Comptes rendus

Márgara Millán (dir.), Más allá del feminismo : caminos para andar, Mexico, D. F., Red de feminismos descoloniales, 2014, 328 p.[Record]

  • Marie-Dominique Langlois

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  • Marie-Dominique Langlois
    Université du Québec à Montréal

L’ouvrage intitulé Más allá del feminismo : caminos para andar (« Au-delà du féminisme : des chemins pour marcher »), édité par le Réseau de féminismes décoloniaux, présente 14 textes déclinant différentes façons de penser le féminisme selon une perspective décoloniale et décolonisante à partir du Mexique, où le féminisme a été généralement compris comme émanant des Métisses de classe moyenne et, de surcroît, souvent perçu par les Autochtones comme une imposition occidentale plutôt qu’un projet émancipateur. Cette tension entre le féminisme hégémonique et les luttes de décolonisation est très présente tout au long des pages. Les textes posent un regard critique sur cette relation, tout en proposant des pistes de réflexion pour construire des ponts entre ces pensées. D’emblée, le Réseau se positionne dans une perspective de transformation sociale et dans un « horizon civilisateur non capitaliste » (p. 9). Ses analyses prennent leur source dans les secteurs populaires, autochtones, paysans et du milieu carcéral. Il s’en dégage, d’une part, une variété dans les sujets abordés et les démarches méthodologiques adoptées et, d’autre part, une valorisation de la diversité des savoirs. Ces analyses se rejoignent dans leur critique de la modernité et leur approche épistémologique prenant appui sur les cosmovisions mésoaméricaines et les luttes populaires rurales ou urbaines, où le féminin est considéré dans sa pluralité « par le bas et à gauche ». Le recueil se termine par une présentation du Réseau et de ses approches théoriques. L’ouvrage s’inspire du groupe modernité/colonialité et de son approche de la colonialité, qui propose une lecture de la modernité à partir d’une vision non eurocentrique mais latino-américaine et depuis les expériences des groupes colonisés, tels la répression et l’esclavage des autochtones et des populations afro-descendantes. La colonialité est comprise sous trois angles : le pouvoir, le savoir et l’être. Elle est reproduite et intégrée individuellement et collectivement de façon qu’aujourd’hui ‒ bien que les pays soient indépendants ‒ les comportements coloniaux persistent : le racisme et les stigmas entourant la race sont toujours profondément présents dans les sociétés des Amériques – tant chez les communautés métisses que chez les communautés autochtones ‒ et s’avèrent un clair héritage de la période coloniale. Comme le souligne Sylvia Marcos, la colonialité passe aussi par la « suppression épistémique [soit la production des connaissances] et politique d’autres formes d’appréhender le monde » (p. 21) telles les cosmovisions autochtones. La pensée décoloniale, pour sa part, renvoie à la pluralité des êtres, des savoirs et des pouvoirs et elle appelle à la mise en valeur des connaissances des peuples autochtones et à leur pouvoir d’action politique. Le Réseau s’inscrit dans cette pensée, mais il amène l’approche décoloniale à dépasser la question raciale pour l’appliquer aux enjeux du genre et aux rapports de domination vécus par les femmes autochtones depuis la période coloniale. Márgara Millán définit l’acte de décoloniser comme un « processus vivant […], une réflexion continue qui émerge de la pratique et qui provient de temporalités profondes qui constituent les sujets et qui ne sont pas évidentes pour la pensée critique féministe » (p. 11). En présentant des « ontologies de la diversité » qui proposent des conceptions des êtres radicalement différentes, Mariana Favela désigne comme points communs la parité, la dualité, la complémentarité et la simultanéité pour aborder l’être humain et, plus largement, ses relations avec le monde. L’auteure suggère que ces ontologies ouvrent la voie à une décolonisation épistémique. Dans un même ordre d’idées, Márgara Millán réfléchit à la façon dont les féminismes critiques, compris comme processus déconstructifs et décoloniaux, permettent de repenser la modernité et le capital à travers l’autogestion et une conception …

Appendices