Entrevues

Des alliances multiformes : entrevues avec des militantes de Femmes Autochtones du Québec[Record]

  • Marie Léger

Depuis longtemps, les femmes autochtones s’attaquent aux injustices et à la discrimination. L’association Femmes Autochtones du Québec (FAQ) est née il y a plus de 40 ans et, tout au long de son histoire, elle a tissé des alliances avec le mouvement des femmes. Voici, sous forme d’entrevues, un regard sur ce passé, par quatre militantes qui ont été aux premières loges de l’histoire de la lutte des femmes autochtones pour leur pleine reconnaissance comme femmes et comme Autochtones : Michèle Rouleau, France Robertson, Ellen Gabriel et Viviane Michel. Les relations avec les leaders autochtones masculins et avec le mouvement des femmes ont connu plusieurs étapes, tensions et alliances. Michèle Rouleau, ancienne présidente de FAQ, relate la décennie de 1982 à 1992, étape charnière pour les Autochtones, puisque c’est l’époque des discussions constitutionnelles au Canada où l’inclusion des droits de leurs peuples sont à l’ordre du jour, mais aussi pour les femmes autochtones, puisque c’est en 1985 que commence à s’effriter la discrimination juridique dont elles faisaient et font encore l’objet. Ces entrevues, de longueur inégale, se sont déroulées de septembre 2015 à janvier 2017. Alors que l’entrevue avec Michèle Rouleau avait pour objet d’éclairer une période charnière depuis le point de vue d’une Autochtone, la question des alliances avec le mouvement des femmes est ressorti et, de là, l’intérêt pour le processus de construction du protocole de solidarité. France Robertson, pour sa part, rend compte de ce moment important. Les deux autres entrevues, menées avec Ellen Gabriel et Viviane Michel, constituent une brève mise à jour quant à la question des alliances. Il s’agit donc d’un regard sur différents aspects de la lutte et des alliances qu’ont tissées les femmes autochtones au cours des 30 dernières années, vues par celles qui en ont été les artisanes. Femmes Autochtones du Québec (FAQ) naît en 1974, à la même époque où se créent toutes les associations de femmes autochtones dans les autres provinces canadiennes. C’est à ce moment-là que la Native Women Association of Canada (NWAC) se forme. Dans tous les cas, la revendication principale est de mettre fin à la discrimination que vivent les femmes quant à la transmission du « statut indien ». Le mouvement des femmes Mi’gmaq de Tobique, dont faisait partie Sandra Lovelace, était parmi les premiers. Les femmes avaient occupé les bureaux de leur conseil de bande à cause de la perte de statut de plusieurs membres de leur communauté. Il y a aussi eu le recours aux tribunaux de Jeannette Corbiere Lavell. Les associations de femmes autochtones se sont créées dans la même foulée. Toutes ces femmes subissaient de la discrimination de par leur mariage avec un non-Autochtone. La lutte se faisait alors contre l’alinéa 12 (1) (b) de la Loi sur les Indiens. FAQ est née dans ce contexte. Monique Sioui en a été la première présidente, mais plusieurs femmes se sont ensuite succédé pour de courts mandats à la tête d’une organisation encore peu structurée et sans financement. Il n’était pas question de droits individuels et de droits collectifs à cette époque, mais seulement de lutte contre la discrimination envers les femmes contenue dans la Loi sur les Indiens. La plainte de Jeannette Corbiere Lavell a été déposée peu après la publication du livre blanc de 1969 présenté par Jean Chrétien, alors ministre des Affaires autochtones sous le gouvernement Trudeau. Ce livre blanc visait l’abolition de la Loi sur les Indiens. Cela avait créé un mouvement pancanadien de contestation de la part des chefs autochtones. En effet, la proposition gouvernementale étant de se concentrer sur les droits des individus, les Autochtones auraient …

Appendices