Comptes rendus

Maud Gelly Avortement et contraception dans les études médicales. Une formation inadaptée. Paris, L’Harmattan, 2006, 244 p.[Record]

  • Anne Taillefer

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  • Anne Taillefer
    Université du Québec à Montréal

Une des contributions de la sociologie de la santé et un apport majeur du mouvement féministe sont d’avoir révélé que, historiquement, les professionnels et les professionnelles de la santé ont obtenu le mandat de déterminer ce qu’est la santé. Ainsi, les médecins ont contribué à la définition et à l’encadrement législatif d’une « nature féminine » à travers le discours et les transformations d’une expertise médicale revendiquée sur le corps des femmes. Par l’extension du dépistage prescrit par la santé publique chez celles qui sont en bonne santé et l’apanage médical de la fécondité, être une femme est devenu un facteur de risque et la femme, un sujet permanent de surveillance (Ménoret 2006 : 34). L’ouvrage de Maud Gelly, Avortement et contraception dans les études médicales. Une formation inadaptée, est une étude concernant l’enseignement médical fourni aux jeunes médecins sur la contraception et l’avortement. L’auteure (c’est en fait sa thèse de doctorat) y démontre que de nos jours la façon d’aborder la santé des femmes n’a pas fondamentalement changé et que l’on peut remettre en question ses aspects sociaux après le difficile gain, depuis plus de 30 ans, du droit à l’avortement et à la contraception, surtout quand ces gains restent menacés. Savons-nous réellement ce que représentent la contraception et l’avortement? La contraception est-elle une obligation ou un choix? L’avortement est-il vraiment un droit ou bien reste-t-il une concession laissée aux femmes sous certaines conditions? La représentation de ces deux moyens de contrôle de la fécondité est intimement liée à la façon dont ils seront (ou pas) abordés dans la consultation médicale et donc tributaire de l’enseignement que reçoivent les futurs médecins qui accueilleront ces femmes. Cet ouvrage va bien au-delà de la démonstration et de l’analyse de cette « formation inadaptée » des futurs médecins sur ces deux questions dans un contexte encore précarisé par les oppositions habituelles ou par la situation du système de santé public. En s’intéressant au contrôle de la fécondité, sa principale activité comme médecin se déroulant dans un centre d’interruption volontaire de grossesse (IVG) et de planification familiale, Gelly se questionne sur les fissures qui semblent apparaître dans l’édifice de l’institution médicale. Examinant la situation des réformes dans les études de médecine, elle met en lumière les effets de l’enseignement de la maîtrise de la fécondité, sujet qu’elle situe au croisement de « la définition de la norme de procréation, des rapports sociaux de sexes et des rapports patient/médecin » (p. 8), en se questionnant sur la pertinence de cet enseignement à répondre aux objectifs de santé publique en France. Son hypothèse est que la formation actuelle des futurs médecins ne répond pas à ces objectifs « n’ayant pas pris la mesure du nouveau mode relationnel que représentent la contraception et l’avortement » (p. 27), ce qui implique des carences dans la capacité des futurs médecins à répondre aux besoins sociaux des femmes. Cet ouvrage se divise en trois parties, trois marqueurs, où les données se répètent, pour mesurer la prise en considération de la contraception et de l’avortement dans les études. La première partie consiste en une consultation des annales de l’internat du deuxième cycle du programme officiel de 1993 à 2001, pour mettre en évidence les priorités pédagogiques des évaluateurs. Après un bref survol de l’histoire « corrigée » du discours médical sur les femmes, la fécondité et sa limitation, Gelly entreprend de faire l’examen de la formation initiale des médecins par leurs facultés, lieu de transmission des savoirs, où « les mécanismes de reproduction des pratiques et de pérennisation des représentations sont très forts » (p. 9). Il s’avère que …

Appendices