Comptes rendus

Iona Cîrstocea, Delphine Lacombe et Élisabeth Marteu (dir.), La globalisation du genre. Mobilisations, cadres d’actions, savoirs, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, 290 p.[Record]

  • Huguette Dagenais

…more information

  • Huguette Dagenais
    Université Laval

L’ouvrage intitulé La globalisation du genre. Mobilisations, cadres d’actions, savoirs est issu du programme collectif de recherche « Regards croisés sur la globalisation – GLOBALGENDER », réalisé de 2013 à 2016, sous la coordination d’Iona Cîrstocea. Ses 13 chapitres, y compris l’introduction et la conclusion, sont regroupés dans trois parties thématiques suivies des résumés et des notes biographiques des onze auteures. Celles-ci sont associées à divers titres à des universités et/ou à des centres de recherche en sciences sociales, en France. L’objectif poursuivi dans cet ouvrage par Iona Cîrstocea, Delphine Lacombe et Élisabeth Marteu, conceptrices du projet, est de « développer un questionnement commun sur la portée globale du genre » et « une analyse critique » du « succès globalisé et globalisant » qu’il connaît aujourd’hui au point d’en être devenu « routinier » (p. 7-9). En première partie, le genre est abordé en tant qu’« expertise ». Dans « Le genre comme ‘ plateforme ’ transnationale de socialisation féministe en contexte postsocialiste (Europe de l’Est, 1990-2000) », Iona Cîrstocea trace les profils individuels de 86 pionnières féministes est-européennes, originaires d’une quinzaine de pays. Formées en sciences sociales et humaines à l’étranger, la plupart occupent un poste universitaire permanent et ont eu des activités militantes avant et surtout depuis la chute du mur de Berlin, en 1989. L’auteure souligne notamment les clivages qu’elle a pu observer parmi ces pionnières non seulement entre universitaires et militantes en général, mais aussi entre universitaires déjà « établies » avant 1989 et « intellectuelles converties au genre » (p. 30) après 1989 de même qu’entre militantes d’associations pour les droits des femmes et expertes à l’emploi d’organisations internationales, sans oublier les différences selon l’histoire de leurs pays d’origine respectifs. À partir du cas du Centre d’études des femmes de Belgrade, en particulier, elle met en lumière les paradoxes, les ambiguïtés et les tensions découlant de l’institutionnalisation du féminisme en ex-Yougoslavie. Dans le chapitre suivant, Lucia Direnberger transporte le lectorat au Tadjikistan, où elle a mené des recherches au sein d’associations engagées dans la prévention de la violence domestique et où elle a pu étudier également les trajectoires de femmes devenues expertes en genre qu’elle présente ici. Les témoignages de ces femmes révèlent des motivations diverses à ce choix de carrière : militer pour les droits des femmes, certes, mais aussi parfois sortir d’une situation économique difficile ou échapper personnellement à la violence domestique. L’auteure souligne les rapports de pouvoir qui existent entre les organismes internationaux et les expertes tadjikistanaises ainsi que les stratégies que ces dernières doivent déployer pour la reconnaissance aussi bien de leur statut professionnel que de l’utilité du genre. Ces femmes se butent en effet à la disqualification du genre et du féminisme, considérés comme des produits importés de l’étranger. Direnberger souligne de plus les inégalités entre expertes nationales et internationales, inégalités qui ne sont pas propres au Tadjikistan, mais que le partage du même titre d’experte en genre peut facilement occulter. Réunis sous le titre « Mobilisations et politisations », les cinq chapitres de la deuxième partie sont justement consacrés aux actions et aux résistances locales de mouvements de femmes dans différentes cultures et régions du monde. Après une éclairante présentation historicopolitique du Guatemala, « pays marqué par une violence colonialiste ininterrompue liée à un long processus d’appropriation des terres et des ressources des populations autochtones » (p. 93), Jules Falquet retrace les décennies de luttes féministes menées par des groupes de « survivantes » pour la reconnaissance des violences sexuelles commises contre les femmes autochtones, particulièrement durant la guerre des années 1980, et plus récemment dans le …

Appendices