Comptes rendus

Arlette Gautier, Genre et biopolitiques, l’enjeu de la liberté, Paris, L’Harmattan, 2012, 260 p.[Record]

  • Louise Langevin

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  • Louise Langevin
    Université Laval

Les Québécoises et les Canadiennes jouissent du droit à l’autonomie de reproduction, comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada depuis 1989 dans plusieurs arrêts. Bien que ce droit à l’autonomie de reproduction ne soit pas mentionné explicitement dans la Charte canadienne des droits et libertés, c’est par le droit à la vie privée de même que par le droit à la sécurité et à l’intégrité physique et psychologique que la plus haute instance a élaboré cette liberté fondamentale pour les femmes. Les Québécoises et les Canadiennes ont droit à des services de santé génésique à toutes les étapes de leur vie : planification des naissances, service d’avortement, aide à la procréation assistée, soins périnataux et à l’étape de la ménopause. Comme pour beaucoup de victoires féministes, ces services sont menacés par les compressions dans les soins de santé et leur privatisation, mais aussi par des élues et des élus conservateurs et des lobbies antichoix, qui subissent fortement l’influence des groupes religieux des États-Unis. Depuis 2006, on ne compte plus les projets de loi et autres motions du Parti conservateur fédéral visant à recriminaliser l’avortement au Canada, alors que la majorité de la population considère qu’il s’agit d’une décision tout à fait personnelle. La ministre fédérale de la Condition féminine s’est même prononcée contre l’avortement à l’automne 2012, contredisant ainsi non seulement le droit national, mais les engagements internationaux du Canada. On peut s’interroger sur les visées de ce courant conservateur qui cherche à contrôler les capacités reproductives des femmes au nom du respect du droit à la vie du foetus : est-ce pour retourner les femmes à la maison et ainsi réduire le coût des services sociaux, ou pour augmenter la population et s’assurer du travail de futurs contribuables (pour cotiser aux régimes de retraite) ou encore pour réduire l’immigration? Comme le précise Arlette Gautier, Genre et biopolitiques, L’enjeu de la liberté, « la liberté procréatrice ne serait pas seulement refusée parce qu’elle signifie l’autonomie féminine en général mais aussi parce qu’elle est perçue comme un danger pour les intérêts vitaux non seulement de la Nation mais surtout des groupes dominants » (p. 223). Les capacités de procréation des femmes et la maternité ont toujours fait l’objet de contrôle par l’État, les institutions religieuses, les maris, les pères et les frères, que ce soit pour augmenter ou réduire leur fécondité. Des féministes voyaient dans l’accès aux moyens de contraception une libération pour les femmes, qui leur permettrait de devenir « propriétaires » de leur corps. Près de 50 ans après l’arrivée de la pilule contraceptive, une grande proportion de femmes sur la planète n’ont toujours pas accès à des moyens de contraception. Pour celles qui jouissent de cet accès, la contraception n’a pas permis de régler d’autres inégalités vécues par les femmes : les écarts salariaux, la plus grande pauvreté, la violence ou la charge de la sphère privée. Dans son ouvrage, Gautier aborde le thème de la fécondité, de la procréation et de l’enjeu de la liberté pour les femmes. À partir d’un cadre théorique féministe, elle se penche sur les politiques de planification familiale, qui ont souvent occulté les femmes, même si ces dernières en sont les principales intéressées, et elle s’interroge sur leurs objectifs actuels : ces politiques servent-elles à la promotion du droit à l’autonomie de reproduction pour les femmes ou plutôt à d’autres objectifs qui ignorent totalement leurs besoins? L’auteure propose un changement paradigmatique : les droits reproductifs des femmes doivent être au coeur des politiques de population et de développement, plutôt que les seules préoccupations démographiques (natalistes ou antinatalistes) et …

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