Comptes rendus

Fabienne H. Baider Hommes galants, femmes faciles : étude socio-économique et diachronique. Paris, L’Harmattan, 2004, 270 p.[Record]

  • Louise-Laurence Larivière

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  • Louise-Laurence Larivière
    Université de Montréal

Malgré les apparences, Hommes galants, femmes faciles n’est pas le titre d’un film érotique. Il s’agit plutôt d’une étude sociosémantique, diachronique et féministe sur les collocations ou syntagmes comprenant un adjectif et un nom féminin ou masculin tels que homme galant, femme facile. S’appuyant sur des groupements faits par Yaguello (1992 [1978] : 142), qui mettent en lumière une dissymétrie lexicale selon que l’adjectif est employé avec le nom femme ou le nom homme (ex. : « Une femme galante est une femme de mauvaise vie, un homme galant est un homme bien élevé »), Fabienne Baider veut démontrer que ces collocations, lorsqu’elles contiennent le nom femme, ont une connotation péjorative et sexuelle. Comment expliquer cette péjoration et cette sexualisation? Toujours à partir de l’hypothèse de Yaguello voulant que le mot femme lui-même soit connoté sexuellement et que cette connotation du nom contamine celle de l’adjectif, Baider va chercher à savoir pourquoi il en est ainsi. Elle va donc, dans un premier temps, déterminer si les différences de sens évoquées dans les exemples de Yaguello ont déjà existé et si elles existent encore. Si tel est le cas, « l’explication de cette différence devra prendre en compte le sens et le rôle de chaque élément de ces syntagmes, notamment celui de l’adjectif, celui du nom et celui du syntagme en soi » (p. 10). Pour ce faire, Baider a divisé son ouvrage en trois parties. Dans la première, elle a, dans un premier temps, consulté, en synchronie, deux types d’ouvrages : d’abord les dictionnaires pour y relever les définitions des adjectifs facile, faible, galant/galante, grand/grande, honnête, léger/légère petit/petite, savant/savante; puis les bases de données pour y chercher l’attestation des différences de sens, si différences il y a, dans des emplois en contexte. Ces derniers ont été puisés dans la base de données Frantext de l’Institut national de la langue française (INaLF) et, en particulier, du laboratoire de recherches ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française). Baider souligne, toutefois, que cette base contenait, en 2001, des textes littéraires à 80 %, lesquels entretiennent des relations avec les classes dominantes. De plus, les sens différentiels attestés sont ceux du français de l’Hexagone et peuvent différer dans une autre communauté francophone telle que le Québec où une grande femme ne se mesure pas qu’à sa taille, mais peut aussi être célèbre et de mérite comme un grand homme, et où une femme publique est une « femme qui participe à la vie politique », tout comme en Belgique d’ailleurs (p. 223). De l’observation en corpus des syntagmes à sens différentiel étudiés et des définitions des adjectifs utilisées dans les dictionnaires, Baider tire les conclusions suivantes : 1) la différence de sens entre les syntagmes contenant le mot femme et ceux qui comportent le mot homme existe en corpus, notamment pour femme facile/homme facile,honnête homme/honnête femme, mais elle n’est pas attestée, en corpus, pour des syntagmes rarement employés tels que femme galante/homme galant; 2) cette différence, lorsqu’elle fait référence à l’être féminin, se marque effectivement par la péjoration (pour les adjectifs grande, faible, savante) et la sexualisation (pour les adjectifs honnête, légère, petit, facile); 3) cette différence de sens est toujours en défaveur du mot femme; 4) l’emploi de ces expressions est souvent démodé; 5) l’emploi de guillemets (« honnête femme », « grand homme ») ou un emploi adjectival (de femme savante, de faible femme) indique un figement de ces expressions. Une fois la différence de sens et la dissymétrie lexicale établies en défaveur du nom femme, …

Appendices