Comptes rendus

Anthologie présentée par Nicole Pellegrin, Écrits féministes de Christine de Pizan à Simone de Beauvoir, Paris, Flammarion, collection Champs classiques, 2010, 254 p.[Record]

  • Jocelyne Mathieu

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  • Jocelyne Mathieu
    Université Laval

D’entrée de jeu, Nicole Pellegrin l’affirme : «Le féminisme est pensée et action » (p. I). L’introduction plonge ainsi le lecteur et la lectrice dans une réflexion sur « ce “féminisme” de longue durée » (p. V) qui s’exprime d’abord par la plume avant de privilégier divers moyens d’expression qui se déploieront notamment dans la création d’organisations, de pétitions, de manifestations de rue. Dans cette anthologie, des auteurs français et surtout des auteures, ayant vécu entre le XVe siècle et la fin du XXe, livrent une pensée au féminin, par et pour les femmes, une somme d’expériences individuelles dans des contextes fort différents et des conjonctures fluctuantes (p. VI) mais propices au partage de frustrations communes. Ces écrits se révèlent action polémique et politique véhiculée par voie de plume, dans des textes ou des extraits de textes présentés pour susciter l’interaction des discours. L’anthologie refait une « galerie » d’illustres (p. XV), hommes et femmes, invités à une rencontre où réflexions et revendications récurrentes mettent au jour des écrits souvent ignorés et qui empruntent diverses formes et styles. Que partagent Christine de Pizan, François Poulain de La Barre, Flora Tristan, Hélène Brion, Simone de Beauvoir et plusieurs autres (15 en tout)? Présentés chronologiquement, les textes sélectionnés sont toujours inscrits dans une époque et un contexte que l’auteure, en historienne rigoureuse, présente en avant-plan : l’auteur ou l’auteure d’abord dans son époque, puis la place des écrits retenus dans l’oeuvre référée. Non seulement Pellegrin maîtrise les oeuvres présentées brièvement, mais elle en partage une analyse fine et s’attache aux écrits retenus en livrant des clés de lecture et de compréhension imprégnées d’une large vue et dénonçant la « construction idéologique du “précurseur” en féminisme », des généalogies arbitraires et le risque de contribuer soi-même à conformer des « préjugés progressistes » (p. IX). Chaque texte mis en lumière dévoile des inégalités hommes-femmes, rapportent des paroles troublantes et des témoignages, formule des revendications anciennes et renouvelées, pour plusieurs toujours d’actualité et encore percutantes. Quelques thèmes émanent en force : outre les droits civils et politiques fondamentaux, retenons l’éducation, la liberté et l’économie comme outil d’affranchissement. La « première femme européenne connue à avoir vécu de sa plume » (p. 7), Christine de Pizan (vers 1363-1431), jeune veuve mère de trois enfants et ayant à charge sa mère et une nièce, entretient un dialogue avec Dame Droiture sur le droit à l’éducation des filles, alors que Marie Le jars de Gournay (1565-1645) considère que « l’iniquité de la situation faite aux femmes naît de leur instruction, absente ou insuffisante » (p. 14). Après avoir publié anonymement De l’égalité des deux sexes en 1673, François Poulain de La Barre (1647-1725) fait paraître en 1674 De l’éducation des dames pour la conduite de l’esprit dans les sciences et dans les moeurs. Entretiens, texte dans lequel il renchérit en affirmant que « c’est donc une erreur populaire que de s’imaginer que l’étude est inutile aux femmes, parce dit-on, qu’elles n’ont point de part aux emplois pour lesquels on s’y applique » (p. 48). Plus d’un siècle plus tard, en 1789-1790, Condorcet (1743-1794) entre en jeu en affirmant que « ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes », car « la supériorité d’esprit qui ne soit pas la suite nécessaire de la différence d’éducation » serait à prouver (p. 67). Flora Tristan (1803-1844) plaide à son tour en faveur de l’éducation des filles. Quant à Madeleine Pelletier (1874-1939), « féministe intégrale » (p. 172), elle prône des conseils aux mères dans son ouvrage Éducation …

Appendices