Comptes rendus

Wendy MitchinsonGiving Birth in Canada, 1900-1950. Toronto, Buffalo et Londres, University of Toronto Press, coll. « Studies in Gender and History », no 19, 2002, 430 p.[Record]

  • Andrée Rivard

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  • Andrée Rivard
    Département d’histoire
    Université Laval

Voici un ouvrage attendu depuis longtemps, en particulier par tous ceux et celles qui s’intéressent à l’histoire de la naissance au Canada. Wendy Mitchinson, professeure d’histoire à l’Université de Waterloo, pionnière des recherches sur le traitement médical des femmes au xixe siècle, fait à nouveau oeuvre de précurseure avec cette étude sur ce qui constitue « a central experience for the vast majority of Canadian women » (p. 15). Dans le prolongement de ses travaux antérieurs, l’auteure pousse ici ses recherches jusqu’à la première moitié de xxe siècle. Quelle conception les praticiens et les praticiennes de l’accouchement avaient-ils de la naissance, comment traitaient-ils leurs « patientes » et pourquoi agissaient-ils ainsi ? Tel est en substance l’objet du livre de Wendy Mitchinson qui soutient que le rapport à la naissance est une construction sociale dont l’étude nous en apprend davantage sur les sociétés et les cultures que sur les praticiens et les praticiennes qui en sont simplement le produit. La recherche de l’auteure s’articule autour de huit chapitres thématiques qui nous présentent, dans un premier temps, les mondes respectifs des médecins (chapitres 1 et 2) et des sages-femmes (chapitre 3), avant d’aborder plus directement la question du traitement médical des femmes enceintes, un sujet que l’auteure étoffe à partir du diagnostic de la grossesse jusqu’à l’accouchement (avec ses interventions) et le post-partum immédiat (chapitres 4 à 8). Son étude s’appuie sur une masse documentaire substantielle et variée : archives, périodiques et ouvrages spécialisés en médecine, imprimés populaires, entrevues avec des mères et avec des médecins, dossiers médicaux. Dans le but de faire contrepoids à l’historiographie qui avait surtout mis l’accent sur les pratiques médicales, Wendy Mitchinson accorde une attention particulière au contexte dans lequel devaient évoluer les médecins, mettant en lumière leurs contraintes professionnelles et leurs problèmes. Durant la première moitié du xxe siècle, les médecins étaient en butte à maints tiraillements. Les importants débats de fond qui secouent la profession, sur la nature de l’obstétrique (art ou science ?) et de l’enfantement (processus physiologique ou pathologie ?), créent le sentiment de manquer de prise sur l’« objet » de leur travail. Pires encore sont les tensions individuelles causées par la mouvance d’un monde médical en pleine mutation. Domination de plus en plus marquée de la médecine hospitalière sur la pratique privée, concurrence tous azimuts à soutenir, efforts à consentir pour s’accréditer auprès d’une population qui bénéficiait déjà de savoirs d’intervenantes et d’intervenants spécialisés en matière de santé, manque de formation, sentiment de trop travailler et d’être mal payés, tous ces éléments anxiogènes (et bien d’autres encore) auraient orienté la pratique des accoucheurs. Une chose est certaine, durant ces années, la profession médicale s’aligne inéluctablement sur le modèle scientifique positiviste, et la médicalisation de l’accouchement, amorcée à la fin du siècle précédent, va en s’intensifiant. Le chapitre consacré aux sages-femmes offre une vue essentielle sur ces praticiennes et permet la mise en perspective de la pratique médicale du temps. Au Canada, les historiennes et les historiens avaient déjà souligné le déclin de la pratique des sages-femmes à partir de la fin du xixe siècle. Certaines ont cependant continué leur travail au sein de communautés immigrantes, sur les territoires isolés, dans les maternity homes des Prairies, chez les personnes moins bien nanties et parmi les peuples autochtones. Malgré cette présence sensible, à aucun endroit au Canada, les sages-femmes n’ont reçu de reconnaissance officielle de l’État. Les sages-femmes que nous présente l’auteure forment un paysage vaste et hétérogène. Il ressort de cette composition que le terme « sage-femme » revêtait différentes significations selon les populations, que leur formation …

Appendices