Comptes rendus

Fanny Bugnon, Les « amazones de la terreur ». Sur la violence politique des femmes de la Fraction armée rouge à Action directe, Paris, Payot et Rivages, 2015, 234 p.[Record]

  • Léa Clermont-Dion

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  • Léa Clermont-Dion
    Université Laval

Fanny Bugnon, docteure en histoire qui enseigne à l’Université Rennes 2, propose un ouvrage s’intéressant à une période déterminante pour le recours à la violence politique et révolutionnaire, soit les années 1979 à 1987. Originellement tirée de sa thèse dirigée par Christine Bard, son analyse se penche sur l’engagement de ces « amazones de la terreur » au sein d’organisations de lutte armée et analyse la couverture dont elles ont fait l’objet dans les médias. À travers une analyse du discours médiatique, l’auteure s’interroge sur la réception du recours à la violence politique de ces militantes. Sous l’angle du genre, elle constate la manière dont cette mobilisation s’inscrit en porte-à-faux avec l’ordre masculin dominant. La participation des « femmes terroristes » dans les organisations de lutte armée aurait été associée à une certaine forme de désordre et d’anormalité. Dans cet ouvrage, la fabrication de la catégorie des « femmes terroristes » est lue en fonction du prisme de l’analyse féministe (p. 19). L’historienne étudie donc l’engagement des femmes dans les organisations de lutte armée en s’intéressant à la stigmatisation dont elles ont été l’objet dans les médias. L’historienne s’efforce ainsi de comprendre les « logiques événementielles et les distorsions chronologiques » afin de déterminer les imaginaires sociaux (p. 20). Bugnon base sa réflexion sur des articles écrits dans la presse française durant les années de plomb, période désignant le début des années 70 jusqu’à la fin des années 80. Elle examine, à travers le recours aux archives, les trajectoires de militantes et de militants post-68. Le livre est divisé en six chapitres. Le premier concerne plus précisément la « féminisation du terrorisme », notamment à travers la question de la visibilité des femmes. L’auteure démontre ainsi la présence des femmes au sein des regroupements révolutionnaires violents. Dans cette section du livre, elle approfondit, d’autre part, l’engagement des militantes de la Fraction armée rouge et de l’Action directe. Le deuxième chapitre, intitulé « Des révolutionnaires comme les autres? », se penche en particulier sur la féminisation des précédents de la violence légale en s’intéressant aux cas des différentes figures de femmes combatives. L’auteure cherche alors à comprendre les hésitations à reconnaître la capacité des femmes à faire usage de la violence (p. 20). Dans le troisième chapitre, Bugnon explore à fond la question de la relativisation des sentiments en rapport avec le statut d’amoureuse associé, souvent, à une certaine forme de vulnérabilité et à d’autres stéréotypes sexués. Dans le quatrième chapitre, l’historienne analyse l’idée préconçue selon laquelle les militantes qui ont recours à la violence politique incarneraient des figures plus dangereuses, ce qui renforcerait la dramatisation de leurs responsabilités. Le cinquième chapitre est consacré aux figures mythiques et mythologiques qui ont été associées à la violence politique des femmes. Dans le sixième et dernier chapitre, l’auteure remet en question l’idée d’un prétendu désordre social engendré par l’engagement des actrices de la violence révolutionnaire. Si nous reprenons depuis le début, nous observons des tendances dignes d’intérêt dans chacun des chapitres. Ainsi, dans le premier chapitre, qui s’intéresse à la « féminisation du terrorisme », l’auteure constate que les médias ont joué un rôle déterminant dans la perpétuation des stéréotypes sexuels à l’égard des « femmes terroristes ». Ils ont contribué à relativiser et à décrédibiliser l’engagement des femmes au sein des mouvements révolutionnaires. Les journaux ont d’abord affirmé que la présence féminine dans les groupes gauchistes s’expliquait par l’habitude des militants à amener leur conjointe à leurs activités. Les militantes de l’Action directe, de plus en plus visibles au milieu d’espaces traditionnellement masculins, ont renversé cette interprétation (p. 24). Leur présence à …