Comptes rendus

Naïma Dib, D’un Islam textuel vers un islam contextuel. La traduction du Coran et la construction de l’image de la femme. Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2009, 210 p.[Record]

  • Osire Glacier

…more information

  • Osire Glacier
    Université Bishop

Au fil des 210 pages de son livre D’un Islam textuel vers un islam contextuel. La traduction du Coran et la construction de l’image de la femme, Naïma Dib examine si l’infériorité des femmes est consacrée dans le Coran. L’auteure se propose de répondre à cette question en trois volets. D’abord, dans une longue introduction, elle rappelle les grandes lignes d’idées de Mohamed Abdou, Fahmy Mansour et Mohamed Chahrour, penseurs réformistes musulmans des deux derniers siècles. Si cette introduction permet à l’auteure de situer son étude dans la continuité des réflexions suscitées par ces penseurs, elle lui permet également de relativiser la lecture du Coran. Dans la première partie de son ouvrage, Dib procède à une analyse sémiotique du Coran. Pour ce faire, elle adopte une analyse comparative du Coran et de certaines traductions en langues française et anglaise. En effet, en tant que musulmane, l’auteure examine la première source d’autorité pour toute personne croyante, soit le Coran, en limitant toutefois la portée de ses investigations à deux versets déterminants pour le statut des femmes en Islam, à savoir les versets 4.1 et 4.34. Par ailleurs, en tant que traductrice, elle s’intéresse aux lectures multiples auxquelles ces versets donnent lieu en langues française et anglaise. De plus, Dib étend le processus de traduction aux interprétations intralinguales du Coran, dont la charia (la loi islamique.) Ainsi, l’auteure limite la portée de son étude à l’exégète classique Abu Jafar Tabari de même qu’aux traductrices et aux traducteurs suivants : Albert de Bilberstein Kazimirski, Denise Masson, Présidence générale des directions des recherches scientifiques et islamiques, Jacques Berque, Marmaduke Pickthall, Pir Sahalahud-din et Nessim Joseph Dawood. En soulignant la multiplicité des traductions, des perceptions et des interprétations du dire coranique, Dib suggère que ces lectures constituent des possibles sémantiques qui éclairent le dire en question sans toutefois l’épuiser. Par conséquent, elle s’insurge contre l’idée véhiculée par les traditionalistes qui préconisent une lecture immuable du Coran et, en l’occurrence, un statut figé des musulmanes. Par ailleurs, en notant les écarts de sens entre les traductions examinées, Dib montre que le discours de traduction est à la fois producteur et symptomatique d’un monde androcentrique. Dans la seconde partie de son ouvrage, en adoptant une analyse sociohistorique du discours social commun, dont relèvent les traductions, y compris les traductions intralinguales, Dib met en exergue les rapports de domination entre les sexes qui sont véhiculés par ce discours. Il en ressort que la hiérarchisation des sexes est une construction de toutes les civilisations humaines. En conclusion, grâce aux analyses sémiotique et sociohistorique, l’auteure propose une relecture du Coran qui fait la promotion de rapports plus égalitaires entre les femmes et les hommes. Dans son introduction, Dib rappelle qu’aujourd’hui deux paradigmes divisent la pensée musulmane : les adeptes du paradigme traditionaliste préconisent un « retour aux sources » qui se traduirait par une application à la lettre du Coran et de la Sunna (les dires et actions du prophète), pendant que les adeptes du paradigme moderniste proposent une relecture de ces textes qui assurerait une harmonisation entre les valeurs de l’Islam et les exigences de la modernité. L’un des points principaux qui départage ces antagonistes est le statut des musulmanes. Si, dans le contexte actuel, ces dernières assument toutes les responsabilités de la citoyenneté, dont voter, travailler et payer des taxes, il n’en reste pas moins que, selon les interprétations dominantes du Coran, elles sont encore considérées comme des personnes subalternes. Cela explique que les réformistes musulmans ont fait de la réforme du statut des femmes leur cheval de bataille. Ainsi, pour Abdou, toute réforme sociale passe inévitablement …

Appendices