Comptes rendus

Denise Girard, Thaïs. La voix de la lutte des femmes 1886-1963., Québec, Septentrion, 2012, 269 p.[Record]

  • Micheline Dumont

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  • Micheline Dumont
    Université de Sherbrooke

Nous connaissions déjà Marie et Justine Lacoste. Voici maintenant Thaïs. Trois des sept soeurs Lacoste ont laissé leur marque dans l’histoire des femmes au Québec. Initiée à l’action publique par sa mère et ses soeurs, Thaïs participera à la fondation de l’Hôpital Sainte-Justine à titre de secrétaire, en 1907 (elle a 20 ans), et, à ce titre, collaborera avec Justine pour négocier à Québec la charte de l’institution, le « bill privé » qui permettra aux administratrices d’exercer leurs pouvoirs sans la permission de leur mari et d’obtenir une subvention. Lors d’un voyage en Europe en 1907, qui marque son entrée dans le monde, on charge Thaïs d’une supplique spéciale pour le pape, afin d’obtenir sa protection pour l’institution. À la suite de son mariage avec Charles Frémont de Québec en 1910, suivi de ses responsabilités familiales (elle a quatre enfants entre 1912 et 1922), Thaïs se retrouve à l’écart de la scène féministe montréalaise. Cependant, les Canadiennes ont obtenu le droit de vote au fédéral en 1918. Aux yeux de Thaïs, la lutte pour le suffrage féminin doit avoir un corollaire nécessaire : l’engagement dans un parti politique, le Parti conservateur, qui a accordé le droit de vote aux femmes. Venue d’une famille conservatrice, épouse d’un partisan du Parti conservateur, Thaïs voit cette option comme naturelle. Lors des élections fédérales de 1925, elle se lance dans l’organisation d’assemblées politiques destinées aux femmes et elle y fait des discours pour inciter les femmes à exercer leur droit de vote. Ses discours sont reproduits dans les journaux. L’année suivante, elle met en place l’Association des femmes conservatrices, dont elle est l’animatrice et la présidente. Participant aux grandes rencontres nationales du Parti conservateur, elle prend part à la convention qui élit un nouveau chef pour ce parti. Elle est invitée aux assemblées des femmes conservatrices des autres provinces et cherche à rapprocher les deux communautés linguistiques. Rapidement, elle se taille une réputation de militante articulée qui s’exprime avec aisance dans les deux langues et maîtrise bien les dossiers de la politique. Elle est engagée dans les festivités du 60e anniversaire de la Confédération en 1927. Sa réputation de conférencière est enviable dans tout le Canada. Elle suit de près les péripéties de l’affaire « personne » en 1929. Aux élections de 1931, Thaïs fait preuve d’une énergie inépuisable au moment de la campagne électorale et elle a la satisfaction de voir son parti prendre le pouvoir. Toutefois, elle ne se repose pas sur ses lauriers : collaborant au journal du parti, Le Journal, elle y publie 25 articles. Aussi, Thaïs prend rapidement en charge l’organisation d’un « bureau de placement » pour les employées et les employés fédéraux à Québec et s’intéresse particulièrement aux femmes qui travaillent dans les édifices gouvernementaux, majoritairement des femmes de ménage, dont elle souhaite améliorer les conditions de travail. Elle devient ainsi responsable du patronage politique dans la ville de Québec, tentant d’exercer cette fonction avec justice, travaillant gratuitement et bouleversant ainsi les habitudes séculaires de la « petite politique ». Elle met également en place le Comité de secours pour les victimes de la crise économique. En 1933, Thaïs collabore à La Patrie et y publie, avec le temps, 150 articles. Elle exprime clairement ses idées et demeure fondamentalement féministe et conservatrice : à son avis, c’est à travers leurs responsabilités familiales que les femmes doivent exercer leur influence politique. C’est pour elle un enjeu démocratique. Après un bref intermède où elle a le malheur d’assister à la mort subite de son fils aîné à l’âge de 14 ans, Thaïs est nommée déléguée officielle …