Comptes rendus

Maria De Koninck, Maternité dérobée. Mère porteuse et enfant sur commande, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, 191 p.[Record]

  • Chantal Doré

Le recours aux mères porteuses est un phénomène social qui a des incidences sociologiques et anthropologiques et qui prend une ampleur considérable notamment en Occident. Maria De Koninck a rédigé un ouvrage portant un regard sociologique critique, féministe et éthique sur ce phénomène très contemporain, vu le contexte technoscientifique et marchand dans lequel cette quête d’enfant se déroule. D’entrée de jeu, son ouvrage traite du phénomène du recours aux mères porteuses sous un angle trop peu entendu et compris. Pour la sociologue, professeure émérite au Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval, son plus récent ouvrage constitue un prolongement de sa réflexion entreprise depuis plusieurs années quant aux rapports hommes-femmes à la maternité et aux inégalités sociales en matière de santé. Son propos s’inscrit finement dans une réflexion étoffée et riche en apports sociologiques et philosophiques. Elle investit donc largement ce qui est en jeu, à savoir les fondements de l’altérité, du lien social et de la dignité humaine relativement au recours aux mères porteuses par des parents commanditaires de l’enfant. Ces derniers sont généralement soutenus par des intermédiaires boutiquiers mondialisés qui se trouvent animés par d’autres considérations que le bien-être de l’enfant et de la mère porteuse; l’importance des intermédiaires illustre bien ici l’inscription de cette forme de reproduction dans l’économie marchande. De Koninck commence par définir clairement les concepts, dont celui du « recours aux mères porteuses ». Chaque mot est pesé et se rattache à une posture épistémologique – que sait-on de l’expérience de maternité des femmes? – et philosophique – fondée sur la dignité humaine comme valeur première. C’est ainsi que l’auteure insiste par exemple sur le terme « recours » afin de souligner la demande qui précède l’offre, point sur lequel je reviendrai. Le terme « mères » s’avère fondamental, car il témoigne de l’expérience que ces femmes vivent dans la maternité, elles qui remettront leur enfant à d’autres, souvent étrangers. Et enfin « porteuses » en lieu et place de « gestatrices » parce que porter un ou une enfant constitue une expérience humaine profonde et unique dont le terme « gestatrices » ne rend pas compte puisqu’il est davantage associé au monde animal. De Koninck met à mal les termes comme « gestation pour autrui », « maternité de substitution », etc., et préconise plutôt, en les revoyant, les concepts de procréation, de parenté, de parentalité et de filiation. La sociologue explique succinctement et clairement le contexte et les enjeux de cette forme de procréation qui s’inscrit pleinement dans l’esprit technoscientifique et les procédés techniques de la procréation médicament assistée (PMA). Dans son avant-propos, elle montre que la réflexion sur les techniques liées à la PMA ne peut se mener en dehors des rapports sociaux hommes-femmes, du sens accordé à la procréation humaine de même que du statut de l’enfant et de la mère, car cette réflexion concerne l’expérience de la maternité comme fondement des rapports humains. C’est ainsi que le contexte social, économique et culturel inclut autant l’individualisme conjugué à une société capitaliste où tout s’achète que les nouveautés scientifiques autour de la périnatalité, la médicalisation et la banalisation croissante des dernières décennies des interventions autour de la grossesse, de la santé reproductive et de l’infertilité, les rapports sociaux de sexe et de genre, les transformations de la famille, la prééminence des droits individuels, les rapports contemporains aux besoins et aux désirs, la notion d’autonomie et de droits de la personne, la mondialisation du tourisme reproductif, etc. Le regard de l’auteure embrasse large au départ en dégageant les grandes lignes qui montrent la complexité du phénomène. Les enjeux du recours …

Appendices