Comptes rendus

Coline Cardi et Geneviève Pruvost, Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012, 442 p.[Record]

  • Kate Pronovost

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  • Kate Pronovost
    Université Laval

L’ouvrage Penser la violence des femmes, dirigé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost, est le fruit de 27 travaux présentés lors d’un colloque international, portant le même nom, à Paris en 2010. La violence des femmes est abordée sous divers angles : la pluridisciplinarité des études permet d’atteindre les objectifs de ce collectif qui sont d’exhumer, de dénaturaliser, de contextualiser, d’« historiciser » et de repolitiser la violence des femmes. Ces travaux tentent d’assigner un sens à la violence des femmes en définissant la notion de violence et en interrogeant la différence des sexes quant à ce phénomène. L’ouvrage se divise en quatre grandes parties qui explorent les violences politiques, le privé et le politique, le traitement institutionnel de la violence des femmes ainsi que la figuration et la défiguration des femmes violentes. La première partie aborde la politisation de la violence des femmes à des époques et dans des circonstances variées. Émeutières, insurgées, révolutionnaires, combattantes, policières, génocidaires, les femmes ont été des actrices sociales de violence publique. De la France du xvie siècle au Rwanda du xxe siècle, en passant par la Révolution française, la Commune et la lutte armée au Proche-Orient ou en Irlande, ces articles relatent des périodes troubles où les femmes sont intervenues sur la scène politique et ont participé activement aux violences. Les violences de femmes dans l’espace politique correspondent, pendant longtemps et aujourd’hui encore, à une double transgression dans des territoires considérés initialement comme masculins, c’est-à-dire la violence et la politique. Les femmes violentes dans les milieux publics remettraient donc en cause la distribution des rôles et des espaces qui organisent les sociétés. Au-delà de la violence politisée de ces femmes, la reconstruction de l’ordre social, politique et « genré » est également un élément abordé dans cette partie. Les textes de la deuxième partie de l’ouvrage explorent et comparent la violence des femmes dans les sphères privées et politiques. Si elle est dépolitisée dans le domaine public, la violence est souvent voilée, atténuée et même déniée dans le contexte privé. Ainsi, on aborde les situations de violence considérées comme inhabituelles chez les femmes. Femmes pédophiles, femmes violentes lesbiennes, femmes violentes maliennes, jeunes brésiliennes criminelles, voilà autant d’exemples de figures sociales impensables soulevés dans cette partie. Ces situations de violence sont alors vues comme une réappropriation, par les femmes, des valeurs sociales de domination : elles tenteraient, par leurs actes violents, de s’affirmer comme actrices détenant un pouvoir. Les travaux présentent également les actes violents des femmes comme un mode de survie. Par ce mécanisme de défense, il y a ainsi tentative de renversement d’un cumul de situations de domination. La troisième partie de l’ouvrage explore le traitement institutionnel de la violence des femmes. Les représentations de la violence des femmes dans un contexte institutionnel sont donc abordées. On interroge le traitement de la criminalité féminine par les systèmes pénaux. Une comparaison entre les genres pour la criminalité est alors faite : le constat est que les figures prises par les femmes délinquantes sont différentes de celles des hommes et que leurs délits sont appréhendés autrement par les acteurs juridiques. La criminalité féminine serait alors inférieure à la criminalité masculine. Cette infériorité serait occasionnée par la rareté de la pénalisation des femmes pour des faits violents sur des hommes. Une typologie des crimes typiquement féminins devrait être utilisée pour décrire de manière appropriée cette réalité. Bref, selon les textes de cette partie, il y aurait sous-représentation des femmes lors des processus pénaux. Cette sous-représentation est également observable dans les situations de conflits armés. La violence des femmes y est perçue comme …