Comptes rendus

Lori Saint-Martin Au-delà du nom. La question du père dans la littérature québécoise actuelle. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2010, 428 p.[Record]

  • Marie-José des Rivières

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  • Marie-José des Rivières
    Université Laval

Si la maternité est, depuis longtemps, au coeur des débats féministes (Descarries et Corbeil 2002) et si, en 1976, Adrienne Rich décrivait la relation mère-fille comme une histoire non écrite (p. 11), la paternité a surtout été traitée par les hommes, particulièrement sous l’angle du conflit père-fils (p. 11). Cependant, « la question du père, de nos jours, ne peut se résumer à une affaire de père et de fils [et] l’histoire la moins bien connue est peut-être celle du rapport entre la fille et le père », affirme Lori Saint-Martin (p. 11). Ayant elle-même étudié le rapport mère-fille dans la littérature québécoise (Saint-Martin 1999), l’auteure se penche maintenant avec une grande rigueur, dans un essai aussi impressionnant qu’accessible, sur la question du père dans la littérature québécoise actuelle. Son travail fait écho à des études psychologiques, sociologiques et même littéraires, dont le remarquable essai de Patricia Smart (1988), qui ont ouvert le champ. Saint-Martin a fait le pari de risquer le contemporain, en s’attachant aux tendances actuelles pour présenter les effets littéraires des bouleversements sociaux des dernières décennies. À partir d’un vaste corpus de 45 auteures et auteurs, elle pose des questions sur la représentation du père, sur ses pouvoirs et ses faiblesses de même que sur les valeurs, les figures ou les métaphores liées à cette image. Elle observe les « motifs récurrents, les lignes de force qui traversent la littérature des trente dernières années » (p. 11) avec une attention particulière aux figures et aux formes nouvelles, signes des impasses et des solutions d’aujourd’hui. Le pouvoir, l’autorité, la légitimité, la reconnaissance et la mixité sont autant de motifs essentiels qui apparaissent en filigrane dans la plupart des textes et qui servent de repères à la description et à l’analyse. L’objet de l’exercice est de « repenser le père – et la mère – à la fois comme corps et comme esprits […] pour faire advenir une véritable mixité qui serait […] une façon de refonder la vie commune en permettant aux êtres de s’accomplir selon leurs désirs […]; [il s’agit de] trouver de nouvelles façons d’être ensemble » (p. 15). Cinq parties et quinze chapitres tissent cet essai sur les figures des pères qui dominent la fiction actuelle. La première partie, « Repères » (chapitres 1 et 2), pose les limites du modèle oedipien proposé par Freud : « occultation des femmes et du féminin, de la subjectivité féminine, mais aussi de la subjectivité paternelle » (p. 56). Saint-Martin situe son étude dans la lignée des théoriciennes féministes qui ont proposé de nouvelles façons de penser le père, par exemple un père « visible, vulnérable, charnel » (p. 67). La deuxième partie débute tout d’abord par le procès du patriarcat, dans Triptyque lesbien de Jovette Marchessault, L’amèr de Nicole Brossard ou Pique-nique sur l’Acropole de Louky Bersianik; ces romancières féministes expriment un immense désir de vivre autrement que « sous la Loi du père » (p. 78). Suit « Le procès des faux absents » (p. 79), lorsqu’un père refuse de s’occuper de son enfant, comme dans L’ingratitude de Ying Chen, ou que l’emprise maternelle démesurée lui interdit de le faire, comme dans L’obéissance de Suzanne Jacob. Quant aux « vrais absents » (p. 86), ils sont nombreux dans la littérature québécoise et donnent lieu à des romans de quête ou de vengeance. Le prototype du père dominateur est décrit par Claire Martin dans la suite autobiographique Dans un gant de fer et La joue droite. Aucun espace n’est laissé aux enfants. Les auteures et les auteurs migrants, comme Abla Farhoud dans Le bonheur à la queue …

Appendices