Comptes rendus

Edmée Ollagnier et Claudie Solar (dir.)Parcours de femmes à l’université. Perspectives internationales. Collection « Savoir et formation », Paris, L’Harmattan, 2006, 195 p.[Record]

  • Marie-Denyse Boivin

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  • Marie-Denyse Boivin
    Université Laval

Les savoirs des femmes ont été confinés jusqu’à tout récemment dans des lieux et dans des sphères régis en quelque sorte par la tradition, dont les règles explicites et implicites étaient définies la plupart du temps par les hommes. Certes, ces savoirs pouvaient s’exprimer dans les chaumières, dans les salons ou à la petite école par exemple, mais ils ne pouvaient traverser les frontières du monde de l’Autre, celui d’un monde d’hommes. Si l’accessibilité des femmes à l’université au début du XXe siècle a permis à ces dernières de se libérer des carcans qui les limitaient dans l’expression de leur être, il est à se demander si cette démocratisation a influé sur leur rapport au savoir. Également, la présence de plus en plus grande de femmes à l’université a-t-elle fait en sorte de changer les règles de cette institution afin que les femmes aient autant de chances que les hommes d’accéder aux postes supérieurs, que ce soit à titre de professeures ou de cadres par exemple? Les rôles qui incombent traditionnellement aux femmes, notamment prendre soin des enfants, du conjoint, de la famille, ont-ils évolué au même rythme que leurs possibilités de s’instruire? Voilà autant de questions que chacune des auteures soulève à sa manière dans cet ouvrage. Un collectif de textes riches en réflexions, largement documentés, dont la rigueur ne se dément pas au fil de la lecture. La perspective internationale retenue introduit une dimension importante de l’analyse des parcours de femmes à l’université. Les références à des recherches européennes et canadiennes (principalement québécoises) « donnent une dimension comparative internationale qui permet de saisir des différences selon les pays, mais surtout la similarité des résistances, mettant ainsi à jour des tendances quasi universelles en Occident quant aux parcours de femmes à l’université » (p. 15). Par contre, si l’on observe que les résistances traversent les frontières, on n’en décrypte pas moins dans ce collectif des singularités propres à certains pays, notamment la France, qui donnent lieu à plus de similarités entre certains pays européens et le Québec qu’entre la France et le Québec ou entre la France et certains pays européens de la francophonie. Il importe de souligner surtout qu’une compréhension plus fine des parcours de femmes à l’université ne peut échapper à l’analyse sociale propre à chacune des communautés. D’autres textes de cet ouvrage jettent également un regard neuf sur cette problématique en y proposant, par exemple, une grille d’analyse mixte, psychanalytique et sociologique (Nicole Mosconi), en remettant en question les approches théoriques adoptées dans les études féministes (Emmanuelle Latour et Nicky Le Feuvre), en utilisant des démarches méthodologiques mixtes (Éliane Barth et Edmée Ollagnier) ou en mettant en doute le caractère pragmatique des recherches financées par l’État, « une recherche lisse, unifiante et lénifiante qui, en se développant au détriment de l’autre, plus radicale et critique, va à l’encontre de la dimension collective, ouverte et multiple des études féministes » (Plateau 2006 : 87, citée par l’auteure). Le collectif est divisé en sept chapitres, précédés d’une introduction et d’une conclusion rédigées par Edmée Ollagnier et Claudia Solar. Tous ces textes sont écrits par des universitaires venant d’universités de langue française d’Europe et du Québec. L’introduction plonge d’entrée de jeu la lectrice et le lecteur au coeur même de la problématique. La citation du titre du numéro spécial de Québec Science, paru en 2004, soit La conquête inachevée, l’illustre très bien. Certes, il y a conquête, comme en font foi, notamment, le nombre grandissant d’inscriptions des femmes à l’université ou la proportion plus élevée de professeures dans cette institution. Cependant, cette conquête demeure inachevée. …