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Écrivaine, journaliste, poète, essayiste, professeure-chercheuse dans le domaine de la sémiologie, théoricienne et critique d’art, Fernande Saint-Martin nous a quittés le 11 décembre 2019.

Journaliste à La Presse en 1954, Fernande Saint-Martin y modernise les pages féminines en valorisant systématiquement les femmes actives. D’octobre 1960 à mars 1973, elle est rédactrice en chef du nouveau magazine Châtelaine. Directrice du Musée d’art contemporain de Montréal de 1972 à 1977, cette docteure ès lettres devient par la suite professeure d’histoire de l’art à l’Université Laval, puis à l’Université du Québec à Montréal (1979-1996). Critique d’art et de poésie, elle cofonde la revue Situations et collabore à de nombreuses revues d’art. Elle a publié plusieurs ouvrages, notamment La littérature et le non-verbal (1958) et Sémiologie du langage visuel (1987). Officière de l’Ordre du Canada, membre de l’Académie des lettres du Québec, lauréate du prix Molson, elle a reçu un grand nombre de distinctions.

Tout en poursuivant sa carrière, Fernande Saint-Martin intervient dans l’espace public pour défendre l’autonomie des femmes. Son importance sur la scène intellectuelle est en grande partie liée à la revue Châtelaine. Sous sa direction, le magazine s’avère une tribune exceptionnelle pour les femmes. Féministe, Fernande Saint-Martin considère indispensable que les femmes se regroupent pour devenir des citoyennes à part entière à une époque où beaucoup d’injustices existent encore sur le plan légal. Elle voit dans leur nombre le principal pouvoir des femmes à la recherche de l’égalité économique, de l’accès à la formation et de la reconnaissance publique. Sa réflexion sur les besoins des Québécoises préside à l’orientation, féministe et libérale, de ce magazine qui se révèle différent des revues féministes classiques et dont l’objectif, pendant la Révolution tranquille, est de reconstruire le Québec avec les femmes. L’éditorialiste se trouve au coeur des batailles pour la gratuité scolaire, la régulation des naissances, la réforme du Code civil du Québec et la révision des régimes matrimoniaux.

Les idées avant-gardistes de Fernande Saint-Martin orientent les choix de Châtelaine qui promeut, dès les années 60, cette littérature qui devient « québécoise ».

Dans la lignée des Françoise/Robertine Barry et des Madeleine Huguenin, Fernande Saint-Martin s’est montrée une intellectuelle résolue qui a tout mis en oeuvre pour que les femmes accèdent à plus d’instruction et qu’elles occupent leur place dans la société. Châtelaine aura été, avant la lettre, « le cégep des femmes ».

L’Académie des lettres du Québec et la Fondation Guido Molinari ont organisé, le 15 février 2020, une rencontre au cours de laquelle chercheuses et chercheurs, de même qu’artistes qui ont connu Fernande Saint-Martin, ont pu lui rendre un dernier « hommage ». Cela m’a permis de revenir sur ces années où, dans le contexte de ma thèse sur Châtelaine (1960-1975), j’ai eu le plaisir de découvrir cette femme extraordinaire et d’avoir des échanges avec elle.