Comptes rendus

Julie Beaulieu, Adrien Rannaud et Lori Saint-Martin (dir.), Génération(s) au féminin et nouvelles perspectives féministes, Québec, Codicille éditeur, 2018, 315 p.[Record]

  • Eftihia Mihelakis

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  • Eftihia Mihelakis
    Université de Brandon

L’ouvrage Génération(s) au féminin et nouvelles perspectives féministes paru en 2018 est inspiré d’une séance qui a eu lieu lors du 7e Congrès international des recherches féministes dans la francophonie (CIRFF), tenu à l’Université du Québec à Montréal en août 2015. Codirigé par Julie Beaulieu, Adrien Rannaud et Lori Saint-Martin, cet ouvrage réfléchit à l’état actuel de la recherche féministe au Québec. Il est composé d’une variété de textes où l’on interroge le rôle des arts (littérature, cinéma, théâtre) et de leur spécificité au sein de la production de savoirs féministes. Dans l’introduction, Beaulieu, Rannaud et Saint-Martin expliquent l’orientation historique adoptée autour de trois axes formulés à l’infinitif : « relire, rompre, poursuivre » (p. 6). Ce mécanisme illustre la portée herméneutique de la recherche féministe tant en amont qu’en aval des « tendances structurantes de la recherche actuelle » (ibid.). Le point initial de la réflexion sur la recherche féministe au Québec part de la relation qu’entretiennent Jeanne Lapointe et Judith Jasmin. Lapointe est la première professeure de littérature à la Faculté des lettres de l’Université Laval et la première universitaire à publier des critiques littéraires dans la revue d’idées Cité libre. Jasmin est l’une des premières femmes du Québec à s’imposer comme grande reportrice à l’étranger. Pionnière du journalisme politique et de la presse, elle est nommée correspondante aux Nations Unies à New York en 1966 et reçoit en 1972 la plus haute distinction en journalisme québécois, le prix Olivar-Asselin, pour son travail sur l’actualité politique internationale. L’hypothèse émise par Mylène Bédard dans son texte démontre comment la relation amicale entre Lapointe et Jasmin « semble avoir favorisé l’accomplissement de leur trajectoire, mais aussi celle d’autres femmes » (p. 14). Au coeur des préoccupations soulignées par Bédard se trouve l’idée selon laquelle la transmission du savoir « doit faire fi des frontières relatives à la classe sociale, au degré d’éducation et au sexe, car elle vise précisément à escompter les divisions » (p. 16). Jasmin et Lapointe visent le « respect du public » (p. 15) en proposant une éthique de l’engagement intellectuel. Outre le fait que cette étude révèle l’ampleur de leur posture de mentores qui les poussent à former des solidarités avec Louky Bersianik, Marie-Claire Blais et Anne Hébert, les dépouillements de Bédard dans les lettres de Lapointe à Jasmin et des quatre lettres de Jasmin à Lapointe fournissent des modèles de paradoxe autour de la communication comme geste intime qui peut s’établir dans le silence. Se faisant l’écho de cette idée de transmission et la complétant, Marie-Claude Garneau introduit son étude avec la question suivante (p. 33) : comment peut-on vraiment garder vif cet héritage féministe québécois « des premières années, des premiers combats »? Pour y répondre, l’auteure offre une relecture contemporaine d’une sélection de textes dramatiques de Jovette Marchessault. Garneau emprunte le concept de généalogie symbolique chez Françoise Collin (2014) afin d’aborder ce qui « nous retient encore » (p. 33) de l’oeuvre de Marchessault. « Travail d’élaboration de ce qui n’est pas encore » (Collin 2014 : 98), la généalogie symbolique revêt une importance spécifique de la singularité qui caractérise l’imaginaire et le matériau artistique d’une pratique féministe basée sur l’intertextualité. En ciblant La saga des poules mouillées (1981) et La terre est trop courte, Violette Leduc (1982), Garneau constate comment Marchessault use de la citation des oeuvres de Violette Leduc, Laure Conan, Germaine Guèvremont, Gabrielle Roy et Anne Hébert pour mettre en lumière des réalités et des expériences de femmes. Pour Garneau, l’oeuvre dramatique propose ainsi un « je » dont le passé collectif permet aussi de …

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