périphe Nord, société totalitaire d’orientation écologique, n’hésite pas à envoyer ses brebis galeuses en rééducation ou à les chasser de son territoire. Cependant, suivant le dualisme civilisé/sauvage, ordre/désordre, austérité/débauche, les Périphes entretiennent avec leur Coeur citéen des rapports ambigus : elles s’y encanaillent et s’en servent comme laboratoire – n’y ont-elles pas introduit l’élyx contaminé et n’en suivent-elles pas la mutation, dans l’espoir de découvrir « l’immortalité, non seulement du corps projeté dans ses doubles, mais aussi de l’esprit déversé dans ces copies conformes » (SI : 430)? Comme nous l’avons suggéré, la relation amoureuse entre Jan et Illyge reproduit ce rapport malsain, car le scientifique travaille pour le Centre de recherche responsable de l’élyx. Toutefois, l’Organisation clandestine (SI : 342) se consacrera à la déterritorialisation du striage périphéen en soignant les victimes, tandis qu’Illyge s’appropriera le potentiel de la mutation à des fins esthétiques. Si les flux déterritorialisants risquent toujours d’être capturés par le molaire, ce sont eux qui closent le roman.

« Peut-être les changements les plus décisifs ne s’obtiennent-ils pas, d’ailleurs, à coup de révolutions, mais à coup de transformations subtiles qui ne sont spectaculaires que dans leur accumulation… » (SI : 372). Les devenirs féminins que nous avons étudiés investissent un espace intercalaire nomade propice à la réflexion sur différentes molarités. Peu importe l’ambiguïté de leur devenir ou le succès de leur machine de guerre, les héroïnes ont toutes enclenché des lignes de fuite affirmatives; ce faisant, elles s’inscrivent dans l’éthique transformative que prône Braidotti. La femme-chatte a réagi au joug discursif la paralysant; son retour à la forme humaine ouvre sur le potentiel d’une autonomie assumée et d’une relation à l’autre renouvelée. La truie-catapulte a choisi de rester dans l’entre-deux-mondes pour sublimer sa vie par l’écriture. La cyborg posthume s’est transformée en nomade lissant la machine molaire, et l’écriture fait partie de ses armes de combat. Enfin, l’artiste-cyborg a renversé la monstruosité corporelle provoquée par la structure sociopolitique molaire en exploration esthétique et identitaire. Les corps monstrueux ont ainsi permis un devenir-moi nomade authentique.