Comptes rendus

Laurie Laufer et Florence Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre?, Paris, Éditions Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2014, 313 p.[Record]

  • Dominique Tanguay

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  • Dominique Tanguay
    Université Laval

L’ouvrage sous la direction de Laurie Laufer et Florence Rochefort veut répondre à une question formulée simplement, mais à laquelle les réponses simples seraient nécessairement réductrices : qu’est-ce que le genre? La question s’est imposée dans le contexte social et politique français de 2013, où la « théorie du genre » faisait l’objet de vives critiques menées principalement par la droite politique et religieuse. Cet ouvrage est une initiative de l’Institut Émilie du Châtelet et il a pour objet d’expliquer, à travers diverses questions, ce qu’est le genre, comment il peut être utilisé pour analyser et combattre les rapports de domination entre les hommes et les femmes et ainsi déconstruire des idées reçues qui étaient à ce moment-là largement diffusées dans la population française. Laurie Laufer et Florence Rochefort, ainsi que quinze de leurs collègues, ont travaillé ensemble pour produire les treize chapitres qui composent cet ouvrage. La richesse de ce dernier tient principalement à la diversité des appartenances disciplinaires et à la qualité des travaux déjà produits, ce qui permet d’aborder une variété de questions en englobant l’ensemble des éléments essentiels, tout en présentant les propos clairement et simplement. Plusieurs de ces chapitres constituent d’excellents textes introductifs pour les personnes non initiées, ou des aide-mémoire pour celles qui sont déjà familiarisées avec le thème abordé. Les questions montrent la pertinence et l’applicabilité du genre au-delà des frontières disciplinaires. Le premier chapitre, intitulé « Ce que le genre doit à la grammaire », par Yannick Chevalier et Christine Planté, s’intéresse à la relation entre le genre et la langue. L’article trace l’histoire de l’emploi du mot « genre », en présentant ses sens et ses usages en anglais et en français. L’appropriation de ce concept depuis les années 70 par les féministes et les réserves exprimées à son égard sont aussi exposées. Cet historique permet de mettre en lumière, en seconde moitié de chapitre, la manière dont la langue agit pour reproduire des rapports sociaux inégalitaires, contribuant à hiérarchiser certaines caractéristiques ou à faire du masculin un dominant universel, réduisant le féminin au spécifique. Le deuxième chapitre, par Marie-Élisabeth Handman, porte sur « L’anthropologie sociale du genre ». Après une introduction sur la notion d’androcentrisme, découlant des travaux de Nicole-Claude Mathieu et de Gayle Rubin, l’auteure s’intéresse à la relation entre sexe et genre dans divers contextes. Elle aborde inévitablement la question des personnes transgenres, celles qui vivent le plus finement les subtilités et les limites de la relation entre sexe et genre. Le troisième chapitre, rédigé par Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, s’intitule « Le sexe par défaut ». Les auteures y expliquent, de façon claire et très concise, l’histoire des représentations des différences entre les sexes depuis l’Antiquité, en montrant comment la notion de « nature », introduite au xviiie siècle, a été utilisée pour établir l’« infériorité » des femmes à partir de caractéristiques biologiques, particulièrement les os. Elles abordent également les faits nouveaux plus récents liés à la génétique, qui permettent de comprendre que la différence entre les hommes et les femmes ne se limite pas à deux chromosomes, et que les représentations sexistes se reproduisent dans les discours scientifiques qui présentent toujours le corps des femmes comme un corps d’homme imparfait ou inachevé. Un tel texte devrait faire partie des lectures obligatoires de tout cours d’introduction aux études féministes. Le quatrième chapitre, « La soi-disant “ théorie du genre ” à l’épreuve des neurosciences », constitue un excellent complément du chapitre précédent. Catherine Vidal, neurobiologiste, y explique la manière dont le cerveau se développe au cours de la vie. Son exposé déconstruit les idées …