Comptes rendus

Mercédès Baillargeon et collectif Les Déferlantes (dir.), Remous, ressacs et dérivations autour de la troisième vague féministe, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2011, 228 p.[Record]

  • Sheena Gourlay

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  • Sheena Gourlay
    Université d’Ottawa

Comme le titre de l’ouvrage sous la direction de Mercédès Baillargeon et du collectif Les Déferlantes l’indique, Remous, ressacs et dérivations autour de la troisième vague féministe a pour projet de circonscrire un mouvement politique qui est, précisément, toujours en mouvement. Découlant d’un cours universitaire donné en 2007 et du colloque Féminisme(s) en mouvement tenu en 2008, la publication ne se présente pas comme un sommaire des événements qui ont précédé, mais en tant que prolongement d’un dialogue sur le féminisme actuel et sa façon de s’autodéfinir à travers les textes et les gestes politiques qui donnent forme à ce mouvement. C’est avec cette question en tête, à savoir « Quelle forme prend le féminisme actuel? », que j’ai entrepris de lire les textes présentés. Alors, qu’est-ce que le « féminisme de la troisième vague »? La publication répond à cette question de plusieurs façons. D’abord, dans l’introduction, Baillargeon offre une courte histoire du terme. Selon elle, la « troisième vague » est d’origine américaine, cette expression ayant été employée pour la première fois dans la revue Ms., en 1992. Elle constate que l’expression est apparue et s’est vite répandue aux États-Unis, mais elle ne fera son apparition au Québec qu’à partir de l’année 2005, avec la publication suivante : Dialogues sur la troisième vague féministe (Mensah 2005). Ainsi, la présente publication fait partie d’un dialogue amorcé tout récemment en territoire québécois. La discussion se poursuit dans d’autres textes. Par exemple, à travers une lecture du célèbre texte « Manifeste cyborg » de Donna Haraway, Grino présente le féminisme de la troisième vague comme exemplaire de l’ère postmoderne, là où les grands récits ont perdu leur pouvoir d’offrir une explication totalisante de la réalité et une identité stable sur laquelle une politique « correcte » peut être fondée. Selon l’auteure, le féminisme actuel, comme le cyborg, est hybride et en mouvement. Les identités et les modes de résistance sont traversés par les rapports de pouvoir dans lesquels ils se forment. Pour leur part, Leduc et Riot parlent du rapport entre le mouvement féministe et le mouvement fondé sur la diversité sexuelle (queer). Selon elles, les deux se rejoignent sur la nécessité de s’opposer à toute forme d’exclusion, et non pas simplement à celle qui est fondée sur le genre. En plus, elles argumentent que les formes de lutte doivent s’élargir afin d’inclure le « style de vie » comme mode de résistance quotidien. Ainsi, elles luttent contre le « genrisme » autant que contre le sexisme et l’hétérosexisme. Les points de repère entre ces deux textes sont la question de l’identité, celle de l’individu et celle du mouvement féministe, et le rapport de la troisième vague à la génération précédente. Ces points sont repris dans d’autres textes et tracent deux grandes lignes du féminisme actuel. De plus, cet ouvrage propose une définition du féminisme de la troisième vague à travers les sujets abordés. Ici, l’hétérogénéité règne. Les textes touchent des sujets aussi divers que le réseau Internet, le savoir et le mouvement d’entraide (self-help) féministe (Courcy et Manseau-Young); une analyse d’une action militante contre la recriminalisation de l’avortement (Depelteau et Mayer); et une entrevue avec un transsexuel (Baril et Tremblay). Cependant, au fil de cette diversité, reviennent certains arguments et positions politiques, évidents aussi dans les deux textes discutés ci-dessus. Ce sont, en bref, l’impossibilité de fonder le mouvement sur une catégorie unifiée de « femmes », l’« intersectionnalité » ou l’enchevêtrement des systèmes d’oppression, la problématisation ou la non-binarité des identités sexuées et sexuelles, et la revendication d’un féminisme « sexe positif ». …

Appendices