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Malgré des efforts importants déployés au cours des dernières années par l’État québécois (politique d’accès à l’égalité pour les femmes, politique d’équité salariale) pour réduire, notamment, les obstacles à l’accès des femmes à un poste de gestion, on constate, à la seule vue des statistiques en ce domaine[1], que l’égalité est encore loin d’être atteinte. Il semble bien que les femmes, en tant que catégorie sociale distincte de celle des hommes, vivent toujours en ce domaine, comme dans d’autres, des rapports sociaux de sexe inégalitaires. Avec les années, les femmes ont su s’imposer de plus en plus sur le marché du travail, mais elles vivent invariablement des difficultés que les hommes expérimentent rarement ou, tout au moins, très différemment du fait que, socialement, ils font partie de ce qu’il est convenu d’appeler le « sexe dominant ». Plusieurs travaux de recherches (Andrew et autres 1989 ; 1988a et 1988b, 1994 et 1997 ; Baudoux et Girard 1990 ; Belisle 1987 ; Deblois et Moisset 1982 ; Desjardins-Bourcier 1987 ; Girard 1983 ; Germain 1997 ; Gosselin-Blier 1988 ; Gravel 1988 ; Harel-Giasson et Robichaud 1988 ; Moreau 1988) ont permis de mettre en évidence les facteurs qui influent sur les mécanismes d’accès des femmes à un poste de gestion scolaire au Québec comme dans d’autres contextes sociétaux.

On constate dans ces études que les premières barrières rencontrées ont trait au processus d’engagement, plus particulièrement aux étapes du recrutement, de la présélection et de la sélection. Les barrières qui se dressent devant les candidates sont diverses : sociales, structurelles ou organisationnelles, politiques ou économiques. Elles peuvent aussi découler de caractéristiques individuelles. Les pratiques discriminatoires à l’oeuvre (Baudoux 1997) sont par exemple : 1) l’exigence de la féminité ou la recherche de comportements typés dits maternels chez les candidats et les candidates à un poste de direction ; 2) la discrimination indirecte au cours du processus de sélection par le choix de critères ou d’une procédure qui excluent les candidatures des femmes, ou encore par l’intervention de stéréotypes et de préjugés lors de l’évaluation des compétences des candidats et des candidates de sorte que le jugement est différent selon le sexe à partir d’un même critère d’évaluation ; 3) les pratiques d’occultation des candidates (abolition de fonction, nouvelle compilation des statistiques selon le sexe, non-féminisation du langage) ; et 4) la discrimination systématique engendrée par l’utilisation de critères qui excluent systématiquement une catégorie sociale.

À partir de l’évaluation du chemin qu’il reste à parcourir pour atteindre l’égalité et des obstacles à celle-ci mis en évidence dans la littérature, nous nous sommes intéressées en particulier aux stéréotypes sur les femmes et les postes de gestion, de même qu’aux processus de recrutement et de sélection en place dans le monde de l’administration scolaire. Pour mieux connaître ces éléments, nous avons entrepris une enquête auprès de femmes occupant un poste de direction dans des écoles secondaires de Montréal. L’objet de notre enquête était d’abord d’examiner comment, dans le cas de leur propre recrutement, des femmes cadres scolaires avaient vécu le processus d’accès à un poste de direction. Nous souhaitions ensuite, à partir de leurs perceptions, parvenir de façon très concrète à certaines suggestions d’amélioration de ces processus.

L’interrogation principale à la base de notre étude est donc centrée sur les perceptions et peut être formulée comme suit : comment des femmes occupant depuis peu[2] un poste de direction dans une école (enseignement secondaire, secteur public, francophone, région de Montréal) ont-elles vécu le processus d’accès à ce poste ? Témoignent-elles de difficultés semblables à celles qui sont décrites dans les études plus anciennes sur le sujet ? C’est ainsi l’ensemble des composantes du processus qui doit être examiné, soit l’encouragement à présenter sa candidature, la composition des comités de sélection, les questions posées aux candidats et candidates ainsi que l’engagement lui-même.

L’analyse de la vision des difficultés et des composantes du processus d’accès vécues par nos répondantes nous a permis de vérifier leur façon de percevoir les mécanismes de recrutement depuis une dizaine d’années et si cette perception est différente chez celles qui ont été le plus récemment engagées.

Après avoir examiné quelques statistiques récentes sur la situation des femmes occupant un poste de direction dans les écoles du Québec, nous décrirons notre échantillon et notre questionnaire avant de présenter les résultats de notre enquête.

Les statistiques d’accès des femmes à un poste de direction depuis 1989

La population totale du personnel de direction des écoles des commissions scolaires au Québec est passée de 3 756 personnes en 1989 à 3 274 en 1998[3]. Bien que l’on constate une diminution de ce personnel, il faut noter, depuis les années 90, l’amélioration du taux de représentation des femmes en ce domaine, ce qui correspond aux constats établis par le Comité aviseur-femmes du développement de la main-d’oeuvre au Québec (1997) quant à l’amélioration de la situation des femmes québécoises dans les professions libérales et aux postes de direction. Dans les deux cas, le taux de représentation des femmes a en effet augmenté de 16 % pendant la période 1990-1995.

Au cours de cette période, le personnel de direction des établissements scolaires du Québec a connu d’importantes transformations. Pensons au vieillissement du personnel d’encadrement, aux nombreux départs à la retraite, à l’alourdissement des tâches de gestion et à l’obligation, depuis 2000, d’être titulaire d’un diplôme de maîtrise pour occuper un poste de direction.

Pour n’illustrer que l’une de ces caractéristiques, mentionnons que l’âge moyen du personnel de direction (femmes et hommes) était de 46,6 ans en 1989 et de 49,0 ans en 1998 (2,3 % en 1989 et 2,8 % en 1998 ont moins de 35 ans, alors que 27,0 % en 1989 et 52,7 % en 1998 ont 50 ans et plus).

Les données, tirées du Bulletin statistique de l’éducation (MEQ  2000 : 1), montrent que, de 1989 à 1998, la proportion de femmes composant le personnel de direction des écoles des commissions scolaires au Québec a augmenté, passant de 27,9 % en 1989 à 41,0 % en 1998 (augmentation de 13,1 % sur une période de neuf ans), progression constante durant cette période.

Par ailleurs, les données du fichier Percos du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) permettent de raffiner l’information concernant la représentation des femmes à un poste de direction. Si l’on distingue selon l’ordre d’enseignement (primaire ou secondaire) et le poste occupé (direction ou direction adjointe), le portrait se précise, comme on peut le voir au tableau 1.

Tableau 1

Personnel de direction et de direction adjointe des écoles des commissions scolaires selon l’ordre d’enseignement au Québec*

Personnel de direction et de direction adjointe des écoles des commissions scolaires selon l’ordre d’enseignement au Québec*

* Les données sont annuelles, sauf en 1998 où elles sont relevées en date du 30 septembre.

Source : le tableau 1 est un tableau synthèse construit à partir des données inscrites au Bulletin statistique de l’éducation, no 15, mai 2000, page 1, tableau 1. À notre demande, les données à l’origine de ce tableau et inscrites au fichier Percos du ministère de l’Éducation ont été interrogées par ce ministère pour permettre de distinguer entre direction et direction adjointe.

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Deux constats principaux découlent de ces statistiques. D’abord, au primaire comme au secondaire, à la direction comme à la direction adjointe, le pourcentage des femmes s’est accru de 1989 à 1998 ; on observe toutefois qu’en 1998 les femmes ne sont pas majoritaires comme directrices au primaire (44 %) ni au secondaire (27 %), et ce n’est qu’à la direction adjointe du primaire qu’elles dépassent les 50 % (61 %), mais c’était déjà le cas en 1989.

Ce résultat demeure donc bien modeste compte tenu des efforts consentis par le gouvernement et les groupes de femmes afin d’améliorer l’accès des femmes à ces postes stratégiques.

Depuis les dernières décennies, la recherche portant sur les femmes et sur le concept de genre en administration de l’éducation a permis de faire la lumière sur la culture et sur les normes professionnelles qui ont toutes deux contribué à créer les mythes masculins du One best way of leading (« La seule bonne manière de diriger »). Ce sont ces mythes qui perpétuent les biais sexistes en matière de gestion scolaire (Björk 2000).

Bon nombre de chercheuses s’entendent pour dire que l’absence des femmes ou leur sous-représentation dans les postes de décision concernant l’éducation sont le produit de plusieurs variables qui interagissent, que l’on pense aux effets des stéréotypes, à la socialisation et à la discrimination (Baudoux 1994 ; Harel-Giasson et Robichaud 1988). Les formes de discrimination sont diverses. En plus de la forme directe, maintenant plus rare, qui consiste en un refus de faire progresser une femme à cause de son sexe, il y a les formes indirectes, soit « la persistance de stéréotypes et de préjugés, ou [les formes] systémiques, c’est-à-dire non ouvertement intentionnelles, qui affectent des groupes de personnes et non des individus sans lien entre eux, qu’on ne découvre qu’a posteriori, qui ont souvent une origine historique et qui sont la conséquence d’un effet de système » (Baudoux 1997 : 226). Depuis les années 80, les chercheuses s’entendent pour dire qu’il y a eu des améliorations au sein des organisations et de la société en général. Baudoux conclut de son étude de la Loi sur l’instruction publique[4] (1997 : 242) qu’« il existe bel et bien un plafond de verre, une sorte de barrière invisible constituée de diverses pratiques discriminatoires qui empêchent les femmes d’atteindre des postes de pouvoir ». Son analyse des diverses statistiques et pratiques lui permet toutefois d’émettre l’hypothèse que ces pratiques sont en train de s’effriter, créant ainsi un climat qui défavorise moins les candidates à un poste de pouvoir.

On peut y voir le résultat de certaines mesures politiques, jumelés à des approches individuelles et organisationnelles, pour changer le système. Celles-ci incluent une aide financière aux femmes afin qu’elles puissent étudier (Programme de prêts et bourses), l’augmentation de professeures dans les programmes universitaires, l’adoption de politiques d’égalité en emploi et d’équité salariale[5]. Un nombre signifiant de femmes au sommet de la hiérarchie et agissant comme modèles devrait permettre aux femmes de briser le plafond de verre (King 1997). Celles qui ont déjà un poste de direction ont prouvé leur compétence et leur ambition de transformer l’école en un lieu d’apprentissage plus humain pour les élèves, les enseignantes et les enseignants de même que pour les administratrices et les administrateurs (Cooper 1994).

Le portrait de l’échantillon et du questionnaire

À l’automne 2000, un questionnaire a été envoyé à toutes les directrices, directrices adjointes et adjointes administratives des écoles secondaires de deux commissions scolaires de la grande région montréalaise du secteur public francophone[6]. À la mi‑octobre 2000, 28 femmes occupant un poste de direction avaient répondu, ce qui représente un taux de réponse de 48 % (voir le tableau 2 pour la ventilation des répondantes suivant le poste occupé).

Ce questionnaire a été conçu principalement à l’aide de modèles déjà proposés dans la recension des écrits en administration de l’éducation (Baudoux 1994 ; McCabe 1992). Il se composait de 119 questions ou énoncés divisés en sept sections. Les réponses devaient être faites sous une forme binaire : « Oui » ou « Non ». Les résultats présentés ci-dessous sont tirés des réponses à ce questionnaire et principalement des données recueillies aux quatre premières sections[7]. La première fournit des données d’ordre démographique (âge, état matrimonial, etc.). Les trois sections suivantes rassemblent des questions concernant les perceptions des répondantes quant aux pratiques de recrutement de leur commission scolaire, aux caractéristiques de l’organisation lors de leurs démarches pour l’obtention d’un poste de direction et au processus de sélection subi pour accéder au poste détenu. Deux questions à la fin du questionnaire portent, respectivement sur les motifs ayant conduit les répondantes à choisir une carrière en direction scolaire et sur la mise en évidence de moyens pour faciliter l’accès des femmes au domaine de l’administration scolaire.

La compilation et le traitement des données ont été réalisés à l’aide du logiciel SPSS. Trois variables indépendantes ont été retenues : l’âge (moins de 40 ans ; 40 ans et plus), le nombre d’années d’expérience en direction scolaire (moins de cinq ans ; cinq ans et plus) et la nature du poste occupé (directrice, directrice adjointe ou adjointe administrative) pour faire ressortir d‘éventuelles différences entre ces sous-groupes.

Les répondantes se distribuent ainsi selon leur groupe d’âge : 75 % ont plus de 40 ans  (46 % ont plus de 45 ans ; et 29 % , de 41 à 45 ans) et 25 % ont 40 ans et moins (7 % ont de 36 à 40 ans ; 11 % , de 31 à 35 ans ; et 7 %, de 25 à 30 ans). Cet échantillon respecte sensiblement les données québécoises de 1998 fournies par le MEQ (2000) qui signale que moins de 3 % du personnel de direction, sexes masculin et féminin confondus, a moins de 35 ans et que au-delà de 53 % est âgé de plus de 50 ans. Une différence est cependant à noter : 18 % des femmes gestionnaires de l’enquête sont âgées de 25 à 35 ans, ce qui est un taux plus élevé que celui de l’ensemble du personnel de direction québécois, tel que l’a compilé le MEQ. Dans les deux commissions scolaires de notre étude, les femmes obtiennent donc probablement plus rapidement un poste de direction que dans les autres commissions scolaires. Ces résultats nuancent les données d’autres études qui indiquent que les femmes gestionnaires atteignent plus tardivement les niveaux supérieurs dans les milieux administratifs (Baudoux 1994).

Les jeunes femmes de moins de 40 ans de notre échantillon vivent toutes en couple, ce qui ne correspond pas à l’ensemble des Québécoises de cette tranche d’âge, mais que nous ne saurions expliquer. Nous remarquons aussi que 50 % des répondantes de plus de 40 ans sont célibataires, séparées ou divorcées, ce qui rejoint ici les statistiques nord-américaines sur les mariages dont le taux de survie se situe à environ dix ans (Glick 1984). Ce constat nous amène à conclure que pour une femme, aujourd’hui, la question de l’état civil est devenue moins importante pour occuper un poste de direction. Au total, 41 % des femmes vivant en couple dans notre enquête ont un conjoint qui occupe aussi un poste de cadre soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé, alors que les conjoints de 35 % des répondantes pratiquent une profession libérale (ingénieur, enseignant, etc.) ; les conjoints des autres répondantes ont un poste de professionnel ou de technicien spécialisé.

Près des deux tiers des répondantes, soit 64 %, ont des enfants. Cependant, parmi celles‑ci, 44 % n’en ont plus la responsabilité à la maison, ces jeunes adultes étant en âge de vivre à l’extérieur. Seul le quart des femmes cadres ont quotidiennement la responsabilité d’enfants de moins de 16 ans, et seulement 14 % ont de très jeunes enfants de moins de 5 ans. Ce faible taux nous laisse supposer que les enseignantes avec de jeunes enfants (car ce sont souvent les enseignantes qui accèdent à un poste de direction) attendent généralement que ceux-ci et celles-ci soient plus âgés avant de faire un changement de carrière, comme le soulignent les études selon lesquelles les femmes voient difficilement la compatibilité entre avoir des enfants et mener de front une carrière en gestion.

Nos répondantes se répartissent, aux trois différents postes de direction, de façon comparable à l’ensemble des femmes cadres dans les écoles secondaires du Québec, comme l’indique le tableau 2. Notre échantillon comporte en effet seulement 4 % de moins de directrices que dans l’ensemble du Québec et 6 % de plus de directrices adjointes, les taux respectifs d’adjointes administratives étant à peu près égaux.

Tableau 2

Répartition des répondantes à l’enquête et du personnel féminin de l’ensemble des commissions scolaires du Québec

Répartition des répondantes à l’enquête et du personnel féminin de l’ensemble des commissions scolaires du Québec
Source : Le tableau 2 est construit, d’une part, à partir des données pour l’année 1998 du fichier Percos du ministère de l’Éducation. Elles ont été obtenues à la suite d’une demande de précisions des données présentées dans le Bulletin statistique de l’éducation, no 15, mai 2000, page 1, tableau 1 et, d’autre part, à partir des données de notre enquête (Mayrand 2001).

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Près des deux tiers, soit 64 % des cadres de notre enquête, occupent leur poste actuel depuis peu, c’est-à-dire depuis moins de cinq ans, et ces dernières ont toutes obtenu ce poste à la suite d’un concours de sélection (sauf une qui a obtenu le poste après en avoir assuré l’intérim). Elles ont, de ce fait, passé une entrevue avec un comité de sélection. D’après ce résultat, cet aspect du processus de recrutement a beaucoup évolué depuis les années 80 pendant lesquelles les commissions scolaires n’utilisaient pas ou peu de comités de sélection pour choisir leurs cadres scolaires. Nos données révèlent que 43 % des directrices sont à la tête d’une école de plus de 1 300 élèves, où de 60 à 100 enseignantes et enseignants se trouvent sous leur responsabilité. La plupart (71 %) des jeunes femmes (celles de moins de 40 ans) travaillent dans de plus petites écoles (comptant de 500 à 1 300 élèves).

La scolarité de nos répondantes est assez élevée : 59 % possèdent entre 17 et 18 ans de scolarité, et 35 % ont 19 ans de scolarité reconnus. La répartition des répondantes selon le diplôme le plus élevé obtenu laisse voir que 53% possède une scolarité de 2e cycle (39 % d’entre elles sont titulaires d’une maîtrise, 14 %, d’un diplôme ou d’un certificat universitaire de deuxième cycle) et 43 %, un baccalauréat (4 % sans précision). Elles font en effet toutes état de dix-sept années de scolarité et plus reconnues par le MEQ. Fait très intéressant, 43 % des directrices ont obtenu une maîtrise, dont la majorité dans le domaine de l’administration. Elles répondent donc facilement aux nouvelles exigences d’accès à un poste de direction édictées en 2001 par le gouvernement[8]. Parmi les directrices adjointes, 47 % sont titulaires d’une maîtrise, dont la moitié en administration ; les autres ont obtenu un baccalauréat. Nos données révèlent donc que la scolarité des directrices et des directrices adjointes est particulièrement élevée[9], mais a aussi qu’il y a plus de directrices adjointes que de directrices (47 % contre 43 %) qui ont un diplôme de deuxième cycle (maîtrise). Une seule personne a moins de dix-sept ans de scolarité. Ce niveau de formation élevé vient ainsi corroborer les constats antérieurs des chercheuses selon lesquels les femmes qui désirent atteindre un poste de haut niveau de gestion dans le réseau scolaire doivent avoir un niveau de scolarité élevé. Remarquons que les directrices et les directrices adjointes de notre échantillon ont une scolarité supérieure à celle qui était exigée au moment de leur engagement. Nous observons toutefois que, malgré leur scolarité élevée, la moitié des répondantes n’ont pas de spécialisation universitaire en gestion scolaire. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que 50 % des répondantes disent avoir participé à des sessions de perfectionnement en administration scolaire en 2000. Cela dénote leur préoccupation de maintenir ou d’acquérir des compétences reconnues dans leur domaine.

Avant d’obtenir un poste comme gestionnaire, 79 % des répondantes étaient enseignantes. Quelques directrices et directrices adjointes (21 %), quant à elles, ont occupé au préalable un poste de conseillère pédagogique ou d’enseignante-ressource afin de se démarquer de leur rôle exclusif d’enseignante. Le cheminement de ces femmes correspond à celui qui a été mis en évidence par Ebbers et autres (2000 : 376), qui mentionnent que les femmes gestionnaires dans le domaine de l’éducation ont tendance à passer par des rôles autres que celui d’enseignante avant de poser leur candidature à un poste de direction, vraisemblablement afin d’acquérir une visibilité qu’elles n’auraient pas autrement.

Les résultats de l’enquête

L’objet premier de notre enquête, comme nous l’avons mentionné plus haut, consistait à examiner comment, dans le cas de leur propre recrutement, des femmes cadres scolaires avaient vécu le processus d’accès à un poste de direction. De façon plus précise, il s’agissait de connaître, en premier lieu, les barrières indiquées par les directrices, les directrices adjointes et les adjointes administratives, occupant leur poste en 2000 dans les écoles secondaires de deux commissions scolaires de Montréal lors du processus d’engagement les ayant menées au poste en question. Nous cherchions à saisir, en second lieu, leurs perceptions de l’ensemble du processus de recrutement (opinion du milieu quant aux femmes à un poste de direction, comité de sélection, questions posées par ce comité, critères de sélection, etc.).

Quelques indices puisés dans le contexte actuel nous conduisent à émettre l’hypothèse d’une amélioration des conditions du processus d’engagement. De plus en plus de commissions scolaires ont en effet adopté des politiques d’accès à l’égalité. Par exemple, la Commission scolaire de Montréal (CSDM), nommée jusqu’en 1998 la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM), souscrit depuis plusieurs années au principe d’égalité des chances en l’emploi. Elle applique actuellement un programme d’accès à l’égalité pour les femmes et pour les communautés culturelles. Le 8 novembre 2002 elle a effectué une analyse de ses effectifs, incluant le personnel cadre, en suivant les étapes proposées par le gouvernement (CSDM 2002, site internet ) ; les Québécoises poursuivent en très grand nombre des études universitaires dans les domaines de l’enseignement et l’administration ; de plus, le renouvellement important du personnel d’encadrement des écoles et des commissions scolaires offre, depuis quelques années, plusieurs postes à pourvoir. Les statistiques présentées au tableau 1 sur l’augmentation du taux de femmes occupant un poste de direction vont également dans le sens de cette amélioration. Si nous ne pouvons par notre questionnaire conclure de façon ferme sur l’amélioration des processus, du moins pouvons-nous vérifier la perception qu’en ont les femmes cadres de notre échantillon. 

Les répondantes à notre enquête perçoivent-elles encore des barrières à leur accession à un poste de direction et des biais sexistes dans les pratiques de recrutement et les processus de sélection qu’elles ont expérimentés ?

Des barrières sociales qui s’estompent ?

Nous entendons ici par barrières sociales les stéréotypes et les pratiques de discrimination envers les femmes qui s’expriment, par exemple, par des remarques désobligeantes ou des jugements de valeur non justifiés. L’histoire montre que les femmes ont longtemps eu à se battre afin d’obtenir le respect. Un ensemble de questions ont donc été posées à nos répondantes pour évaluer leurs perceptions de même que l’opinion de leur entourage de travail quant à ces stéréotypes et pratiques discriminatoires (voir le tableau 3).

Tableau 3

Réponses aux énoncés concernant les barrières sociales lors du recrutement des répondantes

Réponses aux énoncés concernant les barrières sociales lors du recrutement des répondantes

Tableau 3 (continuation)

Réponses aux énoncés concernant les barrières sociales lors du recrutement des répondantes
Source : Mayrand (2001 : annexe, tableaux des fréquences mis en corrélation).

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Bien que nos répondantes aient posé leur candidature à un poste de gestion et qu’elles aient cru, à plus de 88 % au moment de leur recrutement, que leur entourage pensait qu’une femme a autant de potentiel qu’un homme (énoncé 13), environ le quart d’entre elles entretenaient des stéréotypes comme ceux qui veulent qu’une femme est défavorisée si elle a des enfants à la maison (énoncé 2), qu’une femme célibataire est préférée à une femme mariée (énoncé 3), qu’une femme mariée est perçue comme étant moins disponible (énoncé 4) et que la carrière d’un homme est favorisée afin qu’il puisse subvenir aux besoins de sa famille (énoncé 5). La réponse la plus significative est toutefois sans contredit celle qui montre que 70 % des répondantes sont en désaccord avec l’énoncé 7 affirmant que leur entourage pensait qu’une femme a les mêmes chances qu’un homme d’être recrutée. Faut-il y voir l’effet d’un stéréotype persistant sur les chances de réussite des femmes ou un reflet de la réalité ? Notre enquête ne permet pas de répondre à cette question qui ne manque cependant pas d’intérêt. Le stéréotype voulant qu’un homme est engagé car il est plus disponible en soirée et le week-end (énoncé 1), pour sa part, semble en voie de régression importante, du moins si l’on se fie aux réponses obtenues, car seulement 2 % des répondantes sont d’accord avec cet énoncé.

Après ce premier bloc de questions, les répondantes ont formulé certains commentaires à savoir qu’elles ont maintenant dépassé ce type de stéréotypes. Une d’entre elles écrit toutefois que « ce ne sont pas des mythes désuets » et que les femmes « ont réussi là où on croyait qu’elles ne pouvaient le faire ».

Deux énoncés peuvent être examinés en parallèle, soit celui qui affirme qu’un homme ne veut pas être dirigé par une femme (énoncé 11) et celui qui dit qu’une enseignante aime mieux être dirigée par un homme (énoncé 12). Dans une étude publiée en 1971, Bass, Krussel et Alexander avaient signalé que les hommes n’aiment généralement pas être dirigés par des femmes. De 20 à 30 ans plus tard, il semble bien que ce préjugé soit en recul puisque seulement 15 % des répondantes (autant toutefois chez les jeunes que chez les plus âgées, et chez les directrices que chez les adjointes) croyaient, au moment de leur recrutement, que leur entourage de travail était de cet avis. Quant au second énoncé sur la préférence des femmes à être dirigées par un homme, 35 % de nos répondantes estiment que leur entourage partageait cette certitude à l’époque de leur recrutement. Il serait intéressant de confronter cette perception à la réalité qui a peut-être moins évolué sur cette question.

Un ensemble de stéréotypes quant à des formes de gestion plus « masculines » ou plus « féminines », tels une femme n’a pas d’autorité (énoncé 8) ou les hommes ont plus de discipline et d’ordre (énoncé 9), ou encore un homme est un meilleur gestionnaire (énoncé 10) semblent de moins en moins répandus. C’est du moins la perception de nos répondantes qui estiment à plus de 92 % que leur entourage ne partage pas ces énoncés.

Notons que les jeunes répondantes (40 ans et moins) ne perçoivent pas du tout que leur entourage de travail voit les hommes comme étant de meilleurs gestionnaires, tandis que les plus âgées (plus de 40 ans) ont ce sentiment dans une proportion de 20 %. Même si ce taux reste faible, il n’en demeure pas moins que la génération plus âgée a sans doute ressenti plus souvent ce stéréotype que la plus jeune.

Une série de cinq énoncés complémentaires apparaissaient dans le questionnaire sous le titre « Mon entourage de travail me confirmait que… ». On peut déduire des résultats obtenus qu’un fort taux de répondantes ont déjà entendu que l’apparence physique des femmes en gestion fait l’objet de jugement (52 %) et que les tenues vestimentaires des femmes en gestion font l’objet de critique (39 %). Cette proportion devient encore plus forte si l’on regarde du côté des directrices de moins de 40 ans. Seulement 33 % de celles de plus de 40 ans perçoivent ce genre de jugement, alors que plus de 57 % des jeunes directrices discernent de la discrimination par rapport à la tenue des femmes en gestion. Rappelons que Heilman et Saruwatari (1979 : 368) ont déjà souligné que la beauté est souvent un désavantage pour les jeunes femmes désireuses d’obtenir un poste supérieur…

Par contre, plus de 88 % des répondantes ne percevaient pas que l’on pensait, dans leur milieu de travail, que des femmes faisaient l’objet d’avances sexuelles, ce qui pourrait être un résultat positif des politiques internes contre le harcèlement sexuel et tendrait à démontrer leur effet dissuasif. Ce dernier comportement n’empêcherait toutefois pas que les femmes soient encore largement l’objet de remarques blessantes, car 85 % des répondantes disent que leur entourage de travail leur confirmait ne pas être d’accord avec l’énoncé voulant qu’il n’existe plus de commentaires sexistes envers les femmes (énoncé 19).

Les perceptions à l’égard des processus de recrutement et de sélection[10]

Nous avons demandé aux femmes cadres de répondre aux sections du questionnaire sur les processus de recrutement et de sélection en se référant au poste qu’elles occupaient au moment de l’enquête à l’automne 2000 (voir le tableau 4). Une forte majorité des répondantes (64 %) occupaient alors leur poste depuis quatre ans et moins, 35 %, depuis cinq à dix ans et 11 %, depuis onze à quatorze ans. Ainsi, plus des deux tiers des répondantes ayant été candidates il y a peu de temps, une partie importante de nos données porte sur les processus de recrutement de 1995 à 2000.

Tableau 4

Perception des répondantes concernant leur processus de recrutement

Perception des répondantes concernant leur processus de recrutement
Source : Mayrand (2001 : annexe, tableaux des fréquences mises en corrélation).

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Comme nous pouvons le voir au tableau 4, à toutes les questions relatives au processus de recrutement, au moins les deux tiers et très souvent plus des trois quarts des répondantes expriment une perception positive relativement à ce processus. Alors que les recherches des années 70 (par exemple Timano et Knight 1976) l’ont fortement critiqué, à partir principalement de l’argument selon lequel les organisations ne transmettaient pas clairement l’information concernant les ouvertures de postes, le type de candidates et de candidats recherchés et les critères de sélection, il semble bien, du moins selon les perceptions des cadres ayant répondu à notre enquête, que la situation se soit améliorée par la suite à cet égard.

Par exemple, dans le cas de l’énoncé 1 affirmant qu’unréseau informel fermé aux femmes organisait le recrutement pour le poste auquel elles avaient posé leur candidature, presque toutes (96 %) ont répondu par la négative (ce qui ne signifie pas que cela n’ait pas été le cas, car, ne l’oublions pas, notre enquête mesure des perceptions). Par ailleurs, en réponse à l’énoncé 2 avançant que la diffusion d’informations sur les nouveaux postes à combler était limitée, les résultats sont plus mitigés, car nous comptons 63 % des répondantes qui expriment leur désaccord quant à la réalité de cette affirmation au moment où elles se sont renseignées afin d’obtenir des précisions sur le poste auquel elles désiraient poser leur candidature. Par conséquent, 37 % estiment donc que l’information est limitée. Il est toutefois ici nécessaire de ventiler les réponses selon la catégorie de répondante, car, parmi celles qui partagent cette perception, 75 % sont adjointes administratives mais seulement 15 % directrices d’école. Nous pouvons vraisemblablement mettre ce résultat en relation avec la procédure peu transparente par laquelle la commission scolaire établit les critères de sélection pour le choix des adjointes et des adjoints à la directrice ou au directeur d’école selon la Loi sur l’instruction publique de 1997 (voir la note 4). Selon les résultats du tableau 5, les postulantes à un poste de directrice d’école (lorsqu’elles occupent déjà un poste de directrice ou de directrice adjointe dans une école) ont probablement accès plus facilement que les adjointes administratives et les enseignantes aux personnes clés dans l’organisation, aux lieux de diffusion de l’information et aux réseaux officieux de leur commission scolaire.

Tableau 5

Réponse à l’énoncé : « La diffusion d’information sur les nouveaux postes à combler était limitée » selon le nombre d’années d’expérience des répondantes dans le poste actuel

Réponse à l’énoncé : « La diffusion d’information sur les nouveaux postes à combler était limitée » selon le nombre d’années d’expérience des répondantes dans le poste actuel
Source : Mayrand (2001).

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La ventilation des réponses à l’énoncé 2 révèle aussi, comme on peut le voir au tableau 5, que ce sont les répondantes occupant leur poste depuis moins de cinq ans qui partagent le plus cette perception négative. Les répondantes qui exercent leur fonction depuis moins de cinq ans au moment de l’enquête ont davantage ressenti le manque d’information sur le ou les postes offerts (47 %) que celles qui l’exerçaient depuis cinq ans et plus (20 %). Ce constat est fort surprenant puisque nous aurions pu formuler l’hypothèse qu’au cours des dernières années les processus de recrutement s’étaient améliorés à cet égard. Si cela s’est effectivement produit, ce que notre enquête ne permet pas de mesurer, nous ne pouvons que remarquer que les perceptions n’ont pas suivi cette réalité ou que l’amélioration demeure insuffisante.

Les réponses aux sept autres énoncés apparaissant au tableau 4 relatifs au processus de recrutement font état de perceptions fortement positives. Aucune répondante n’a ressenti que les critères de sélection étaient discriminatoires (énoncé 6), seulement 11 % ont estimé que les critères de sélection étaient imprécis (énoncé 5) et 13 % ont observé que lesannonces de poste de cadre étaient écrites seulement au masculin (énoncé 4), alors que l’étude de Baudoux (1994 : 199) remontant à 1980 signale que 40 % des annonces répondaient à cette description.

Si 28 % des répondantes (et seulement 14 % des jeunes femmes de moins de 40 ans) ont estimé que les enseignantes étaient peu encouragées à postuler pour ce poste de cadre en gestion (énoncé 7), ce n’est pas parce qu’elles croyaient que leurs collègues enseignants l’étaient plus, car seulement 20 % (rapport qui demeure constant selon l’âge des répondantes, le poste qu’elles occupent ou le nombre d’années à ce poste) ont répondu que tel était le cas (énoncé 8). On peut penser qu’une nette amélioration s’est fait sentir à ce sujet, car plusieurs ont même ajouté un commentaire disant qu’elles ont été encouragées par un membre de la direction à poser leur candidature au poste qu’elles occupaient au moment de l’enquête (voir la section suivante), alors que, selon Baudoux (1994 : 200), pendant les années 80, seulement un cinquième des enseignantes étaient encouragées à poser leur candidature contre quatre cinquièmes des enseignants. Ce taux augmentait faiblement à 23 % lorsqu’il s’agissait des directrices encouragées à présenter leur candidature à un poste supérieur contre 77 % chez les directeurs.

L’énoncé 9 portait sur la facilité ressentie par les répondantes pour faire part à leur entourage de leurs démarches en vue de l’obtention d’un poste de niveau supérieur. Encore ici, on pourrait conclure que la situation à cet égard est favorable à l’accès de femmes à un poste de direction puisque 64 % disent n’avoir pas eu de difficulté à le faire.

La dernière section de notre enquête portait sur le processus de sélection proprement dit et comprenait cinq énoncés (voir le tableau 6).

Tableau 6

Perception des répondantes concernant leur processus de sélection

Perception des répondantes concernant leur processus de sélection
Source : Mayrand (2001 : annexe tableaux des fréquences mis en corrélation).

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Les réponses à l’énoncé 4 permettent d’attester la quasi-généralisation de la pratique des comités de sélection, 93 % des répondantes ayant été sélectionnées par un tel comité. Invitées à répondre à des questions concernant plus précisément le processus de sélection, en se remémorant le moment où elles étaient candidates à leur poste actuel, une très forte proportion des répondantes (82 %) ajoutent qu’il y avait un processus d’embauche clair et formel. Il s’agit certes ici d’un mode de sélection qui tend, beaucoup plus que par le passé, vers une procédure claire lors des entrevues et des concours de sélection. Cela offre aux postulantes des garanties de transparence et de justice. Nos résultats témoignent d’une rigueur de la part des deux commissions scolaires de Montréal dans lesquelles l’enquête a été menée et de l’usage de mécanismes de sélection précis réduisant de beaucoup les filtres de recrutement que sont la discrimination indirecte et les pratiques d’occultation lors du processus de recrutement. La présence de réseaux fermés aux femmes, la pratique de ne pas les prévenir des ouvertures de postes et le recours à des tactiques d’affichage expéditif en vue de pourvoir aux postes rapidement, procédés mentionnés par Timano et Knight (1976), tendent vraisemblablement à diminuer de façon marquée.

Les études portant sur les processus de sélection (Moreau 1998 : 5 ; Baudoux et Girard 1990 : 176) ont aussi démontré clairement que la composition souvent exclusivement masculine des comités de sélection a longtemps constitué une barrière à l’accès des femmes à un poste de cadre scolaire. Sans que l’on assiste à un renversement de situation (seulement 11 % des répondantes ont eu une entrevue devant un comité majoritairement féminin), les résultats du tableau 7 permettent d’affirmer que la situation tend à s’améliorer à cet égard, ou du moins que cela a été le cas pour les répondantes de notre enquête.

Tableau 7

Composition du comité de sélection, pour l’ensemble des répondantes et pour celles qui occupent un poste depuis dix ans et moins, comparée aux résultats de Baudoux (1994)

Composition du comité de sélection, pour l’ensemble des répondantes et pour celles qui occupent un poste depuis dix ans et moins, comparée aux résultats de Baudoux (1994)
Source : Mayrand (2001); Baudoux (1994).

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Si les hommes étaient encore majoritaires dans 43 % des comités ayant rencontré nos répondantes, 46 % comportaient un nombre égal d’hommes et de femmes. De plus, la ventilation des réponses selon l’ancienneté des répondantes montre que, à partir de 1990, 59 % d’entre elles se sont présentées devant des comités de sélection composés de façon égalitaire. Comparativement aux résultats de Baudoux portant sur la fin des années 80, nous constatons, pour les deux commissions scolaires de notre enquête, une nette amélioration.

Une autre distinction ne manque toutefois pas d’intérêt : si, parmi l’ensemble des répondantes, les directrices d’école ont rencontré des comités majoritairement féminins dans 40 % des cas, les adjointes administratives ont toutes eu affaire à un comité constitué d’une majorité d’hommes.

Une autre facette du processus semble également moins discriminatoire que dans le passé, soit les questions posées en entrevue, 96 % des répondantes affirmant ne pas avoir été interrogées sur leur nombre d’enfants ou leur état civil (énoncé 4). Il est difficile d’affirmer que les préjugés des jurys à l’égard de ces questions n’existent plus, mais, comme on a abondamment dénoncé la discrimination qu’elles comportaient, il n’est pas très étonnant qu’elles soient pour ainsi dire disparues des entrevues.

Par ailleurs, deux énoncés du tableau 6 (énoncés 1 et 5) peuvent être examinés en parallèle : l’encouragement à poser sa candidature par un membre de la direction et le fait que l’on ait mentionné chercher une femme pour occuper le poste. L’incitation directe à se présenter à un concours constitue certes un facteur important dans la décision de poser sa candidature à un poste de gestion. Or 64 % de nos répondantes disent avoir été ainsi encouragées à le faire par un membre de la direction. Elles ont répondu à cette invitation, même si seulement 7 % se sont fait dire de façon directe que l’on cherchait une femme pour occuper le poste en question.

Conclusion

Nos résultats concernent 48 % des femmes cadres (poste de direction) d’écoles secondaires situées dans deux commissions scolaires du secteur public du Grand Montréal en 2002. Même si cet échantillon possède des caractéristiques proches de celles de l’ensemble de la population des cadres des commissions scolaires du Québec, il ne faut toutefois pas oublier qu’il ne représente que 28 femmes. Nous devons donc évidemment nous garder de généraliser nos résultats à l’ensemble du Québec et faire preuve de prudence dans leur interprétation. Nous pourrions ajouter que nos conclusions s’apparentent ainsi plus à des pistes de recherche qu’à de véritables conclusions fermes.

Ces précautions étant établies, nous concluons d’emblée que notre hypothèse selon laquelle une amélioration des conditions du processus d’embauche se dessine, du moins dans la perception qu’en ont les femmes cadres de notre échantillon, se vérifie effectivement. Nous avons pu constater que nos répondantes estiment que les préjugés sur les femmes occupant un poste de direction ne concernent qu’une faible proportion de leur entourage et que leurs perceptions des processus de recrutement et de sélection sont très largement positives. Mentionnons que les améliorations constatées vont de pair avec une volonté politique au Québec et dans les commissions scolaires de clarifier les politiques d’engagement et de promouvoir la féminisation des cadres. Une relation peut certes aussi être établie entre ces améliorations et le grand besoin de recrutement des commissions scolaires à l’heure actuelle puisque plusieurs cadres prennent leur retraite.

Malgré les mesures favorisant chez les femmes un accès plus équitable à un poste de gestion et malgré les résultats encourageants découlant de notre enquête, nous constatons toutefois qu’il existe encore certaines barrières sociales dans l’entourage de travail de ces femmes, la plupart enseignantes. Rappelons que 70 % des répondantes estiment que leur entourage pense qu’une femme n’a pas les mêmes chances qu’un homme d’être recrutée en vue d’occuper un poste de direction. De plus, devant certaines particularités des processus de recrutement, par exemple la clarté de la procédure, l’encouragement des enseignantes à poser leur candidature et surtout la diffusion de l’information sur les postes à pourvoir, il subsiste un taux significatif de répondantes insatisfaites (26 % dans le cas du premier élément, 28 % concernant le deuxième et 37 % pour ce qui est du troisième). Les commentaires transmis par les répondantes sur ces questions insistent sur ces éléments, une d’entre elles disant avoir gardé un goût amer du processus de recrutement qu’elle a vécu. Comme nous savons par les enquêtes menées sur ces sujets que le manque d’information et une procédure imprécise découragent les femmes de poser leur candidature, ce sont donc ces éléments qui doivent être améliorés prioritairement. De plus, une attention particulière pourrait être accordée aux comités de sélection des adjointes administratives, comités encore très majoritairement masculins.

Enfin, il serait intéressant de poursuivre cette étude auprès des femmes qui ont posé leur candidature sans être retenues et auprès des femmes, encore enseignantes, mais inscrites à un programme de formation universitaire préparatoire aux examens de sélection pour un poste de direction dans les écoles. Il serait certes aussi fort instructif, voire nécessaire, de mener une enquête parallèle auprès des hommes occupant un poste de direction sur leurs perceptions des processus de recrutement et de sélection et de la présence de femmes dans les postes de direction. Les conclusions que l’on pourrait en tirer permettraient sans nul doute de relativiser celles auxquelles nous sommes parvenues et de mieux comprendre les rapports sociaux de sexe.