Comptes rendus

Micheline Dumont et Louise Toupin La pensée féministe au Québec. Anthologie [1900-1985]. Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2003, 750 p.[Record]

  • Sylvie Pelletier

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  • Sylvie Pelletier
    Université Laval

Dans leur anthologie de la pensée féministe québécoise, Micheline Dumont et Louise Toupin remontent le temps et vont à la rencontre des militantes féministes du Québec, du début du xxe siècle jusqu’au milieu des années 80. Ces femmes, que peu de personnes connaissent aujourd’hui, ont pourtant marqué l’histoire du Québec, en combattant la discrimination et le sexisme d’une culture patriarcale toujours lente à changer et en contribuant autant, sinon plus que leurs confrères si l’on tient compte des obstacles auxquels elles faisaient face, à la démocratisation de la société. Les auteures visent par cet ouvrage à « reconstituer l’évolution de la pensée féministe au Québec » (p. 20) en puisant à ses racines et en la suivant tout au long des années suivantes. En effet, le féminisme n’est pas apparu avec les années 70 : on trouvait des militantes de la « cause des femmes » dès le début du xxe siècle et, si un grand nombre d’entre elles n’ont pas laissé de traces écrites, d'autres heureusement, ont pris la plume pour exprimer leurs revendications. Ce livre propose un rendez-vous avec ces militantes. Il permet de saisir la polysémie et l’ancienneté d’un des mouvements sociopolitiques les plus dynamiques du xxe siècle et d’en suivre l’évolution dans le contexte de l’histoire du Québec francophone au xxe siècle. À la fois ouvrage pédagogique et recueil de documents, cette anthologie, rédigée par deux des pionnières de l’histoire des femmes et des études féministes au Québec, est destiné à combler des lacunes dans les connaissances à cet égard et à stimuler la recherche et la réflexion théorique à partir des textes historiques. Le nombre de thèmes abordés témoigne bien des larges enjeux sociaux soulevés par le mouvement féministe comme de la fécondité des études féministes. L’anthologie de Dumont et Toupin s’ouvre avec une conférence donnée en 1901 par Joséphine Marchand-Dandurand, conférence intitulée « Le féminisme » (p. 43), où l’oratrice défend le droit d’« être utile » pour les femmes tout en prenant ses distances à l’égard de celles qui revendiquent « des droits politiques ». L’anthologie se termine par un article sur l’existence du féminisme d’État, écrit en 1985 par Lise Moisan : « Où nous mènent les féministes d’État ? » (p. 709). Ces deux textes permettent d’évaluer le chemin parcouru par les femmes en trois quarts de siècle mais aussi de voir la fragilité de leurs acquis. Entre ces articles, plus de 180 textes présentent les différentes positions féministes au fil du siècle et les efforts inlassables des militantes en faveur de l’« émancipation collective des femmes » (p. 26). Les deux auteures énoncent et assument clairement une position féministe et en tirent des implications théoriques et pratiques ainsi qu’une méthode de recherche pour leur ouvrage. Celle-ci mérite un long développement en introduction. On y apprend que les textes retenus sont le fait de militantes, « ces femmes engagées dans l’action concrète, qui parlent et écrivent à partir d’une pratique relevant d’un champ du féminisme » (p. 24). Les militantes en question ne se disaient pas nécessairement féministes, certaines décennies ne se prêtant guère à cette appellation, mais elles défendaient ce que l’on peut considérer comme des positions féministes dans des journaux, des magazines, dans la presse féminine ou féministe et, à partir des années 70, dans ce que Dumont et Toupin appellent la littérature « parallèle ». Devant la multitude de textes, les auteures ont été conduites à adopter un second critère de sélection, soit que ces textes « traduisent, autant que faire se pouvait, une pensée » (p. 25), plus précisément, une pensée « sociopolitique …

Appendices