Comptes rendus

Susan MannThe Dream of Nation. A Social and Intellectual History of Quebec (2e éd.) Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2002, 344 p.[Record]

  • Jean-Philippe Garneau

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  • Jean-Philippe Garneau
    Département d’histoire
    Université Laval

Vingt ans après sa première parution (1982), The Dream of Nation trouve place dans la Carleton Library Series. L’ouvrage de Susan Mann (alors Susan Mann Trofimenkoff) rejoint ainsi les autres « classiques » figurant dans cette collection qui réserve une place particulière à l’histoire canadienne. D’ailleurs, déjà en 1986, le livre était traduit en français sous le titre suivant : Visions nationales. Une histoire du Québec. Généralement bien accueillie par la critique en 1982 et en 1986, cette synthèse historique a rapidement été adoptée par plus d’une professeure ou d’un professeur d’histoire comme manuel de base ou comme ouvrage de référence. Voilà les signes d’un succès incontestable et largement mérité. Il semble qu’une histoire sociale et intellectuelle du Québec francophone doive débuter avec la Nouvelle-France, mais ce sont bien sûr des rêves métropolitains (Église missionnaire, France absolutiste) qui s’expriment durant les 150 premières années traitées dans le chapitre initial de l’ouvrage. La Conquête (et non la cession), bien qu’elle ait été comparée à un viol pour ses effets profonds, n’est pas cet événement national, fondateur, âprement débattu par l’historiographie des années 1950 et 1960 (chapitre 2). Même les 30 premières années du Régime britannique sont racontées à travers le récit habituel de l’intégration de la colonie francophone à l’Empire, en situant le rapport que chacun des « groupes sociaux » entretient avec le nouveau pouvoir métropolitain (chapitre 3). Malgré des allusions au ferment révolutionnaire de la période 1770-1790, l’histoire « intellectuelle » du Québec francophone ne débute véritablement qu’au chapitre 4, avec la naissance du nationalisme, que Susan Mann situe quelque part entre 1790 et 1830, évitant ainsi de trancher le noeud gordien, ce qui ne l’empêche pas de privilégier pour le reste la lecture « socioéconomique » de Fernand Ouellet. Et encore, jusqu’au chapitre consacré au pari confédéral, soit pour tout le premier tiers du livre, le récit est d’abord scandé par la chronologie des événements constitutionnels et politiques. La trame narrative ne s’élargit vraiment qu’à partir du dernier tiers du xixe siècle. Le chapitre 8 aborde l’ultramontanisme mais surtout la réalité sociologique d’un clergé catholique en pleine expansion, tandis que le chapitre 9 propose une approche sociale de la mobilité géographique du peuple canadien-français. Les 60 premières années du xxe siècle, également choyées, sont abordées à travers les liens et les oppositions qui se tissent entre nationalistes, membres du clergé catholique, féministes et syndicats. Les irritants ou les crises politiques (participations militaires à l’Empire britannique, écoles ontariennes, conscriptions, vote des femmes, centralisation fédérale à la faveur de l’État providence naissant, etc.) et les principaux interlocuteurs du débat public canadien et québécois forment tout de même la trame. Courant intellectuel jusqu’alors marginal, le nationalisme devient, au début du xxe siècle, une force organisée sous le leadership d’Henri Bourassa et de quelques autres figures bien connues (chapitres 12 et 13). Le féminisme de l’élite bourgeoise canadienne-française demeure subordonné à la vision des sphères séparées que partagent les deux groupes dominants, clergé et nationalistes. Le personnage de Lionel Groulx, que Mann connaît bien, reçoit une attention particulière (chapitre 14), même si l’auteure reconnaît que le rêve clérico-nationaliste de l’abbé a moins convaincu les politiciens que la population canadienne-française inquiète. Avec Groulx s’amorce la défense d’une nation canadienne-française en repli sur le Québec, une tendance lourde que la « guerre d’Ottawa » (chapitre 16) renforcera et que l’autonomie provinciale de Maurice Duplessis érigera en système sous la bannière fleurdelisée (chapitre 17). Les trois derniers chapitres du livre examinent la période 1950-1980 de façon inégale. Dans son traitement de la réaction au duplessisme (Ici Radio-Canada), Susan Mann …

Appendices