Comptes rendus

Marylène Lieber, Genres, violences et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en question. Paris, Les Presses de Sciences Po, 2008, 324 p.[Record]

  • Sylvie Thibault

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  • Sylvie Thibault
    Université du Québec en Outaouais

Marylène Liber est sociologue et chercheuse à l’Université de Neuchâtel en Suisse. Elle propose dans cet ouvrage le fruit d’un travail de recherche fouillé et minutieusement documenté sur la sécurité des femmes dans les espaces publics. L’hypothèse principale de son travail est que « l’absence de débat public sur « l’évidence » que recouvre la soi-disant « vulnérabilité des femmes » contribue à fixer ces identités » (p. 23). L’auteure souhaite un débat public sur la question de la sécurité, jugeant que celui-ci permettrait de mettre en lumière certaines formes de discriminations envers les femmes. De façon plus précise, l’auteure est d’avis que le sentiment de peur affiché par les femmes est socialement considéré comme une évidence, plutôt lié à leur « nature ». Malgré un double objectif ambitieux, soit, d’une part, de comprendre comment « une problématique, pourtant reconnue dans l’arène politique et sur la scène publique, a de la difficulté à s’imposer comme problème social à résoudre » (p. 19) et, d’autre part, « d’explorer la façon dont l’accès aux espaces publics et leur usage se conjuguent avec l’appartenance sexuée » (p. 23), l’auteure parvient à ses fins avec méthode et clarté. Marylène Liber présente donc dans cet ouvrage les résultats d’une étude, ainsi que toute la démarche de sa recherche, y incluant la méthode privilégiée et la mise en contexte du matériel recueilli. Dans un premier temps, des entretiens ont été réalisés auprès d’actrices et d’acteurs sociaux qui participent à l’élaboration des politiques publiques, tels que des policiers et des policières, des élus et des élues, des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales, des chargées de mission des droits des femmes de même que des citoyens et des citoyennes siégeant aux commissions locales des contrats locaux de sécurité (CLS). Ces 26 entrevues ont été réalisées sur trois sites différents, soit à Guyancourt, ville de banlieue située dans le département des Yvelines, ainsi que dans les 12e et 19e arrondissements de Paris, où la municipalité a tenté de penser une politique de sécurité « au féminin ». Ce corpus est ensuite complété par une série de 35 entrevues, réalisées auprès d’hommes et de femmes, qui rendent compte principalement des sentiments éprouvés et de leurs propres expériences dans leurs déplacements dans les espaces publics. Le livre de Marylène Lieber est divisé en sept chapitres qui se terminent par une longue conclusion générale. On appréciera la délicatesse de l’auteure qui insère, bien en évidence, tout juste avant son introduction, une liste des sigles et abréviations qu’elle utilise dans son ouvrage. L’attention est d’autant plus appréciée que les domaines des politiques publiques et de la sécurité française ont un vocabulaire qui leur est propre, faisant référence à des organisations qui diffèrent passablement de celles qui existent au Québec. Les premiers chapitres exposent d’abord une recension des écrits sur les thèmes de la sécurité, des crimes et des violences pour ensuite présenter les recherches qui ont traité de la question du traitement du genre dans les politiques publiques, plus précisément celles qui ont été adoptées en matière de violence, non seulement en France et en Europe, mais aussi au Québec. D’entrée de jeu, l’auteure et sociologue soulève un paradoxe, soit que plusieurs de ses collègues sociologues et autres experts ou expertes criminologues démontrent dans leurs travaux que les femmes disent avoir le sentiment d’être les plus exposées aux agressions dans les espaces publics, alors que les taux de victimisation rapportés sont relativement faibles. Elle fait ainsi écho aux préoccupations des Françaises mais aussi à celles de certains groupes de Québécoises qui considèrent que « la sexualisation de l’espace public peut …

Appendices