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À partir de 1976, avec l’aggravation de la crise de l’emploi, la montée du chômage et l’ampleur de l’échec scolaire, la question de l’insertion professionnelle a pris de l’importance en France. Dans cette crise de l’emploi et dans l’augmentation du taux de chômage des jeunes, le rôle de l’école et la formation qui y est donnée sont mis en cause. Il apparaît que le système éducatif produit des titulaires de diplôme dont la qualification professionnelle répond de moins en moins bien aux besoins de l’appareil productif.

Depuis 2000, le taux de chômage des jeunes personnes diplômées sorties de formation initiale augmente. Les jeunes qui quittent l’école sans l’obtention de leur diplôme sont touchés en premier par ce phénomène, mais le risque du chômage s’aggrave aussi pour les personnes diplômées de l’enseignement supérieur. Même si ces dernières trouvent plus rapidement un emploi que, par exemple, les titulaires d’un diplôme du secondaire, leur insertion professionnelle reste difficile.

Les écarts des modalités d’accès à l’emploi, des risques de chômage, des niveaux de salaires, de statut d’emploi, sont toujours corrélés à la catégorie socioprofessionnelle, au sexe des jeunes diplômés et au diplôme obtenu. Nous observons les disparités d’insertion professionnelle des jeunes femmes et des jeunes hommes pour tous les types de diplômes et dans toutes les catégories socioprofessionnelles. À la sortie de l’école, les filles sont davantage pénalisées que les garçons par la mauvaise conjoncture économique. Les inégalités sont multiples : elles risquent plus le chômage, elles subissent plus le temps partiel contraint, elles ont des salaires inférieurs et leur accès aux emplois de cadre est plus difficile. Même si les écarts sont visibles pour tous les types de diplômes, ils s’atténuent toutefois dès que le niveau de scolarité s’élève.

En s’appuyant sur les enquêtes « Premier Emploi » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) et de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), nous examinons dans le présent article l’insertion professionnelle des jeunes femmes en France à la sortie de l’école. Nous étudierons, dans la première partie, l’insertion des jeunes femmes selon leur niveau de scolarité pour montrer, d’un côté, les inégalités de condition d’entrée sur le marché du travail des femmes faiblement diplômées et de celles qui sont diplômées de l’enseignement supérieur et, de l’autre côté, les inégalités de condition d’insertion des hommes et des femmes titulaires du même type de diplôme. Dans la seconde partie, nous montrerons que ces conditions divergentes d’insertion sont liées aux orientations différenciées des filles et des garçons et à la division du travail entre les sexes.

Démarche méthodologique

Nos données sont issues de l’analyse secondaire des enquêtes du CEREQ et de l’INSEE qui réalisent les enquêtes nationales « Premier Emploi » et « Emploi » sur l’insertion professionnelle auprès des différentes générations[1] des jeunes diplômés, six, sept ou neuf mois après la sortie de l’école, mais aussi les enquêtes longitudinales, qui se déroulent une, trois, cinq ou sept années après la sortie de l’école avec l’objectif d’analyser les trajectoires professionnelles des jeunes. Nous avons analysé les enquêtes effectuées à partir des années 90, mais la comparaison de plusieurs générations n’était pas toujours possible parce que tous les indicateurs qui nous intéressent (ex. : niveau de scolarité, diplôme, filière, établissement fréquenté) n’étaient pas considérés ni analysés en fonction du sexe des titulaires d’un diplôme. Ces enquêtes ont été complétées par d’autres enquêtes, comme pour les grandes écoles (16e Enquête – Grandes Écoles).

Les indicateurs retenus pour décrire l’insertion professionnelle des femmes sur le marché du travail selon le niveau de scolarité sont : le sexe, le niveau de scolarité, le diplôme, la filière suivie, l’établissement fréquenté (université, grande école, institut supérieur), la durée de recherche d’un emploi, le chômage, le type de contrat (à durée déterminée ou indéterminée), le temps partiel, le statut d’emploi (emploi précaire, temps partiel, emploi aidé (ex. : contrat de travail qui bénéficie d’aide de l’État, sous la forme de subventions, d’exonérations, ou d’aide à la formation), les catégories socioprofessionnelles (ex. : professions intermédiaires, cadres) et le déclassement. La question de l’insertion professionnelle exige la prise en considération des conditions d’accès à l’emploi des différentes catégories sociales selon le sexe. Signalons que les enquêtes sur lesquelles nous nous appuyons ne croisent pas les variables « origine sociale », « diplôme » et « sexe ». Cela constitue une limite à notre travail compte tenu de l’importance de l’appartenance sociale aux processus de la réussite scolaire, de l’orientation scolaire et de l’insertion professionnelle.

Insertion professionnelle selon le niveau de scolarité

L’insertion professionnelle est un processus qui évoque un passage d’un état à un autre (Dubar 1991) de l’école à l’emploi, et celui d’un statut d’âge, de l’adolescence à un autre, l’âge adulte (Galland 1991). L’insertion professionnelle est aussi un phénomène qui sous-entend une transition : les processus d’accès des jeunes à un emploi dépendent avant tout de la structuration des marchés du travail par les politiques de main-d’oeuvre des entreprises et par l’intervention de l’État (Rose 1998). L’insertion professionnelle est socialement construite, elle est historiquement inscrite dans une conjoncture (économique et politique), elle est dépendante d’une architecture institutionnelle qui traduit des relations spécifiques (à un espace sociétal) entre éducation, travail et rémunération, elle est dépendante des stratégies d’acteurs liées à des trajectoires biographiques et notamment à des inégalités sociales de réussite scolaire (Dubar 2001). Selon Marie Duru-Bellat (2004 : 153), en ce qui concerne les phénomènes d’insertion professionnelle, on ne peut travailler sur l’ensemble des jeunes sans distinguer garçons et filles. Les inégalités sur le marché du travail sont souvent présentées « sans discussion, comme si le clivage était évident, alors qu’il contredit pourtant l’idéologie méritocratique qui voudrait que l’on obtienne la position sociale correspondant à ses mérites scolaires, sans qu’interviennent les facteurs “hérités” comme l’appartenance sociale ou le sexe ».

Étudier les trajectoires professionnelles des filles et des garçons devrait permettre de comprendre la manière dont se construisent les inégalités d’insertion. Les conditions d’insertion et la vitesse d’accès à l’emploi dépendent-elles du niveau de scolarité atteint et du diplôme obtenu par les filles et les garçons? La spécialité du diplôme influe-t-elle sur l’insertion? Les inégalités se réduisent-elles dès que le diplôme correspond à un ordre d’enseignement plus élevé? Telles sont les questions qui ont guidé l’étude sur l’insertion professionnelle des filles et des garçons que nous proposons ici.

Chômage des jeunes diplômées

Quand nous étudions les données du chômage des jeunes de moins de 25 ans, nous nous trouvons devant un paradoxe : même si les filles sortent de l’école plus diplômées que les garçons, leur taux de chômage est plus élevé. Le chômage féminin est davantage permanent, durable et principalement moins visible et mieux toléré (Maruani 2003). Parmi les jeunes actifs de 15-24 ans en France, le taux de chômage enregistré en 2006 est de 21,0 % pour les garçons et de 24,0 % pour les filles, et, sur l’ensemble de la population active, de 8,0 % pour les hommes et de 9,6 % pour les femmes.

L’étude du taux de chômage selon le sexe et la durée depuis la sortie de la formation initiale (tableau 1) montre que le chômage féminin est supérieur au chômage masculin pour la sortie de la formation initiale depuis 5 à 10 années et depuis 11 années et plus. Pour ceux et celles qui ont terminé la formation initiale depuis 1 à 4 années, les taux de chômage féminins et masculins se rapprochent et, pour presque toutes les années étudiées, le chômage masculin est supérieur au chômage féminin. Pour l’année 2007, nous enregistrons un écart de 2,3 % en faveur des filles. À la sortie de l’école, il apparaît que les filles s’insèrent plus rapidement sur le marché du travail que les garçons. Cela est relativement nouveau. Durant les années 90, le chômage féminin à la sortie de l’école (de 1 à 4 années) était beaucoup plus élevé que le chômage masculin. Par exemple, en 1992, le chômage des garçons s’élève à 15,7 % et celui des filles, à 22,6 %; en 1998, il atteint 21,0 % pour les garçons et 26,0 % pour les filles (INSEE, Enquêtes Emploi 2007). Comment expliquer que, pendant les années 2000, les filles sorties depuis 1 à 4 années de la formation initiale bénéficient d’une insertion plus rapide que celle des garçons? Si nous étudions le taux de chômage selon le sexe et le diplôme obtenu, nous constatons que ce sont les diplômées de l’enseignement supérieur et plus particulièrement celles de l’enseignement supérieur court[2] qui bénéficient d’une insertion plus rapide que les garçons (7,0 % contre 11,0 % en 2007) (INSEE, Enquêtes Emploi 2007). Cet avantage peut être expliqué par la surreprésentation des filles dans les formations de la santé et du social pour lesquelles l’insertion est bonne (Céreq 2004).

Tableau 1

Taux de chômage de 2003 à 2007 selon le sexe et la durée depuis la sortie de la formation initiale

 

2003

2004

2005

2006

2007

Sortie de la formation initiale depuis 1 à 4 années

 

 

 

 

 

Hommes

15,5

17,1

16,6

17,7

17,1

Femmes

15,3

16,2

16,8

17,4

14,8

1999     Ensemble

15,4

16,7

16,7

17,5

16,0

2000     Sortie de la formation initiale depuis 5 à 10 années

 

 

 

 

 

Hommes

8,9

9,2

10,4

9,6

9,0

Femmes

10,4

11,6

11,2

10,6

10,4

2001     Ensemble

9,6

10,3

10,8

10,1

9,6

2002     Sortie de la formation initiale depuis 11 années et plus

 

 

 

 

 

Hommes

5,9

6,1

6,1

6,1

5,6

Femmes

8,1

8,2

8,0

7,9

6,8

2003     Ensemble

6,9

7,1

7,0

7,0

6,2

Source : INSEE, Enquêtes Emploi 2007.

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D’une façon générale, le taux de chômage féminin et masculin, de 1 à 4 années après la sortie de la formation initiale, est plus faible à l’issue de l’enseignement supérieur; il est nettement plus important pour les titulaires d’un diplôme de l’enseignement secondaire (baccalauréat professionnel, CAP, BEP[3]) ou sans diplôme. En 2007, le taux de chômage pour les titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur long[4] est de 9,0 % pour les garçons et de 9,0 % pour les filles, alors que pour les diplômées titulaire d’un CAP-BEP il s’élève à 27,0 % (contre 19,0 % pour les garçons) et pour celles qui sont sans diplôme, à 41,0 % (contre 36,0 % pour les garçons) (INSEE, Enquêtes Emploi 2007).

Il importe de souligner en même temps que, bien que le taux de chômage des femmes soit constant depuis 25 ans, il n’a pas stoppé la progression de l’activité féminine qui est devenue la norme sociale (Maruani 2003). Aujourd’hui, 46,0 % des personnes actives sont des femmes. Il y avait 6,5 millions de femmes actives durant les années 60, on en compte 12 millions aujourd’hui (tous âges confondus).

Insertion des filles faiblement diplômées : CAP-BEP (niveau V de formation)

Nous avons vu plus haut que, à la sortie du système éducatif, les hommes titulaires d’un CAP-BEP occupent plus fréquemment un emploi que les femmes. D’après une enquête réalisée auprès des jeunes diplômés en 1992 et en 1998[5] trois années après leur sortie de l’école, L. Bonnal, P. Favard et S. Mendès-Clément (2005) ont souligné qu’un homme sorti du système éducatif après avoir obtenu un CAP-BEP passe en moyenne deux fois moins de temps qu’une femme au chômage ou en inactivité et occupe plus fréquemment un emploi dès sa sortie du système éducatif. Au début de la vie active, les femmes sont davantage touchées par le chômage et pour une période plus longue que les hommes.

Les femmes sont aussi plus nombreuses à travailler à temps partiel : parmi les diplômées en 1998, cinq années après la sortie de l’école un tiers d’entre elles travaillent à temps partiel (Duru-Bellat 2004 : 154); parmi les titulaires d’un diplôme en 2004[6], trois années après la sortie de l’école 4,0 % des hommes subissent un temps partiel contraint contre 24,0 % des femmes (Joseph, Lopez et Ryk 2008 : 7). Celles-ci subissent davantage les emplois aidés (emplois-jeunes, contrats de qualification, contrats d’apprentissage), soit 22,0 % contre 16,0 % des hommes (Céreq 2007 : 29).

La spécialité du diplôme influe sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Couppié et Epiphane (2001) montrent que, à spécialité industrielle identique[7], les hommes accèdent plus facilement à l’emploi que les femmes. Les jeunes filles qui ont obtenu un CAP ou un BEP en ayant suivi une filière « atypique » ont un début de vie professionnelle plus chaotique puisque, globalement, leur parcours d’insertion et leurs conditions d’emploi sont moins favorables que ceux des garçons issus des mêmes filières : le taux de chômage est plus élevé; le temps partiel, plus fréquent; les salaires, inférieurs. Bien que leur insertion soit moins favorable que celle des hommes issus de ces filières industrielles et techniques, il n’y a pas de différence d’insertion par rapport aux filles issues de filières « féminines » (Duru-Bellat 2004). Les garçons ayant suivi des formations « féminines » (secrétariat, textile, etc.) ont une meilleure insertion que les filles ayant étudié les mêmes spécialités, ils subissent moins de chômage, travaillent moins souvent à temps partiel et ont des salaires plus élevés. Par contre, leur situation est moins favorable que celle des garçons issus des spécialités « masculines ».

Comme nous pouvons le constater d’après ces résultats et comme Duru-Bellat (2004) le souligne, les difficultés spécifiques des filles sont d’autant plus marquées qu’elles sont peu diplômées. C’est aux niveaux de scolarité les plus bas que les différences concernant le taux de chômage des garçons et des filles restent très marquées. Comme cette auteure, nous pouvons conclure que les filles ont encore plus intérêt à poursuivre leurs études que les garçons, dans la perspective d’une insertion professionnelle. D’ailleurs, tout se passe comme si elles anticipaient cette réalité, puisque précisément elles effectuent des études plus longues.

Insertion des diplômées de l’enseignement secondaire (niveau IV de formation)

Pour analyser l’insertion professionnelle des jeunes bachelières, nous disposons des données d’une enquête effectuée en 1998[8], sept mois après leur sortie de l’école. La précarité des premiers emplois concerne davantage les filles que les garçons : 33,4 % des bachelières technologiques et 40,6 % des bachelières professionnelles sont au chômage contre 24,4 % des bacheliers technologiques et 24,5 % des bacheliers professionnels. Elles sont aussi plus nombreuses à avoir un emploi aidé : par exemple, 4,6 % des bachelières technologiques ont un contrat « emplois-jeunes » contre 2,3 % des bacheliers (Rebière 2000). Dans une autre enquête qui étudie l’insertion professionnelle sept années après la sortie de l’école, parmi les bacheliers professionnels et technologiques de la génération 98, 25,0 % des femmes et 16,0 % des hommes ont effectué au moins un contrat aidé. Parmi les bacheliers généraux, nous notons 39,0 % des femmes et 27,0 % des hommes dans la même situation (Céreq 2007 : 29). La même enquête nous apprend que, sept années après la sortie de l’école, parmi les bachelières et les bacheliers généraux, le taux de chômage des filles est de 11,0 % et celui des garçons de 9,0 %, et, parmi les bachelières et les bacheliers professionnels et technologiques, le taux de chômage des filles s’élève à 10,0 % et celui des garçons à 6,0 % (Céreq 2007 : 17) En 2006, le taux d’inactivité et de chômage des filles sorties du système éducatif depuis 1 à 4 années avec un diplôme de l’enseignement secondaire ou équivalent est de 15,0 % contre 6,0 % des garçons (INSEE, 2008).

L’insertion des jeunes bachelières est meilleure que celle des diplômées de niveau V (CAP-BEP). Cependant, il faut souligner les conditions moins bonnes de l’insertion des diplômées du baccalauréat général par rapport aux diplômées du baccalauréat professionnel et technologique.

Insertion des diplômées de l’enseignement supérieur (niveaux III, II et I de formation)[9]

À l’issue de l’enseignement supérieur, les conditions d’insertion des filles sont plus favorables qu’à la fin de l’enseignement secondaire ou après l’obtention d’un CAP-BEP. Les diplômes de l’enseignement supérieur favorisent l’insertion professionnelle. En 2007, de 1 à 4 années après la sortie de la formation initiale, le taux de chômage s’élève, pour les titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur long, à 9,0 % aussi bien pour les hommes que pour les femmes pour les titulaires d’un diplôme de l’enseignement court, à 7,0 % pour les femmes et à 11,0 % pour les hommes. Même si le taux de chômage des jeunes femmes et celui des jeunes hommes se rapprochent, il apparaît que les femmes sont plus nombreuses à effectuer des contrats aidés: au bac +2, le taux s’élève à 16,0 % (12,0 % pour les hommes); au bac +4, à 17,0 % (8,0 % pour les hommes); et au troisième cycle et dans les grandes écoles à 7,0 % (3,0 % pour les hommes) (Céreq 2007 : 29).

Tableau 2

Taux de chômage en 2007 selon la sortie de la formation initiale depuis 1 à 4 années

 

Enseignement supérieur long (%)

Enseignement supérieur court (%)

Hommes

9

11

Femmes

9

7

Ensemble

9

9

Note : Enseignement supérieur long : bac +4, bac +5, bac +8

Enseignement supérieur Court : bac +2

Source : INSEE, Enquêtes Emploi 2007

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À l’issue des formations courtes de l’enseignement supérieur (BTS, IUT, STS, DUT, formations paramédicales et sociales), les conditions d’insertion sont globalement bonnes pour les hommes et pour les femmes également. D’après une étude de Céreq (Couppié 1997) sur l’insertion professionnelle, les résultats montrent que l’accès à l’emploi est rapide à la sortie des STS et IUT (84,0 % des filles ont un emploi en moins de six mois) et que plus des trois quarts des titulaires d’un DUT ou d’un BTS ont connu moins de six mois de chômage et seule une minorité (une sur dix) y est restée plus d’un an.

Une étude (Coquard, Jaggers et Sandoval 2005) plus récente réalisée en 2003 auprès des titulaires d’un DUT de la génération 2001[10], deux ans après l’obtention de leur diplôme, montre que le taux d’accès à l’emploi des femmes et des hommes n’est pas significativement différent parce que 82,0 % des femmes et 83,0 % des hommes accèdent à un emploi pendant la période étudiée. Le taux d’emploi à temps plein concerne 95,0 % des hommes et 92,0 % des femmes. Quand on étudie le type de contrat, des différences apparaissent au détriment des jeunes femmes : elles sont plus nombreuses à effectuer des contrats à durée déterminée (CDD), soit 22,0 % contre 14,0 % des hommes, alors que ces derniers sont plus nombreux à effectuer des contrats à durée indéterminée (CDI), c’est-à-dire 67,0 % contre 60,0 % des femmes (Coquard, Jaggers et Sandoval 2005 : 4).

Bien que nous notions quelques différences de parcours entre les sexes, ces conditions d’insertion apparaissent relativement favorables. Les diplômes de bac +2 permettent aux filles une insertion plutôt rapide, les protègent du chômage et leur ouvrent l’accès aux professions intermédiaires.

Nous avons remarqué plus haut que le chômage des diplômées de l’enseignement supérieur long est le plus faible et que les conditions d’insertion sont les plus favorables. D’ailleurs, l’étude du CEREQ[11] (Epiphane et Martinelli 1997) montre que l’insertion professionnelle des jeunes diplômées de l’enseignement supérieur, et particulièrement des écoles de commerce et d’ingénierie, est l’une des plus rapides (98,0 % accèdent à un emploi en moins de six mois). Une partie des titulaires d’un diplôme des écoles de commerce et d’ingénierie connaît une période de chômage avant d’accéder au premier emploi, 50,0 % des jeunes ingénieures et 41,0 % des jeunes femmes issues d’une école de commerce connaissent le chômage contre 32,0 % et 30,0 % d’hommes sortant de ces écoles (Epiphane et Martinelli 1997 : 117).

Aujourd’hui, les femmes sont toujours proportionnellement plus nombreuses que les hommes à être à la recherche d’un emploi à leur sortie de l’école. D’après les résultats de la 16e Enquête sur l’insertion professionnelle des titulaires d’un diplôme des grandes écoles auprès de la promotion 2007[12], six mois après leur sortie de l’école, 13,6 % des ingénieures et 12,1 % des femmes issues des écoles de management sont à la recherche d’un emploi contre 6,5 % des ingénieurs et 9,4 % des hommes issus des écoles de management. Nous remarquons que l’écart est particulièrement important chez les ingénieurs. Il faut cependant noter que la majorité des femmes occupent un emploi : 83,2 % des ingénieures (92,0 % des hommes) et 86,7 % des femmes sortant des écoles de management (89,5 % des hommes) (16e Enquête – Grandes Écoles 2008 : 10).

Les hommes accèdent plus souvent à un emploi de cadre. En 2008, la proportion des ingénieures qui ont le statut de cadre s’élève à 88,0 % contre 95,0 % chez les hommes, alors que nous trouvons 84,0 % des femmes sortant des écoles de management qui occupe un emploi de cadre contre 89,0 % des hommes (16e Enquête – Grandes Écoles 2008 : 1). On observe ainsi un écart entre hommes et femmes dans la probabilité d’occuper un emploi de cadre, les femmes y accédant moins souvent.

L’analyse du statut d’emploi occupé révèle une différence entre les hommes et les femmes. Le taux des hommes sortant des grandes écoles en CDI est de 84,0 % et celui des femmes de 74,0 %. Le taux de recours au CDI est proche pour les titulaires d’un diplôme des deux types d’écoles : il s’élève à 72,0 % pour les ingénieures et à 84,0 % pour les ingénieurs; pour les femmes issues des écoles de management le taux s’élève à 77,0 % et pour les hommes à 83,0 %. Les femmes sortant des grandes écoles sont aussi un peu plus nombreuses à effectuer un CDD, soit 19,0 % contre 10,0 % des hommes (16e Enquête – Grandes Écoles 2008 : 13).

Les résultats indiquent que les jeunes ingénieures et les jeunes femmes sortant des écoles de management accèdent assez rapidement à leur premier emploi, et que, malgré quelques difficultés par rapport à leurs homologues masculins en fait de rapidité d’insertion et de chômage, leur diplôme décerné par une grande école leur permet globalement des conditions d’emploi plus favorables que celles des jeunes diplômées de l’université. Il apparaît que les jeunes femmes diplômées des grandes écoles, malgré quelques différences, occupent un niveau d’emploi et des fonctions comparables aux jeunes hommes, et qu’elles sont aussi nombreuses que ces derniers à accéder au statut de cadre et à un CDI.

Aujourd’hui, le diplôme ne protège pas les femmes des situations précaires sur le marché du travail. D’après l’enquête effectuée en 2005, sept années après leur sortie de la formation initiale, 12,0 % des diplômées de l’enseignement supérieur sont en marge de l’emploi (elles ont peu ou pas travaillé) contre seulement 4,0 % des hommes. D’ailleurs, quand on étudie la fréquence de déclassement, on se rend compte que les femmes se retrouvent déclassées en plus grande proportion que les hommes. En 2001, 43,1 % des diplômées de deuxième cycle universitaire sont déclassées contre 32,7 % des hommes, et 27,7 % des diplômées des grandes écoles ou troisième cycle universitaire sont déclassées contre 10,5 % des hommes (Nauze-Fichet et Tomasini 2002 : 37). Cette situation est liée à l’orientation des filles dans l’enseignement supérieur vers des secteurs où l’insertion est difficile : lettres, sciences humaines et sociales.

Incidence de l’orientation

Parmi les facteurs explicatifs des inégalités du marché de l’emploi, les parcours scolaires et, en particulier, l’orientation scolaire différenciée des filles et des garçons sont déterminants. Bien que les filles réussissent en moyenne mieux leur scolarité que les garçons, qu’elles redoublent moins qu’eux une année scolaire et obtiennent plus souvent leur diplôme avec mention, au moment des grands paliers d’orientation, elles se dirigent vers des voies moins rentables en termes professionnels et perdent ainsi une partie du bénéfice de leur meilleure réussite scolaire (Couppié et Epiphane 2001).

Depuis de nombreuses années, les résultats des études menées sur le sujet ont montré une sous-représentation des filles dans les filières scientifiques et technologiques ainsi que dans les métiers scientifiques et techniques industriels. Les jeunes filles ne se dirigent donc pas vers des filières et des spécialités où elles trouveraient des débouchés plus rapidement et des conditions d’insertion plus satisfaisantes. En voici un exemple remarquable en France : en 2008, les 345 200 ingénieures qui exercent une activité professionnelle ne représentent que 16,7 % de l’ensemble des titulaires de ce type de diplôme (CNIFS 2008 : 9). De même, depuis une dizaine d’années, on constate une baisse importante de l’effectif étudiant dans les filières scientifiques universitaires. Les chercheuses et les chercheurs en éducation, les sociologues de même que les représentantes et les représentants des institutions publiques s’inquiètent et tentent d’expliquer ces phénomènes. Des programmes ont été mis en place pour essayer d’améliorer le processus d’orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons[13]. Malgré ces actions entreprises par les pouvoirs publics dans le but de permettre aux filles une orientation scolaire et professionnelle plus fréquente vers les métiers scientifiques et techniques industriels, l’évolution reste limitée : les filles s’orientent encore massivement vers les professions tertiaires et les garçons, vers les professions techniques industrielles.

Dans l’enseignement professionnel, c’est la ségrégation qui domine entre les sexes. Concernant le CAP et le BEP, les filles évitent massivement les filières industrielles et artisanales (13,0 %). Dans le secteur secondaire, on ne trouve des filles que dans les sections « spécialités pluritechnologiques matériaux souples » (94,0 %), « textile » (78,0 %), « habillement » (94,0 %). Elles sont surtout présentes dans des filières tertiaires (70 ,0%) : employées de bureau, de collectivité, secrétariat, santé, coiffure, esthétique, services. Pour ce qui est du baccalauréat professionnel, les filles représentent 42,2 % des admissions. Cependant, celui-ci est divisé en deux grands domaines, soit le domaine de la production où elles représentent 10,0 % des élèves et celui des services où elles sont 68,0 % (Rapport « Filles et garçons à l’école sur le chemin de l’égalité », 2007 : 24).

Dans l’enseignement secondaire long, on observe encore de grandes disparités dans l’enseignement technologique, où existe la même répartition que dans l’enseignement professionnel entre filières industrielles très majoritairement masculines (8,7 % de filles au bac en sciences et techniques industrielles) et filières tertiaires majoritairement féminines (62,4 % en sciences et techniques tertiaires; 96,2 % dans l’option sciences médico-sociales).

Même si, dans l’enseignement secondaire général, la ségrégation est moins radicale, les filles sont très majoritaires dans la section littéraire (82,4 %), majoritaires dans l’économie sociale (64,5 %), et minoritaires dans les sections scientifiques (46,6 %) (Rapport « Filles et garçons à l’école sur le chemin de l’égalité », 2007 : 5).

D’après ces résultats, nous pouvons constater que l’orientation en fait de filière scolaire est très sexuée : 70,0 % des filles obtiennent un baccalauréat littéraire, économique ou tertiaire et 60,0 % des garçons ont un baccalauréat scientifique ou technique industriel. La meilleure réussite scolaire des filles devrait les conduire à demander en plus grand nombre d’être inscrites en première scientifique; au contraire, une partie importante des filles opte pour des filières littéraires et tertiaires. Duru-Bellat soulignait déjà en 1993 que les filles s’excluent par autosélection de la filière scientifique et que les conseils de classe ne tentent pratiquement jamais de corriger cette tendance. D’ailleurs, selon Mariotti (2001), même quand les filles intègrent les filières scientifiques, elles n’y entrent pas avec les mêmes représentations que les garçons et manifestent une plus grande difficulté d’identification au modèle « du scientifique ». On peut supposer que les filles ont à faire face à des barrières institutionnelles et culturelles que ne rencontrent pas leurs camarades masculins.

À l’université, en 2006 les filles sont très majoritaires en lettres (72,7 %) et en sciences humaines et sociales (67,6 %), majoritaires en droit (64,5 %), mais elles sont minoritaires en sciences « dures » (27,3 %). Une mixité presque paritaire existe en médecine (59,9 %) de même qu’en sciences économiques et gestion (51,0 %) (Frydel 2007). Par contre, les filles sont minoritaires dans les sections réputées les plus « prestigieuses » du système scolaire français, soit les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques. Ainsi, les filles forment 74,7 % des classes préparatoires littéraires, 55,0 % des classes économiques et commerciales, préparant aux écoles de commerce, mais seulement 29,2 % des classes préparatoires scientifiques, préparant aux écoles d’ingénierie (Rapport, « Filles et garçons à l’école sur le chemin de l’égalité », 2007 : 27).

Constatant ces orientations très différenciées et leur stabilité, malgré la mixité des systèmes scolaires, Mosconi et Stevanovic (2007) ont fait l’hypothèse qu’elles étaient liées aux représentations que se font des métiers, à l’heure des projets professionnels, les adolescentes et les adolescents scolarisés au collège et au lycée. C’est pendant l’adolescence que beaucoup de changements se produisent. Ces derniers peuvent influencer fortement des préférences et des aspirations en matière de projet professionnel. Les représentations des métiers chez les élèves des deux sexes aux moments cruciaux de l’orientation scolaire, à savoir au collège et au lycée, pourraient expliquer ces choix différenciés liés sans doute aux stéréotypes associés aux différents métiers, encore fortement prégnants dans notre société.

En 1981, Linda Gottfredson avait proposé une modélisation des représentations des professions en les classant sur deux axes simples : masculinité/féminité et niveau de prestige. Selon cette approche, tous les enfants prennent conscience d’abord que les emplois sont différenciés quant au sexe, puis que les différentes fonctions ont des niveaux inégaux de prestige social. L’étude de la représentation des métiers selon ces deux dimensions a montré clairement les différences sexuées des représentations. Les filles marquent leurs préférences pour les métiers de soin ou du domaine social (assistante sociale, infirmière, etc.), alors que les garçons préfèrent les métiers scientifiques et techniques (ingénieurs) ayant comme caractéristique principale un salaire élevé.

Gottfredson avait supposé que la carte cognitive des métiers se constitue vers 13 ou 14 ans. Les études longitudinales faites sur le développement de ces représentations montrent qu’elles se constituent beaucoup plus précocement quant au facteur masculinité/féminité.

Par exemple, McMahon et Patton (1997) ont observé des différences des représentations sexuées dès l’école primaire, avec, chez les filles, le souci de la « conciliation » de la carrière et de la vie familiale. Les garçons, par contre, à l’école primaire, commencent déjà à se préoccuper de la planification de leur carrière. Selon Armstrong et Crombie (2000), les filles ont des représentations des professions stéréotypées en adéquation avec les rôles sociaux traditionnellement assignés aux femmes et elles jugent plus favorablement des professions considérées comme « typiquement féminines ».

La théorie cognitive sociale élaborée par Bandura (1977) de même que par Betz et Hackett (1981) souligne que le sentiment de compétence influe sur les buts, à savoir que plus on se sent compétente ou compétent, plus on peut se fixer des buts difficiles. Ainsi, des jeunes ne font pas tel choix d’orientation, non par manque de compétences objectives, mais parce qu’ils ou elles ont un sentiment de compétence faible par rapport à ces études précises.

Par exemple, d’après Armstrong et Crombie (2000), les filles expriment un sentiment de compétence plus élevé pour les métiers « féminins » (soin, social, éducation, etc.), alors que les garçons témoignent d’un sentiment de compétence plus élevé pour les métiers traditionnellement « masculins » (ingénieur). L’étude de Mau (2003), qui montre que les filles persistent moins que les garçons dans leurs aspirations aux carrières scientifiques et technologiques, ainsi que l’étude de Lapan et Jingeleski (1992), qui observe que les filles ont des espérances moins élevées d’atteindre une carrière en sciences que les garçons, confirment la thèse de Betz et Hackett selon laquelle les filles ont moins confiance en elles-mêmes et en leur réussite dans le domaine scientifique.

Malgré certains progrès (en droit, en économie et en médecine), les filles et les garçons font encore de nos jours des choix d’orientation très différents. Les premières optent pour des orientations moins rentables par rapport à l’insertion professionnelle et s’inscrivent moins que les seconds aux filières « scientifiques » et « techniques industrielles ». Elles ont fortement investi les sciences de la vie (pharmacie, biologie, médecine, agronomie, médecine vétérinaire) et les études de droit (école de la magistrature, par exemple), alors que les études et les emplois scientifiques et techniques de l’industrie (mécanique, électricité, etc.) comptent très peu de filles. Ces cursus les mènent vers des débouchés professionnels différents de ceux des garçons avec des conditions d’insertion plus difficiles.

Emplois occupés par les jeunes femmes

En France, les femmes composent aujourd’hui 46,0 % de la population. En 2006, il y avait 25 millions de personnes actives, soit 11,6 millions de femmes et 13,4 millions d’hommes (INSEE 2008). Bien que l’activité féminine soit en constante augmentation depuis les années 60 (on comptait 6,5 millions de femmes actives durant les années 60), les inégalités sur le marché du travail persistent : elles sont plus nombreuses que les hommes à occuper un emploi temporaire, comme un CDD, à faire un stage et à être présentes dans certaines catégories d’emplois aidés; elles sont aussi plus nombreuses au chômage; et leurs salaires sont toujours inférieurs à ceux des hommes.

Quand nous étudions la répartition des hommes et des femmes selon différentes catégories socioprofessionnelles (tableau 3), nous remarquons la concentration des femmes dans un petit nombre de secteurs d’activité économique. Duru-Bellat (2004) souligne que les jeunes garçons et filles s’insèrent dans les emplois qui reflètent fidèlement la division du travail entre les sexes. La division sexuelle du travail (Kergoat 2000) découle d’un principe de séparation, qui désigne des métiers d’« hommes » et des métiers de « femmes », en assignant les hommes à la sphère productive et les femmes à la sphère reproductive. Elle a aussi pour caractéristique le principe hiérarchique, soit « un travail d’homme vaut plus qu’un travail de femme » (Kergoat 2000 : 36) : le travail domestique et éducatif non rémunéré des femmes est dévalorisé, alors que le travail des hommes a une forte valeur sociale (politique, économique, religieuse, militaire, etc.).

Sur les 31 catégories socioprofessionnelles que recense l’INSEE, les six professions les plus féminisées regroupent 60,0 % des actives (61,0 % en 1982, 60,0 % en 1990 et 62,0 % en 2002) (Meron, Okba et Viney 2006 : 230). Les femmes et les hommes ne travaillent pas contre rémunération dans les mêmes secteurs d’activité. Le secteur tertiaire concentre près de 86,0 % de l’emploi féminin pour seulement 60,0 % de la population masculine. Les femmes s’insèrent notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé ou de l’action sociale.

Tableau 3

Emplois occupés par les 15 ans et plus en France en 2006

Emploi

Part des femmes

(%)

Population féminine occupée

(%)

Agriculteurs et agricultrices

29,0

1,6

Artisans et artisanes

23,7

1,5

Commerçants et commerçantes

37,1

2,3

Chefs d’entreprise employant dix personnes salariées ou plus

17,1

0,2

Cadres et professions intellectuelles supérieures

37,3

12,4

Professions intermédiaires

49,4

25,0

Employés et employées

76,8

48,4

Ouvriers et ouvrières

17,6

8,7

Total

46,5

100,0

Source : INSEE 2008.

-> See the list of tables

Au total, 48,4 % des femmes ont une fonction d’employée, alors que 82,4 % des hommes occupent un métier d’ouvrier. À un niveau plus élevé, les femmes sont un peu plus nombreuses dans les professions intermédiaires, soit 49,4 %. Pour le même type de diplôme, les hommes et les femmes n’occupent pas le même emploi. Dans le cas des professions intermédiaires, les hommes sont plutôt techniciens ou agents de maîtrise, tandis que les professions intermédiaires de la santé et du travail social marquent une concentration féminine. Même si les postes de cadre sont encore occupés majoritairement par des hommes (62,7 % contre 37,3 %), les femmes sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à occuper un tel poste. À ce niveau, les hommes et les femmes n’exercent toutefois pas les mêmes professions, les hommes étant plus souvent ingénieurs ou cadres techniques ou bien cadres d’entreprise, tandis que les femmes sont cadres de la fonction publique ou enseignantes.

D’après l’étude de Meron, Okba et Viney (2006), réalisée sur une période de vingt ans (de 1982 à 2002)[14], la ségrégation[15] des emplois masculins et féminins s’est renforcée pour les titulaires d’un diplôme moins élevé, tandis que les hommes et les femmes titulaires des diplômes plus élevés occupent des emplois de plus en plus similaires. Ainsi, les inégalités s’atténuent au fur et à mesure que le niveau de scolarité s’élève. Durant les vingt dernières années, le développement de l’emploi dans le secteur tertiaire a permis aux diplômées de l’enseignement supérieur de bénéficier de bonnes conditions d’insertion sur le marché du travail salarié et d’investir les emplois de cadre. Les femmes représentent, en 2005, 36,0 % des cadres. Elles ont progressé principalement chez les cadres de la fonction publique (de 20,3 % en 1983 à 28,0 % en 1995 et jusqu’à 37,5 % en 2005), dans l’enseignement et les professions scientifiques (de 44,3 % en 1983 à 52,2 % en 1995 et jusqu’à 52,3 % en 2005) et chez les cadres d’entreprise du secteur commercial et administratif (19,8 % de femmes en 1982, 32,9 % en 1995 et 39,5 % en 2005) (INSEE, Enquêtes Emploi 2005). Toujours en 2005, les femmes occupent 38,0 % des professions libérales : médecins et professions paramédicales, professions juridiques, architectes, expertes-comptables, etc. Pour ce qui est des ingénieures et des cadres techniques d’entreprise, nous notons une progression constante puisque les taux sont passés de 5,6 % en 1983, à 12,0 % en 1995 et à 16,5 % en 2005 (INSEE, Enquêtes Emploi 2005), mais les femmes restent sous-représentées dans cette catégorie.

Les données que nous venons de voir montrent que la ségrégation professionnelle s’est réduite pour les diplômées de l’enseignement supérieur concernant l’accès à leur premier emploi. Nos données suggèrent aussi que la ségrégation professionnelle s’est déplacée. Bien que les femmes accèdent de plus en plus à un poste de cadre, elles occupent en général un poste moins qualifié que les hommes possédant le même diplôme et très peu un poste d’encadrement. Elles sont aussi peu nombreuses à investir les emplois en ingénierie et de cadres techniques d’entreprise. Cependant, il ne faut pas oublier que, du côté opposé, les femmes faiblement scolarisées continuent à subir la ségrégation professionnelle. La diminution de la ségrégation des diplômées de l’enseignement supérieur ne peut masquer les difficultés que la majorité des autres femmes peu ou faiblement scolarisées éprouvent sur le marché du travail.

Conclusion

Les différences d’insertion observées entre les jeunes femmes et les jeunes hommes au début de leur vie professionnelle sont liées à l’orientation scolaire et à la division du travail entre les sexes. Les filles se dirigent vers des filières qui correspondent aux choix traditionnels féminins et qui offrent moins de débouchés satisfaisants. Les filières d’orientation restent très différenciées : les garçons investissent les filières techniques et scientifiques, tandis que les filles vont vers les filières littéraires et tertiaires. Les filières tertiaires se révèlent moins rentables, car elles mènent plus souvent à des emplois aidés ou à des CDD, ainsi qu’au travail à temps partiel, et le taux de chômage y est toujours plus élevé qu’à l’issue de la fréquentation des filières industrielles. Les titulaires d’un diplôme universitaire et des filières « sciences humaines et sociales » connaissent des difficultés d’insertion. Par contre, l’insertion est assez bonne pour les titulaires d’un diplôme des grandes écoles, garçons et filles. Il faut noter en outre que, après la fréquentation de certaines écoles paramédicales et l’obtention d’un diplôme, par exemple les écoles en sciences infirmières, les filles ne connaissent pas le chômage.

Si les jeunes femmes accèdent à un poste de cadre aussi souvent que les jeunes hommes, c’est grâce à leur niveau de scolarité plus élevé. En effet, les jeunes femmes sont de plus en plus diplômées, d’ailleurs elles sont plus nombreuses que les jeunes hommes à l’université depuis le début des années 80. Leur réussite dans le système scolaire et universitaire a permis la transformation et la féminisation du marché du travail salarié. Cependant, il ne faut pas oublier que la division sociosexuée du travail et des savoirs n’a pas été supprimée, mais qu’elle a été modernisée (Maruani et Nicole 1989). D’ailleurs, malgré la réussite scolaire des filles et leur accès à un emploi de cadre et aux métiers atypiques, les représentations des métiers des adolescentes et des adolescents demeurent très proches de la réalité de la division sexuée du travail (Mosconi et Stevanovic 2007).