Comptes rendus

Yvonne Knibiehler, Histoire des mères et de la maternité en Occident, Paris, Presses universitaires de France, Collection « Que sais-je? », 3e éd., 2012 [1re éd. : 2000], 127 p.[Record]

  • Dominique Tanguay

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  • Dominique Tanguay
    Université Laval

C’est un but ambitieux que s’est fixé Yvonne Knibiehler lors de la rédaction de ce court ouvrage, soit de dégager les grandes lignes de l’histoire de la maternité dans les pays occidentaux, à travers les réalités et les représentations des mères. Cette synthèse, qui est réalisée dans une perspective à la fois historique, sociale et politique, a le grand mérite de considérer la maternité comme un objet de recherche à part entière, au contraire de certains travaux menés en sciences sociales, notamment en démographie et en sociologie de la famille, qui posent sur la maternité un regard obligé mais partiel, voire peu intéressé. À travers son analyse, Knibiehler démontre que la maternité n’est pas un phénomène banal, mais qu’elle se situe au coeur des rapports de pouvoir, que ce soit par exemple pour le contrôle de la population exercé par les élites dirigeantes ou plus généralement pour le contrôle de la sexualité des femmes par les hommes, et qu’elle mérite donc que la recherche s’y intéresse davantage. De plus, loin de résumer sa conception de la maternité à la grossesse et à l’accouchement, Knibiehler insiste sur l’exigeant travail d’éducation des enfants, lequel sollicite de façon durable à la fois le corps et l’esprit des mères. Ce court ouvrage de seulement 127 pages se divise en quatre périodes historiques, de façon à démontrer la manière dont le contexte politique, social et économique façonne la conception de la maternité, le travail qui y est lié et la vie des femmes, en tant que mères ou futures mères, et ainsi réfuter l’idée que la maternité ne soit qu’un acte biologique, immuable et intemporel. La première partie de l’ouvrage traite de l’Antiquité, point d’origine des civilisations occidentales. Trois héritages y sont présentés : hellénique, latin et judéo-chrétien. Du désir des Grecs de mieux comprendre la reproduction ont découlé les premières découvertes médicales, notamment celles de l’utérus, des ovaires et des trompes de Fallope, ce qui a donné lieu aux premières interprétations des différences entre les hommes et les femmes. Ces dernières, des « hommes à l’envers », sont qualifiées de froides et humides, gouvernées par une matrice située dans le ventre, loin du centre de la raison, autant de caractéristiques qui témoignent de leur infériorité. Quant à la mythologie grecque, elle recèle des références à la maternité, liées à la procréation, à l’accouchement et aux relations parentales, offrant tant des modèles à suivre ou à éviter que des réponses pour combler les lacunes du savoir. L’héritage des Romains s’est construit sur les bases élaborées par les Grecs. Premièrement, le droit romain marque la famille comme organisation patriarcale : il vise à confirmer la paternité. Les lois et la jurisprudence qui le composent accordent aux pères l’autorité sur sa famille, le droit d’accepter ou non l’enfant ainsi que d’adopter, mais aussi le devoir de produire de bons citoyens. Le droit désigne la mère comme l’épouse du père, dont la fonction est de produire des enfants. Celles qui portent plusieurs enfants pour repeupler les légions sont glorifiées, et elles assument avec fierté la perte d’un fils mort au combat. Deuxièmement, les Romains ont laissé en héritage des pratiques d’hygiène liées à la grossesse et aux soins des enfants en vue de favoriser la santé maternelle et infantile. Soranos d’Éphèse, médecin grec considéré comme le père de l’obstétrique, a compilé ces pratiques et les a réunies dans un volume destiné aux sages-femmes, de façon à parfaire leur savoir. Ses conseils, touchant autant la contraception, la procréation et la grossesse que les soins aux nourrissons, ont été suivis pendant des siècles. L’héritage judéo-chrétien, quant à lui, marque une …

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