Comptes rendus

Louise Langevin (dir.), Rapports sociaux de sexe/genre et droit : repenser le droit. Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2008, 216 p.[Record]

  • Violaine Lemay

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  • Violaine Lemay
    Université de Montréal

La professeure Louise Langevin, de l’Université Laval, avec l’appui de l’Agence universitaire de la Francophonie et de la Chaire Claire-Bonenfant sur la condition des femmes, propose un collectif qui plaira à coup sûr aux juristes qui se préoccupent de la condition féminine, mais aussi aux lecteurs et aux lectrices qui se soucient de l’accès concret à la modernité juridique à l’intérieur de sociétés contemporaines que nous souhaitons égalitaires et démocratiques. Avec la collaboration de professeures-chercheuses venant de différentes universités du Canada (Québec et Ontario), mais aussi de l’Afrique (Sénégal) et de l’Europe (France), l’auteure annonce en quatrième de couverture que son ouvrage « a pour objet d’analyser la manière dont le droit appréhende les rapports sociaux de sexe, c’est-à-dire de quelles façons le droit prend en considération ou ignore la catégorie « femmes » en tenant compte des contextes ». En fait, cet ouvrage, qui se lit comme un roman tant il est passionnant, regroupe des exercices intellectuels de nature très variée, ce qui illustre bien le caractère non homogène et positivement pluriel des écrits savants qu’englobe aujourd’hui la large et inclusive bannière des études féministes en droit. L’ouvrage comprend, bien sûr, de rigoureuses analyses juridiques standard. Par exemple, on scrute les dispositions d’un projet de loi nouveau prometteur, en droit de la famille au Bénin, et l’on en indique les lacunes législatives (Koupo). On observe les développements jurisprudentiels sinueux du droit d’asile pour les femmes relativement à la Convention de Genève, et l’on précise l’enjeu juridique d’une tendance grandissante à écarter ces dernières du statut de réfugiée au profit d’une catégorie résiduelle (Jaillardon). Cependant, en parallèle s’y trouvent aussi des mises en situation et des revues historiques instructives et enlevantes – l’histoire d’un nécessaire engagement féminin et féministe dans l’action protectrice de l’environnement (Rochette) ou l’histoire sénégalaise Wolof de l’institution traditionnelle de la lingeer, concept de pouvoir politique impérativement en tout ou partie féminin (Camara) –, des essais d’ordre militant ou stratégiques (Camara/Langevin) et des analyses sociologiques. Revient alors l’invariable et triste rappel d’une effectivité inattendue et peu glorieuse de dispositions de droit positif dont on pouvait logiquement attendre une amélioration concrète de la condition féminine. Nous le savons depuis longtemps, mais il convient vraisemblablement de le rappeler encore haut et fort : une loi ne produit pas nécessairement le changement social espéré. La mise en oeuvre des lois protectrices rencontre mille et un obstacles que suppose, inlassablement et toujours, l’inertie socioculturelle. Ainsi, devant le droit d’asile pour les femmes, « le rôle que peut jouer le juge est dépendant de la procédure pour le saisir » (Jaillardon, p. 58). Les femmes martèlent encore : « Tous ces problèmes rendent illusoire la protection des femmes contre les violences par le seul État. Des réponses sociales s’avèrent nécessaires pour compléter l’action de l’État » (Sow-Sidibe, p. 125). « Compte tenu des limites inhérentes au droit, la stratégie juridique n’est peut-être pas la meilleure » (Langevin, p. 213). Tant que le paradigme juridique dominant aura pour effet d’entretenir chez les juristes le fantasme démiurgique d’un droit étatique par définition socialement tout-puissant, il conviendra probablement de répéter cette vérité sociologique de base... La force principale de l’ouvrage réside probablement dans la profondeur intellectuelle et la fine complexité de plusieurs de ses analyses. Indicateur vraisemblable d’une discipline actuellement marquée par le besoin pressant d’un renouvellement de méthode, la majorité des auteures partagent des interrogations d’ordre épistémologique. Qu’est-ce qu’une façon juridiquement appropriée de penser et d’articuler un droit positif égalitaire devant le pluralisme (juridique, religieux ou paradigmatique) qui marque le temps présent? Cette dernière question est posée de différentes façons, les auteures la …