Comptes rendus

Anne-Marie Gingras (dir.), Genre et politique dans la presse en France et au Canada, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2014, 216 p.[Record]

  • Estelle Lebel

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  • Estelle Lebel
    Université Laval

Cet ouvrage sous la direction de la politologue Anne-Marie Gingras porte sur la médiatisation des femmes politiques : plus particulièrement, il examine la manière dont les marqueurs identitaires, c’est-à-dire l’âge, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et la classe sociale, jouent, conjointement avec le genre, sur leurs succès électoraux. Il comprend huit textes d’une vingtaine de pages construits selon les normes scientifiques dont des listes de références qui ne sont pas redondantes d’un texte à l’autre, ce qui montre bien l’intérêt suscité par cette problématique dans les disciplines concernées; cependant, nous ne pouvons pas savoir si cet intérêt est partagé entre chercheurs et chercheuses, car seule l’initiale du prénom est donnée. Cinq études traitent de médias et de parcours français, tandis que les autres portent sur des médias canadiens ou québécois. Dans son texte de présentation, Gingras note les limites de l’approche comparative entre la France et le Québec, notamment à cause des trop grandes disparités dans le processus même de médiatisation de la vie politique, dont la starisation des hommes et des femmes politiques dans les magazines populaires (tel Paris Match), la mise en valeur de l’identité genrée par les femmes politiques françaises elles-mêmes, et les différences entre les régimes politiques, dont la fonction de président ou de présidente de la République qui comporterait une « dimension plus sacralisée et une charge symbolique plus forte » que celle qui est associée au poste de premier ou de première ministre (a fortiori d’une province canadienne). Le premier texte, signé par Frédérique Matonti et Sandrine Lévêque, est le résultat de l’observation du travail des journalistes et des spécialistes en communication lors des campagnes électorales françaises de 2007 et de 2012. Selon l’approche élaborée par Goffman (1977) pour l’analyse de publicités, des représentations genrées ont été prélevées au hasard dans des magazines : les stéréotypes s’y révèlent récurrents. Les auteures notent justement que, « parce que ces récits sont répétés et répétitifs, le genre ne constitue plus seulement une manière de signifier les rapports de pouvoir, il devient, de manière performative, une façon de les faire » (p. 6). Elles constatent aussi que l’« impensé viriliste » (p. 17) de l’institution présidentielle française révélé par les modèles de masculinité déployés sont tels que la représentation d’une femme présidente apparaît un oxymore. Le texte suivant, d’Isabelle Garcin-Marrou, cherche à comprendre la façon dont les représentations médiatiques de quatre ministres de la Justice françaises participent de l’établissement d’une normativité politique genrée : il fait l’hypothèse que, si les compétences des ministres sont affirmées par les discours, dans le concret des relations sociales, la domination se réinscrit dans la convocation des critères de genre, de race et de classe, et que « l’ordre du genre est au coeur de la consubstantialité des rapports sociaux, parfois modulé par la classe et la race; mais il ne s’efface jamais » (p. 47). Dans le troisième texte, Anne-Marie Gingras examine comment ont été instrumentalisés les marqueurs identitaires (genre, âge, classe sociale et orientation sexuelle) des deux principales personnes ayant présenté leur candidature en 2005 pour diriger le Québec, soit Pauline Marois et André Boisclair. Elle montre que, pour Marois, le genre a été lié à la classe sociale et, pour Boisclair, l’orientation sexuelle à la consommation de cocaïne, mais que l’âge – l’« attrait de la jeunesse » (p. 75) – a eu raison de l’expérience de Marois. Il est difficile de suivre Gingras qui, contrairement au texte précédent, banalise ici le genre et voit à l’horizon une tendance voulant que « les cadres genrés et les autres marqueurs identitaires vont dorénavant s’appliquer à l’ensemble du personnel politique, …

Appendices