Comptes rendus

Rina Nissim, Une sorcière des temps modernes : le self-help et le mouvement femmes et santé, Genève, Éditions Mamamélis, 2014, 196 p.[Record]

  • Andrée Rivard

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  • Andrée Rivard
    Université du Québec à Trois-Rivières

L’archétype féministe de la sorcière, identité que la Suisse Rina Nissim revendique fièrement, sied bien à son expertise en naturopathie gynécologique, à son engagement concernant les droits reproductifs des femmes et à sa révolte contre un contrôle médical – qui a relayé celui de la religion – sur leur vie. Son récit, où se chevauchent parcours intime et professionnel, nous amène à la rencontre d’une militante profondément engagée et nous fait découvrir (ou mieux connaître) des aspects de l’histoire du mouvement pour la santé des femmes au travers de l’expérience vécue par l’une de ses actrices s’étant illustrée sur un terrain qui s’étend bien au-delà des frontières de son pays. L’auteure raconte cette histoire dans sept chapitres suivant une trame essentiellement chronologique. On découvre au premier chapitre Rina Nissim au fil des événements déterminants de son histoire personnelle : sa naissance à Jérusalem dans une famille juive orientale peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale puis son émigration en Suisse à 5 ans, les inégalités de traitement et de pouvoir entre les sexes dans sa famille, son état maladif quasi permanent (« il est plus facile pour une femme de tomber malade que de se révolter » (p. 15)) et son mal-être général qui aboutira à une tentative de suicide à 14 ans… sans que qui que ce soit s’en aperçoive. Son interruption volontaire de grossesse à 17 ans dans une clinique médicale privée a été un point tournant (p. 17) : À l’époque, l’avortement est toléré à Genève, même s’il n’est pas légal en Suisse. Se sentant interpellée par la cause, Nissim se joint au groupe avortement du MLF pour soutenir les Genevoises et les femmes d’autres pays qui viennent y obtenir des services. En 1973, la visite des représentantes des Feminist Women’s Health Centers de la Californie, Carole Downer et Debi Law, aura un effet décisif sur son avenir. Spéculum et miroir en main, Downer et Law font une démonstration d’autoexamen du col de l’utérus devant un public de 400 femmes. Cette séance est un éveil pour plusieurs, dont Nissim (p. 21) : Inspirées, les militantes suisses mettent sur pied un premier groupe de self-help qui organise des ateliers de partage par la parole et la pratique collective de l’autoexamen et publient des brochures sur le sujet ainsi que sur l’avortement. Comme d’autres actions féministes en matière de santé menées outre-frontières (par exemple en Allemagne ou aux États-Unis, où le Boston Women’s Health Book Collective vient de publier son ouvrage Our Bodies Ourselves), celles des Suisses sont couronnées de succès. Passionnée par ses découvertes, Nissim profite des vacances durant ses études d’infirmière pour aller à la rencontre d’autres groupes d’autoassistance, d’abord en Allemagne puis aux États-Unis. Des États-Unis, Nissim revient pleine d’idées nouvelles pour permettre l’avortement dans son pays. C’est sur ce sujet, mais plus largement sur la contraception, que porte le deuxième chapitre de son ouvrage. Elle y raconte l’histoire de l’accès à l’avortement à partir d’événements connus et de son expérience personnelle à titre de militante du MLF. Elle fait état de la situation dans plusieurs pays d’Europe, mais surtout en Suisse et en France où elle a été active. Nissim parle notamment des violences vécues par les femmes (dont les curetages à vif subies par des Françaises durant les années 50 et 60), des luttes infinies à propos de l’avortement et du climat d’oppression à l’échelle internationale, de la culpabilisation des femmes dans la gestion de leur contraception (alors que les hommes sont déresponsabilisés), du manque de moyens pour organiser des cliniques d’avortement et de planification familiale dans les hôpitaux et de …

Appendices