Comptes rendus

Perla Serfaty-Garzon, Enfin chez soi? Récits féminins de vie et de migration. Montréal, Bayard Canada, 2006, 188 p.[Record]

  • Nadia Ghazzali

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  • Nadia Ghazzali
    Université Laval

Cet ouvrage de Perla Serfaty-Garzon analyse le vécu de femmes qui ont émigré à partir de témoignages et en relation avec leur chez-soi, leur lieu de vie, celui dans leur terre natale qu’elles ont dû quitter mais aussi celui de leur pays d’adoption. L’auteure aborde les départs, les exils du pays d’origine, les transitions, les entre-lieux (p. 97), la migration et, enfin, après les tumultes et les mouvements, l’enracinement, le véritable établissement. Elle donne la parole à ces femmes, quinquagénaires et sexagénaires, ayant vécu une ou plusieurs migrations depuis leur pays natal et qui ont acquis un certain recul pour pouvoir en parler en toute objectivité. Elles partagent ainsi leur cheminement et les étapes très personnelles de leur vie qui ont mené jusqu’à leur établissement. Dans la première partie, l’auteur aborde le premier chez-soi de l’émigrante, celui de la terre natale; parfois une maison, parfois un logis précaire ou temporaire, c’est le chez-soi d’abord et avant tout rattaché à la famille, qui ramène des souvenirs de prime enfance, de jeunesse. Ces souvenirs du là-bas (p. 29) sont autant d’ancrages, pour ces femmes, particulièrement celles qui ont eu à affronter un exil forcé. Comme l’auteure le mentionne, « le lyrisme des souvenirs, leur relief et leur présence sensible, les émotions qu’ils suscitent […] est bien ce qui a fait les personnes qui nous parlent […] et ce qui continue à être une part essentielle d’elles-mêmes » (p. 36). Le premier lieu de vie est donc circonscrit comme un élément non seulement essentiel, mais également fondateur de la personne, une base de ce qu’elle est. Certaines se remémorent la maison de l’enfance avec les jardins fastueux, sublimes et sublimés par le souvenir, comme un paradis perdu, ôté de force par la guerre et les bombardements, leur famille n’ayant eu d’autre choix que de partir pour trouver un lieu habitable et sûr. Pour d’autres, ce sont plutôt des souvenirs douloureux de parents très autoritaires et rigides et de liberté réprimée, de malaise à la fois par rapport à la famille mais aussi par rapport au reste de l’environnement immédiat. Des femmes qui ont pris la décision de partir seule pour être libres et se construire une identité propre. Cette liberté est jugée comme élément fondamental du chez-soi et, dans certains cas, comme élément déclencheur de leur migration. Cependant, d’autres femmes, ayant subi l’exil, ont dû transiter par plusieurs logements précaires, leur résidence d’origine n’étant plus sécuritaire ou habitable. Ces logis de transition étaient alors principalement utilitaires et pratiques. Ces femmes, qui s’y sont arrêtées avec leur famille proche, se sont approprié ces espaces de différentes façons; par la cuisine et la nourriture de leur pays d’origine, qui maintient un lien avec leur passé, malgré la coupure et un abri qu’il était parfois impossible d’habiter entièrement : des espaces exigus, dont on est locataire, des logis temporaires avec rien de vraiment à soi. Lorsque ces déplacements se faisaient en famille, la table était également le lieu privilégié des échanges, permettant de conserver la cohésion familiale en tant qu’ancrage immatériel. Cet ancrage est également lié aux relations tissés avec le voisinage ou la famille élargie que l’on retrouve puisqu’il permet de se rattacher à des ramifications sociales plus grandes, et donc à la société d’accueil (p. 42). Il permet de retrouver un quotidien et une normalité (p. 41). Le vécu de la migration passe aussi par le vécu du corps, celui qui a souffert le froid d’une adaptation au climat du nouveau pays ou qui devait s’adapter à des conditions de vie parfois spartiates; l’espace est alors défini par les sensations, notamment tactiles et …