Comptes rendus

Will C. van den Hoonaard, Map Worlds : A History of Women in Cartography, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2013, 377 p.[Record]

  • Caroline Desbiens

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  • Caroline Desbiens
    Université Laval

Écrit dans un langage clair et accessible, Map Worlds : A History of Women in Cartography se veut un ouvrage à la fois de synthèse, d’exploration et d’analyse qualitative sur un sujet malheureusement trop peu documenté : la place des femmes dans l’univers des cartes et de la cartographie. Novateur, regorgeant d’informations et traversant les époques depuis le xviie siècle jusqu’à aujourd’hui, ce livre est d’autant plus singulier qu’il est écrit par un homme, celui-ci abordant le sujet avec une curiosité et une rigueur peu communes. Même si l’étude est résolument interdisciplinaire, l’approche sociologique permet d’établir des liens entre les divers domaines de connaissance qui sont mobilisés ici. De façon très judicieuse, l’auteur adopte un concept structurant dans toute son analyse – map worlds – qu’il décrit dans les termes suivants : « The concept of map worlds embraces the totality of relationships, norms, practices, and technologies that shape and constitute the world of map-makers » (p. 7). Le fait d’aller au-delà des aspects techniques et professionnels pour concevoir plutôt la cartographie comme un univers social permet à l’auteur de documenter l’importante contribution des femmes à cette forme de mise en représentation du monde : « All kinds of relations, practices, and ideas occur on the borderline of the map world involving powerful forms of knowledge, struggle, and tensions, invoking change and interchange » (p. 7). Ainsi, dès le premier chapitre, l’auteur campe l’idée que l’absence de données sur la contribution des femmes à la production des connaissances cartographiques est le fruit non pas de leur manque d’engagement dans cette sphère, mais bien des rapports genrés qui ont occulté leur rôle. Intitulé « Who is a Cartographer? », le chapitre 2 cadre l’approche sociologique par une question dont la pertinence et la complexité seront explorées dans la suite du livre. Des lectrices et des lecteurs argueront que l’horizon temporel est trop vaste pour permettre une analyse réellement approfondie de la place des femmes en cartographie. Il faut toutefois noter que, puisque les sources sont lacunaires, les données sur les femmes dans le domaine – qu’elles soient historiques, biographiques ou scientifiques – constituent un échantillonnage qui demeure restreint à l’heure actuelle. Totalisant au plus une soixantaine de pages, les chapitres 3 à 5 traversent pourtant près de 700 ans. Malgré des raccourcis évidents, les thèmes abordés sont évocateurs : l’auteur fait ressortir l’importance du travail des religieuses qui, en vertu de leur vocation théologique plutôt que domestique, pouvaient se consacrer à différents domaines du savoir, dont la cartographie. D’autres femmes agiront comme techniciennes et coloristes et leur rôle dans l’établissement d’alliances entre différentes maisons de cartographie par l’entremise du mariage donne un autre exemple, bien avant l’heure, des stratégies qu’elles ont employées pour se réaliser professionnellement. En présentant force détails biographiques, l’auteur constitue des vignettes par lesquelles ces femmes de statuts divers émergent de l’anonymat que leur réserve en général l’historiographie : parmi elles, Kirstine Colban, Elizabeth Simcoe ou encore Shanawdithit – qui a connu un destin tragique en tant que dernière représentante du peuple Beothuk aujourd’hui disparu – sont autant de personnalités clés dont le travail cartographique est mis en valeur. De ces chapitres ressort l’idée que les femmes liées à ces « mondes cartographiques » l’ont été tantôt par l’intermédiaire de vocations spirituelles et éducatives, tantôt par leurs liens familiaux et affectifs. Pour plusieurs d’entre elles, les limites imposées par le patriarcat leur ont tout de même permis de développer un langage cartographique dont la richesse tient grandement au fait qu’il se projette hors des cadres habituels. Plus étoffés en raison du fait que les sources sont davantage …