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Depuis les années 70, le Québec a été, en matière de féminisation linguistique, le chef de file de la francophonie. Alors que la féminisation semble maintenant acquise, peu d’ouvrages, toutefois, s’y écrivent sur le sujet[1]. On ne peut en dire autant de la France ; en effet, depuis un an, chez le même éditeur, L’Harmattan, trois ouvrages ont paru sur la question, trois ouvrages d’orientation féministe bien qu’ils soient différents par le contenu, le style et la destination.

L’ouvrage d’Edwige Khaznadar, Le féminin à la française, est celui qui se destine le plus à un grand public, cependant averti à cause de l’érudition et du style parfois incisif de l’auteure. Divisé en douze chapitres, cet ouvrage aborde la question de la féminisation comme un sujet polémique qui déchaîne encore des réactions passionnelles en France. En effet, les théories qui portent sur la dénomination humaine (le fait de nommer les femmes et les hommes par leur nom) relevaient, jusqu’à tout récemment, d’une « intériorisation intellectuelle inconsciente » à laquelle n’échappaient pas même certaines personnalités (tel Maurice Druon de l’Académie française) reconnues, par ailleurs, pour leur maîtrise de la langue française. Aussi, Khaznadar se propose de démontrer que la dénomination est « ce qui confère à chaque individualité humaine son identité et son statut social, déterminant la place qu’elle occupe parmi les autres, qu’elle a parfois rudement conquise ». Elle ajoute que le sentiment que l’on a de cette dénomination dépend d’une structure mentale façonnée depuis l’enfance et relève peut-être de l’inné, « qui serait notre instinct humain du langage », et « sûrement de l’acquis, qui est notre formation par la société ».

Pourquoi, alors que les femmes et les hommes ont, de nos jours, les mêmes droits, et que la langue française offre très régulièrement l’alternance masculin/féminin dans ses formes, refuse-t-on aux femmes d’être nommées par des appellations qui leur sont propres ? Khaznadar répond que « c’est parce que, par une sorte de blocage culturel, les mentalités, masculines et féminines, refusent toujours la présence des femmes dans le domaine public, à la manière des siècles précédents ».

Un tel refus de nommer les femmes avant 1997 (date qui marque le début d’une prise de conscience collective de la nécessité de nommer les femmes en France) faisait en sorte que, à défaut d’un titre féminin propre, la femme était désignée par son état civil, Madame le Conseiller, et n’apparaissait dans la langue que sous forme de faute lexicale et grammaticale : « Le député se déclara satisfaite. » Voilà comment on traitait le nom des femmes sur le plan individuel ! Que dire toutefois sur le plan collectif lorsque femmes et hommes sont embrigadés sous un masculin pluriel dit générique ? À ce sujet, des enquêtes ont démontré que, sous ce masculin, ce sont des hommes que l’on y voit, au point que des enfants, filles et garçons, ont, dès leur jeune âge, une image du monde d’où la femme est exclue.

Aussi, dans ses douze analyses de la question, Khaznadar se propose non pas d’écrire une nouvelle grammaire normative, mais de préciser le sens exact et les implications des discours qui sont tenus en France sur le genre afin de « faire surmonter les blocages et inspirer le désir de la netteté et de la clarté dans le discours sur l’être humain en français ».

Pourquoi une telle démarche s’avère-t-elle nécessaire ? Parce que « amputer la langue française de ses féminins réguliers [...] c’est la dénaturer ». C’est aussi le fait d’une mentalité ancienne, « républicaine », qui se doit d’évoluer en donnant à la femme une représentation juste et équitable dans la langue. Pour ce faire, il faut utiliser le procédé de l’alternance (formes féminines pour les femmes et formes masculines pour les hommes), procédé cher à Khaznadar et qui est le fondement de sa thèse de doctorat (1990), et toujours employer un terme féminin pour désigner les femmes, même dans les titres de prestige pour lesquels certaines personnes ont établi que le masculin relevait d’une loi de la langue alors que ce n’était qu’une pression sociale.

Concrètement, pour ce qui est du choix des formes, Khaznadar préfère les alternances régulières (ex. : réviseur/réviseuse) aux alternances irrégulières, non marquées oralement, en -(t)eur/-(t)eure parce qu’elle se sent mieux en chercheuse qu’en chercheure et parce que ce serait, lui semble-t-il, « le plus beau rôle de la France, berceau de la langue, d’établir fermement l’usage de la règle générale ». Nous ne saurions l’en blâmer, nous qui préconisons aussi ces formes afin que les choix relèvent de considérations grammaticales et non d’« états d’âme » et qu’ils ne nous obligent pas à recourir, indûment, à des exceptions déjà si nombreuses en français.

Pour conclure, Khaznadar insiste sur le fait que la féminisation est une démarche volontariste. Pourquoi pas ? Cette dernière n’est-elle pas « la conduite ordinaire de toute personne parlante et écrivante, qui dans tout acte de communication cherche à convaincre ou à être comprise sans erreur » ? Aussi, pour dénommer l’être humain, nous n’avons que l’alternative suivante : choisir un « français académique », qui s’appuie sur « l’observation étroite de traditions qui se figent », ou un « français vivant », qui se doit d’exclure le masculin générique dominant et de proclamer des formes alternantes claires qui nomment les hommes au masculin et les femmes au féminin. C’est de cette façon, seulement, que l’on arrivera à des féminins « à la française ».

De son côté, l’ouvrage de Claudie Baudino, Politique de la langue et différence sexuelle : la politisation du genre des noms de métier, n’a ni le même but ni la même facture. Il s’agit d’une thèse de doctorat en sciences politiques qui, malgré la volonté d’en présenter une version resserrée, n’en demeure pas moins un ouvrage académique qui porte sur « les actions engagées en France par les pouvoirs publics pour accélérer et légitimer la féminisation des noms de métier ». Cette analyse tente d’interpréter la controverse suscitée par la question de la féminisation portée par deux fois, en 1984 et en 1998, au programme du gouvernement français. Aussi, cet ouvrage n’aborde pas la féminisation sous l’angle technique ni anecdotique, mais il inscrit cette dernière dans une logique politique en mettant en lumière « l’épaisseur historique du gouvernement sur le genre des noms de métier » et en montrant « les liens qui unissent la féminisation de la langue à la féminisation du pouvoir ». Pour étayer sa thèse, Baudino s’appuie sur des documents juridiques et politiques, sur des articles de presse, sur des grammaires et sur des écrits féministes. C’est ainsi que les débats contemporains sur la féminisation des noms en France vont être éclairés par les débats linguistiques du tournant du xixe siècle et par les débats politiques contemporains sur l’accès des femmes à la sphère publique.

En effet, les deux débats autour de la féminisation linguistique, celui des grammairiens et celui de la critique féministe qui se succèdent dans le temps, constituent deux façons d’envisager la féminisation. D’une part, il y a la position des grammairiens ; ces derniers considèrent cette question comme un problème de grammaire, en défendant la souveraineté d’un usage prétendument rétif aux féminins, et veulent conserver cette question sous leur autorité et non la remettre entre les mains des femmes. Les grammairiens, voulant conserver leurs prérogatives sur la langue, affirment que la langue ne doit pas, dans certains cas, être féminisée et surtout ne pas faire l’objet de revendications féministes. Le discours des grammairiens « a permis de mettre en perspective la notion d’usage [masculin] et de montrer qu’à travers elle c’est non seulement la norme qui est définie mais le pouvoir du grammairien sur la langue qui est affirmée ». Affirmer qu’une question est dépendante de l’usage, c’est affirmer leur droit à la garder sous leur autorité.

D’autre part, il y a la position de la critique féministe ; cette dernière voit dans la féminisation un problème de femmes qui doit faire l’objet d’une action volontariste des pouvoirs publics. En effet, cette action se doit d’éliminer les discriminations sexistes du fait que femmes et hommes, féminin et masculin, occupent des positions dissymétriques dans la langue. La critique féministe de la langue a reformulé la question d’usage linguistique en termes de discrimination sexuelle. Ces analyses ont, toutefois, été peu vulgarisées en France et ne se sont pas traduites en mots d’ordre militants. Elles se sont attaquées à des usages qui avaient force de l’évidence. Le projet de féminisation des noms a pu sembler renouer avec un usage désuet ou, pire, avec un usage qui distingue pour mieux discriminer. Si la critique féministe a permis la politisation du genre des noms de métier, elle n’a pas unanimement convaincu le pouvoir politique.

Toutefois, pour Baudino, le véritable enjeu de la féminisation est la reconnaissance de la place des femmes dans la sphère politique. C’est ainsi qu’intervient le rôle du gouvernement. Aussi accorde-t-elle une place particulière à l’analyse de quatre documents : la déclaration de l’Académie française (1984), l’article de Georges Dumézil paru dans Le Nouvel Observateur (1984), le rapport de la Commission générale de terminologie et de néologie (Cogeter 1988) et le guide de l’Institut national de la langue française (INaLF 1999). La déclaration de l’Académie et le texte de Dumézil ont, respectivement, légitimé l’opposition au projet gouvernemental de féminisation et définitivement clos le débat, pendant un certain temps, sur une entreprise encore inachevée (soit la création d’une commission de terminologie chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions, dite commission Roudy, qui a mené à la publication d’une circulaire au Journal officiel en 1986 qui reconnaissait la féminisation des titres professionnels). La seule véritable conséquence de la circulaire de 1986 a été de supprimer toute forme d’alternative entre le droit et l’évolution spontanée de l’usage qui, s’il est reconnu, nie le bien-fondé d’un traitement politique de la féminisation.

Or, malgré le discrédit jeté sur les formes féminines des noms de métier par les académiciens, leur usage s’est intensifié dans les années 90. C’est la généralisation de l’appellation Madame LA Ministre dans les usages officiels qui a d’abord suscité l’intervention des académiciens. Paradoxalement, ceux qui avaient travaillé pour un traitement exclusivement linguistique de la question du genre des noms professionnels ont concouru quelques années plus tard à sa politisation.

Le dernier épisode du débat de la féminisation s’est conclu par la publication du guide Femme, j’écris ton nom... : guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions. En effet, dans le contexte de la réforme paritaire, les obstacles linguistiques à la féminisation ont été abolis et les formes féminines des noms de métier légitimées. C’est, toutefois, au nom d’arguments juridiques et politiques que le débat a été codifié et est apparu comme l’affirmation de la dimension politique de ce changement linguistique. Au nom de la parité, la réforme politique a porté la réforme linguistique. En remplaçant, dans le discours politique, les expressions telles « égalité des sexes » et « lutte contre les discriminations sexistes », qui faisaient peur, par celle de « parité linguistique », on a pu réconcilier les notions d’égalité et de différence.

Toutefois, ce guide de féminisation, parrainé par l’INaLF, appuie les positions de la Cogeter en écartant les noms de fonctions (mais non de métiers) de la féminisation et en qualifiant l’usage masculin dans les énoncés génériques de « républicain ». De cette façon, la neutralité des fonctions est préservée et, à travers elle, les institutions. Du même coup, l’indifférence du système politique à l’égard de la différence des sexes se trouve réaffirmée.

Toutefois, si certains aspects de la langue perpétuent les inégalités, ces éléments peuvent être réformés. Aussi, les ressources du genre peuvent être utilisées. Ainsi, le fait de mentionner les deux formes, féminine et masculine, d’un nom dans les débats politiques (les mères et les pères célibataires, les salariés et les salariées à temps partiel) permet d’attirer l’attention des personnes décideuses sur les deux sexes. « Autrement dit, de préciser Baudino, on se donne les moyens de mener une politique qui prenne en compte la dualité de l’humanité, les moyens de véritablement instaurer la parité ».

Maintenant que les formes féminines des noms de métier sont établies, la parité dans la langue n’est donc plus qu’une question de volonté politique.

Pour sa part, l’ouvrage de Claire Michard, Le sexe en linguistique : sémantique ou zoologie ?, est divisé en deux volumes dont le premier, déjà paru, regroupe des analyses du genre lexical et grammatical des années 20 aux années 70. Cet ouvrage s’adresse manifestement à des spécialistes du langage qui s’intéressent aux aspects sémantiques du genre grammatical, en français, appliqué aux êtres humains qui se manifeste, entre autres, par la dissymétrie : le féminin ne s’applique qu’aux êtres de sexe femelle, mais le masculin ne s’applique pas qu’aux êtres de sexe mâle.

Pour Michard, l’interrogation sur le sens du genre, lexical et grammatical, s’inscrit dans une perspective générale de conceptualisation du sémantique. Elle se demande si le sens symbolise certaines caractéristiques des objets du monde, sélectionnées naturellement et structurées logiquement (du général au spécifique) ou sélectionnées et structurées en fonction des pratiques sociales concrètes et de l’idéologie inhérente à ces pratiques.

Aussi la recherche de Michard concerne-t-elle l’expression linguistique du rapport de sexage, soit « l’expression de l’idéologie naturaliste sexiste en français ». Comme cette idéologie est intrinsèque au rapport d’exploitation spécifique de la classe des femmes par la classe des hommes, « c’est elle qui fonde le sens dominant de la langue ». En tant que féministe et linguiste, Michard a pour objectif « d’élaborer une analyse sémantique du genre établissant une cohérence entre un point de vue politique explicite et une analyse sémantique ». Elle veut montrer que « les représentations idéologiques caractérisant les sexes sont le fondement du sens des termes désignant les humains de chaque sexe et par conséquent du genre grammatical lorsqu’il s’applique à ces derniers ». Elle cherche également « à donner une représentation sémantique du genre, à partir des traits d’humanité et de sexe, qui rende compte du maximum de phénomènes linguistiques observés, et qui ne cache pas son statut irrationnel sous une organisation logique et symétrique des traits d’humanité et de sexe pour chaque genre ».

Pour ce faire, Michard analyse la façon dont les linguistes présentent le genre. Dans le premier volume, les analyses portent sur les écrits des linguistes ayant exposé leurs théories sur le genre des années 20 aux années 70, soit avant la critique féministe sur la conceptualisation du genre que présentera le second volume. Michard a choisi des linguistes qui, selon elle, font autorité dans l’analyse du genre et présentent des orientations majeures en linguistique ; ce sont Meillet, Jespersen, Damourette et Pichon, Durand, Jakobson, Hjemslev, Martinet, Fodor, Dubois et Joly. Aux théories des linguistes, Michard confronte ses propres recherches élaborées d’un point de vue matérialiste et féministe. Sont ainsi mises en lumière deux façons de concevoir la sémantique du genre : pour les linguistes, la symbolisation des caractéristiques de sexe et d’humanité s’effectuent spontanément dans une sorte d’évidence naturelle d’ordre quasi zoologique ; pour Michard, cette symbolisation est médiatisée par le rapport social définissant les sexes.

De ces analyses, Michard tire les conclusions suivantes : 1) morphologiquement, le genre féminin est un genre dérivé soit du genre animé, soit du genre masculin, ce qui attribue au genre féminin un statut second dans les deux cas ; 2) syntaxiquement, le genre masculin domine le genre féminin par l’accord au masculin pluriel des adjectifs et des participes liés à des noms coordonnés de genre féminin et masculin ; 3) sémantiquement, le genre féminin a une moindre valeur que le genre masculin par des sortes de dérives sémantiques (ex. : maître/maîtresse) ; 4) le sens se définit par des référents extralinguistiques, non définis sociologiquement, où le genre masculin désigne des êtres mâles et le genre féminin, des êtres femelles, alors qu’il existe des dissymétries entre les genres et que le masculin a valeur de générique ; 5) le trait sémantique de sexe est inhérent au genre féminin et il ne semble pas ou semble moins l’être au masculin en ce sens que les traits de masculinité expriment des caractéristiques humaines, tandis que les traits de féminité expriment des caractéristiques de sous-humanité, d’animalité ; 6) la contradiction entre l’affirmation de symétrie sémantique dans le traitement du genre et la formulation qui présente la femelle de l’espèce comme la femelle du mâle de l’espèce produit un double discours mêlant raisonnement logique et effet idéologique du rapport d’appropriation des femmes par les hommes appelé « sexage ».

Une telle dissymétrie a conduit Michard à situer son analyse du genre dans un autre mode, soit celui dans lequel « la bipartition du genre social est conçue comme étrangère à la réalité biologique du sexe ». Pour elle, la langue ne parle pas de sexe biologique mais d’idéologie de sexe biologique, qui ne s’applique qu’à la classe de sexe appropriée, soit la femme. Aussi, la représentation idéologico-sémantique des femmes qu’elle propose, soit « femelle de l’humain mâle » traduit, à partir des traits sémantiques utilisés couramment en linguistique, l’expression sociologique « femelle objectivement appropriée et idéologiquement naturalisée ».

On attend avec impatience le second volume qui traitera de l’influence des mouvements féministes des années 70 sur la conception sémantique du genre.

Trois ouvrages différents que ces trois publications de l’Harmattan, mais trois ouvrages indéniablement franco-français ! Les débats passionnels autour de la féminisation, le refus de voir les femmes accéder au pouvoir public, la reconnaissance politique de la féminisation, la dissymétrie dans l’emploi des genres sont moins marqués, sinon absents, au Québec, alors qu’ils sont toujours très vivants dans la « République ». Par ailleurs, seules Khaznadar et Baudino fournissent des pistes de solution à la question de la féminisation : Khaznadar rejette le traitement traditionnel de la féminisation qui dérive le féminin à partir du masculin et propose d’envisager la morphologie du genre comme une alternance des formes féminines et masculines ; Baudino se refuse à laisser l’usage agir et situe le débat de la parité linguistique sur le plan politique. Quant à Michard, elle dénonce les positions des linguistes, en matière de genre, qui font de la femme « la femelle du mâle » et non « la femelle de l’espèce », mais elle ne propose pas de mesures concrètes bien qu’elle ait réagi, dans un autre ouvrage (1996), contre la dissymétrie des genres en s’inscrivant en faux contre la féminisation de la langue.

Pour ce qui est de la dissymétrie qui fait en sorte que le nom féminin de même formation que le nom masculin n’a pas le même sens que ce dernier et que ce sens différent a, la plupart du temps, une connotation péjorative, nous croyons qu’il est temps que l’on mette fin à des débats stériles par une « action volontariste ». Si en France, une femme publique et une professionnelle sont des prostituées, alors que leurs pendants masculins n’ont pas de connotation sexuelle, ces acceptions ne valent que pour cette communauté linguistique et non pour toute la francophonie : au Québec, une femme publique est « une femme qui fait de la politique » et une professionnelle, « une femme qui exerce une profession ». Quant aux connotations sexuelles attribuées aux termes entraîneuse et coureuse, ce ne sont que des acceptions secondes : une entraîneuse, dans son sens premier, est « une femme qui entraîne des athlètes ou des chevaux » et une coureuse est « une femme qui court » (le marathon, par exemple). Vouloir bâtir des théories à partir d’emplois localisés ou d’acceptions péjoratives et limitées, c’est fausser le système. C’est comme recourir aux termes sentinelle, recrue, ordonnance, estafette et vigie pour démontrer que certains termes féminins peuvent être attribués à des hommes. Rien de plus faux. D’abord, ces termes militaires ne s’appliquent plus uniquement à des hommes depuis que les femmes font partie de l’armée ; ensuite, ces termes sont des termes métonymiques qui, en passant d’une désignation de chose à une désignation de personne, ont gardé leur genre d’origine : une personne (femme ou homme) qui fait LA sentinelle devient UNE sentinelle.

Par conséquent, la meilleure façon de lutter contre la dissymétrie est de la nier : ainsi, une grande femme sera, à l’égal d’un grand homme, une personne qui se distingue par de « grandes réalisations » et non par ses « six pieds deux » (1,90 m).