Comptes rendus

Ruby Heap, Wyn Millar et Elizabeth Smyth (dir.) Learning to Practise : Professional Education in Historical and Contemporary Perspective. Ottawa, University of Ottawa Press, 2005, 311 p.[Record]

  • Johanne Daigle

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  • Johanne Daigle
    Université Laval

Le recueil d’articles paru sous le titre évocateur de Learning to Practise rappelle l’existence d’un modèle d’apprentissage associé à une époque que l’on aurait cru révolue depuis la généralisation de la scolarisation. Traditionnellement, on apprenait un métier par l’observation, l’imitation et la répétition d’un ensemble plus ou moins complexe de gestes ou de tâches à exécuter. L’apprentissage ainsi défini – learning by doing – était souvent comparé à un art que l’on parvenait à maîtriser. Cette interprétation conventionnelle qui imprègne encore les façons actuelles de voir l’acquisition d’un métier est remise en question dès le premier essai présenté dans cet ouvrage (Bob Gidney, «‘Madame How’ and ‘Lady Why’ : Learning to Practise in Historical Perspective »). D’un point de vue historique, le nouveau modèle de formation professionnelle axé sur l’enseignement universitaire aurait été appliqué en médecine aux XVIIIe et XIXe siècles, avant de se propager aux juristes, optométristes, physiothérapeutes, secrétaires, etc. À travers ce processus qui fait tache d’huile au XXe siècle, la légitimité même de l’expertise professionnelle allait reposer sur l’université : Cet ouvrage s’inscrit dans la foulée d’une collaboration qui nous avait donné une série d’articles précurseurs réunis sous le titre Challenging Professions : Historical and Contemporary Perspectives on Women’s Professional Work. On retrouve ici avec bonheur les textes d’historiennes renommées dans les champs de l’histoire des femmes et de l’éducation (notamment Alison Prentice, Ruby Heap et Linda Quiney), issues en partie de ce premier effort commun. Des sociologues ainsi que des spécialistes de l’éducation et de la religion complètent l’équipe réunie cette fois autour de la question de la formation professionnelle. Dans ce « second cycle » de travaux, dont témoigne ce recueil savant sous la direction de Ruby Heap, Wyn Millar et Elizabeth Smyth, les approches sont davantage encore multiples. Le fil conducteur de la démarche s’enroule autour d’une question essentielle : comment devient-on un professionnel ou une professionnelle? Le nouveau modèle de formation à l’exercice d’une profession, bien qu’il soit centré sur l’université qui en vient à légitimer l’obtention d’un statut de travail enviable, tiendrait en substance aux circonstances historiques et culturelles associées aux différentes professions et, de ce fait, il aurait pris plusieurs formes. À partir de ce postulat, l’ouvrage de Heap, Millar et Smyth remet en question la prégnance du modèle de formation universitaire pour l’exercice professionnel, en constatant que certaines professions ont réussi à obtenir le prestige d’une telle formation, alors que d’autres ont dû se contenter d’un niveau inférieur dans la hiérarchie scolaire. Ce postulat en entraîne un deuxième, à savoir l’existence d’autres modèles et filières de formation professionnelle. On se demande ainsi : Qui contrôle les corpus de connaissances spécialisées jugées nécessaires à l’exercice d’une profession? Comment ces connaissances sont-elles définies? Quelles sont les relations de pouvoir établies entre les écoles, l’État et les associations professionnelles? Comment ces relations évoluent-elles? Les articles regroupés dans ce recueil englobent des perspectives variées, sur des périodes anciennes et récentes, au regard de la « nature » de la formation professionnelle et de son développement au cours des XIXe et XXe siècles, au Canada et à l’étranger, et dans une kyrielle de professions et de fonctions : travail social, nursing, médecine, ingénierie, dentisterie, histoire, physique, droit, mais aussi au regard des formations diverses qu’exigent des fonctions paroissiales ou encore missionnaires. On y tient compte également des contextes économiques, technologiques, politiques, sociaux; bref des changements qui, avec les deux guerres mondiales, la montée de l’État-providence et des mouvements féministes, ont contribué à transformer l’exercice des professions. Ces pistes de réflexion communes, tout comme la prise en considération des acquis …

Appendices