Comptes rendus

Yvonne Knibiehler, Qui gardera les enfants? Mémoire d’une féministe iconoclaste. Paris, Calmann-Lévy, 2007, 319 p.[Record]

  • Romaine Malenfant

…more information

  • Romaine Malenfant
    Université du Québec en Outaouais

En suivant le fil de sa vie familiale et de sa vie professionnelle, Yvonne Knibiehler décrit, sur un ton ferme teinté d’un peu d’amertume et de regrets parfois, son parcours féministe. Comme cette historienne l’avoue, elle a « traversé une sorte d’incubation, lente et discrète, jusqu’au milieu des années 60 » (p. 131). C’est à travers son histoire personnelle et celle des femmes de sa famille, sa mère et ses deux grand-mères, que s’est faite la prise de conscience du statut social différent des hommes et des femmes et du poids de la maternité dans la construction de la trajectoire de vie de ces dernières. La maternité restera d’ailleurs tout au long de sa vie d’historienne le sujet par lequel elle posera son regard sur la société. De plus, le fait d’avoir été encouragée par son père et plus tard par son mari à poursuivre des études avancées à une époque où peu de femmes et surtout de mères s’y aventuraient, et remplie de joie par un mari qui manifestait son attachement à ses enfants, a sûrement contribué à sa vision de la paternité comme une dimension insuffisamment considérée. En outre, elle voit comme une injustice le fait que toutes les femmes n’aient pas vécu ce bonheur, ce qui est devenu une des raisons qui l’ont poussée à écrire ses mémoires. Bien que le mariage et la maternité aient eu une influence certaine sur sa vie professionnelle et qu’elle ait eu à subir les commentaires déplacés de collègues de travail du type « Comme ça, vous allez vous faire payer trois mois de vacances! » (p. 107), Yvonne Knibiehler a réussi, non sans quelque sentiment de culpabilité envers ses enfants, à concilier vie de travail et vie de famille. Elle affirme avoir vécu dans une génération privilégiée à certains égards parce que peu de générations ont eu « comme la nôtre le sentiment à la fois exaltant et intimidant d’avoir un monde à réinventer, une société à réorganiser » (p. 123). Son séjour au Maroc, alors colonie française, en la sensibilisant au rapport pays colonisateur-peuple colonisé l’a aussi ouverte au concept de domination qui influencera par la suite ses analyses du rapport homme-femme et puis au féminisme. Elle précise toutefois que ce ne sont pas les féministes qui l’ont « éveillée » mais plutôt ses expériences personnelles et son évolution professionnelle. Elle souhaitait participer à cette génération nouvelle de femmes qui voulait redéfinir la maternité en mettant en échec la fatalité et la passivité, en faisant tomber le mythe de la maternité heureuse et en entrant dans la citoyenneté revendicatrice, pour elle, « sans emballement, mais pour défendre des convictions » (p. 144). Conserver une « distance critique », que ce soit à l’égard des partis politiques ou des groupes féministes, est le leitmotiv d’Yvonne Knibiehler qui affirme avoir toujours voulu développer sa contribution singulière aux changements sociaux sans tomber dans le dogmatisme. Ce qui lui a valu à son tour des critiques, notamment sur ce qui est parfois apparu comme un certain conservatisme à l’égard du rôle maternel des femmes. Pour l’auteure, la maternité est une composante majeure de l’identité féminine. Les mères et la maternité sont restées, selon elle, « par nécessité intérieure », au coeur de son travail d’historienne qui s’étend sur trois décennies. Si elle n’a pas été une militante, elle croit cependant profondément que l’histoire des femmes peut servir un militantisme éclairé. Yvonne Knibiehler reproche au mouvement de libération des femmes l’absence, voire l’exclusion, d’une réflexion constructive sur la maternité et d’en avoir plutôt conservé une conception patriarcale. Elle avoue que ses travaux sur la …

Appendices