Comptes rendus

Stéphanie Kunert, Publicité, genre et stéréotypes, Fontenay-le-Comte, Éditions Lussaud, 2013, 176 p.[Record]

  • Karine Bellerive

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  • Karine Bellerive
    Université de Sherbrooke

L’intérêt scientifique marqué pour cet objet « trivial » qu’est la publicité correspond sans aucun doute à son omniprésence dans nos sociétés occidentales : les discours marchands infiltrent la plupart de nos activités quotidiennes, du travail aux loisirs, de l’école à la maison. Depuis que la revue Communication a publié la fameuse « Rhétorique de l’image » de Roland Barthes il y a tout juste 50 ans, article phare maintes et maintes fois cité, les recherches se sont multipliées dans le champ des études en communication, tant en France et au Québec que dans le milieu anglo-saxon. Karine Berthelot-Guiet, qui signe la préface de Publicité, genre et stéréotypes, souligne toutefois que, au sein de ce déferlement d’études, l’approche de Stéphanie Kunert se distingue de toutes celles, nombreuses, dont le point de vue est d’emblée critique par rapport à la publicité. L’auteure parvient en effet à présenter une analyse qui se veut neutre, son objectif n’étant pas de condamner, non plus que de célébrer, cette « technologie du genre hyperbolique » participant à la construction des normes de genre et de sexualité contemporaines à travers un phénomène de normalisation et de normativité. Kunert précise d’ailleurs qu’elle appréhende ces normes de genre et de sexualité comme des standards implicites et qu’elle s’éloigne ainsi de la conception foucaldienne de la norme comme instrument de contrôle et de coercition à l’oeuvre dans les « dispositifs disciplinaires » que sont l’école et la prison, par exemple. L’originalité et l’intérêt de l’ouvrage tiennent dans l’attention accordée par l’auteure à la nature même de la publicité, conçue comme un discours « stéréotypique mass-médiatisé », essentiellement déterminé par ses impératifs économiques et, de ce fait, régulièrement évalué, jugé et dénoncé. Aussi, à travers l’étude des représentations des « minorités sexuelles et de genre », mettant en lumière les transformations de ces représentations sociales, Kunert propose une réflexion théorique porteuse sur le concept de stéréotype. L’auteure, qui le définit comme un « ensemble réduit de caractéristiques attribuées de façon récurrente, répétitive, à une catégorie construite » (p. 32), reconnaît qu’il uniformise et qu’il nie les singularités, mais elle remet en question son caractère figé : « s’il est souvent dénoncé en tant que représentation figée, le stéréotype fait l’objet de détournements critiques et de re-significations qui opèrent une forme de défigement » (p. 32). Cette importante remise en question tient au fait que Kunert croise deux questions qui, d’ordinaire, sont posées séparément : d’une part, elle s’intéresse aux représentations des minorités sexuelles et de genre dans la publicité (sémiotique de l’image); d’autre part, elle examine les propos des groupes de défense des droits des minorités sexuelles et de genre sur la publicité (analyse du discours). Ainsi, en exposant la « circulation discursive » des messages publicitaires, Kunert montre l’intrication des discours marchands (discours sur une personne ou un objet, discours d’assignation) et militants (discours sur soi, discours d’autonomination). Divisé en six courts chapitres, l’ouvrage présente d’abord le contexte qui sous-tend la recherche de Kunert. En introduction, l’auteure souligne la prolifération des représentations des minorités sexuelles et de genre dans les médias européens et américains au cours des années 1990 et 2000, lesquelles sont construites à travers la « gay vague » et le « gay marketing ». Elle note que ce phénomène entraîne le développement d’un discours critique émanant des groupes militant contre le sexisme et l’homophobie, discours « visant à déconstruire voire détourner ces représentations, dénoncées comme normatives et relevant d’un discours d’assignation, dans un contexte d’intensification des mouvements dits “ antipub ” » (p. 17). Le premier chapitre mobilise la réflexion de Teresa De Laurentis et …

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