Comptes rendus

Franck Michel Voyage au bout du sexe. Trafics et tourismes sexuels en Asie et ailleurs. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 361 p. (Collection Nord-Sud).[Record]

  • Marie France Labrecque

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  • Marie France Labrecque
    Université Laval

Dans le site Web du Fonds des Nations Unies pour la population, on répertorie seize formes de violences sexistes. Le trafic des femmes et des filles est l’une d’entre elles. Certes, l’ouvrage de Michel n’est pas entièrement consacré à cette forme de violence, mais il faut dire que les trafics et les tourismes sexuels dans le monde, dans une très large mesure, visent les femmes. L’auteur campe résolument son sujet dans le contexte de la mondialisation néolibérale. Il en souligne les contradictions à l’oeuvre en ce qui a trait aux rapports entre les hommes et les femmes, et montre surtout que, alors que des gains importants sur le plan de l’égalité de genre ont été faits globalement, des reculs tragiques et inquiétants sont en train de se produire directement sous nos yeux. Il s’interroge sur l’ampleur des phénomènes qu’il a observés et sur lesquels il s’est abondamment documenté, tout comme il s’inquiète de leur développement prévisible. L’une des caractéristiques de notre société mondialisée correspond à la mobilité ou à la circulation de plus en plus prononcée des choses, des idées et des personnes. Le tourisme sexuel n’échappe pas à cette dimension de la mondialisation : il en est d’ailleurs un des produits. C’est ce que Michel pose dans son introduction tout en décrivant les différentes formes que revêtent le tourisme et le trafic sexuels. On pense en général que ces phénomènes de circulation vont du Nord vers le Sud, mais cela ne reflète qu’une partie des pratiques, l’autre correspondant à celles qui s’effectuent pour ainsi dire à domicile et qui s’appuient sur la prostitution internationale organisée, comme la location ou la vente de filles ou d’épouses par catalogue. Ce n’est là que la pointe d’un trafic d’êtres humains réduits à de simples marchandises. Le livre de Michel comporte trois parties dans lesquelles l’auteur brosse d’abord un tableau global sur le plan structurel et institutionnel puis fournit des illustrations mettant en scène des catégories de personnes et, dans certains cas, des individus dans l’espace même de leur quotidien. Il s’agit parfois de vignettes au contenu plutôt dérangeant, comme quoi la vénalité humaine n’a pas de limite – même des bébés sont impliqués dans le trafic sexuel et subissent des sévices sans nom. Dans la première partie, l’auteur insiste sur les liens entre le tourisme sexuel et la mondialisation; dans la deuxième, il étudie le problème de la massification et la banalisation du tourisme sexuel; et, dans la troisième, il se penche plus précisément sur le tourisme sexuel en Asie. Cependant, bien que le contenu soit réparti sous ces différents thèmes, l’ensemble du livre repose sur quelques fils conducteurs qui restent les mêmes d’une partie à l’autre. Un des fils récurrents réside dans les analogies que l’auteur effectue entre les processus examinés et le développement du capitalisme et de la mondialisation. Ainsi, en prenant le colonialisme comme point de repère, l’auteur montre que le tourisme mondial peut être assimilé à une forme de colonialisme pacifique. Tout comme dans le colonialisme proprement dit, la relation mercantile est au coeur de la relation s’établissant entre les touristes du Nord et les populations du Sud, ces deux termes liés à la géographie étant employés comme des raccourcis commodes pour désigner les inégalités profondes qui marquent les différents pays en cause – dont certains sont d’ailleurs plutôt situés à l’est. La relation économique qui constitue le substrat de cette relation est fondamentalement marquée par la précarité. Certes, le tourisme mondial n’est pas nécessairement un tourisme sexuel, tant s’en faut. Cependant, il arrive que le tourisme s’articule autour d’un marché du sexe qui tire profit à la …