Comptes rendus

Bérengère Marques-Pereira, L’avortement dans l’Union européenne, Bruxelles, CRISP, 2021, 281 p.[Record]

  • Diane Lamoureux

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  • Diane Lamoureux
    Université Laval

Dans cet ouvrage fort bien documenté (près de la moitié est constituée d’annexes), Bérengère Marques-Pereira dresse le tableau contrasté de l’accès à l’avortement dans les États membres de l’Union européenne. Si l’autrice reconnaît d’emblée que « l’Europe est le continent où l’accès à un avortement sûr et légal semble le plus progresser, conformément aux recommandations médicales et sanitaires d’instances telles que l’Organisation mondiale de la santé » (p. 5), il n’en reste pas moins que la situation est fortement contrastée. Certes, des gains peuvent être constatés en Irlande ou au Portugal, mais des reculs s’observent en Pologne ou en Hongrie, alors que Malte maintient une interdiction quasi totale de l’avortement légal. Au-delà du portrait nuancé de la situation qui règne dans l’Union européenne, l’intérêt de cet ouvrage réside dans le prisme analytique, celui des droits humains. Marques-Pereira constate en outre que la montée du néolibéralisme crée un « contexte où l’on assiste à un reflux des droits des femmes qui va de pair avec un antiféminisme inhérent aux fondamentalismes religieux, favorisé par les populismes identitaires de droite » (p. 7). L’ouvrage est divisé en cinq chapitres qui abordent successivement la situation dans les États membres de l’Union européenne, l’inscription de l’avortement dans le contexte des droits humains, la position de l’Église catholique, les arguments des partisanes et des partisans ainsi que des adversaires du droit à l’avortement et, finalement, la situation belge. La thèse qui sous-tend le chapitre 1 axé sur la situation dans les États membres de l’Union européenne est que, « aucun pays, fût-il le plus permissif, ne reconnaît aux femmes la libre disposition de leur corps comme les mouvements féministes l’ont réclamé depuis les années 1970 » (p. 34), la Suède étant le pays qui s’en rapproche le plus. Après avoir rappelé que les législations sur l’avortement relèvent des États membres, sans que l’Union européenne garantisse aux femmes un droit à l’avortement, Marques-Pereira expose une typologie qui tient compte à la fois des critères légaux (délai, accès financier, conditions légales d’accès) et extralégaux (clause de conscience, stéréotypes de genre); elle prend enfin en considération l’effectivité de cet accès. À cet égard, elle distingue les pays qui offrent un accès légal et sûr à l’avortement (Danemark, Finlande, Pays-Bas et Suède); elle fait également entrer dans cette catégorie (avec des bémols) d’autres pays (Belgique, France, Luxembourg et Royaume-Uni) qui, malgré certaines restrictions légales, offrent tout de même un accès important à l’avortement; ceux qui permettent un accès restreint (Espagne, Italie, Chypre et Irlande, ces deux derniers ayant modifié leur législation en 2018 et en 2019 respectivement entrent également dans cette catégorie), de même que la plupart des pays d’Europe du Sud et d’Europe centrale et orientale; de leur côté, la Pologne et Malte interdisent en fait l’avortement. Le chapitre 2 porte sur les liens entre les droits reproductifs et sexuels et les droits humains. L’autrice en trace les linéaments dans les décisions prises lors de conférences internationales comme celles de Vienne en 1993, du Caire en 1994 et de Pékin en 1995, où l’on a pu voir évoluer le langage de la santé reproductive et sexuelle vers les droits reproductifs et sexuels. Marques-Pereira fait toutefois remarquer que « la tendance générale dans l’Union européenne est à la reconnaissance d’un droit d’accès à l’avortement, fondé sur le droit à la santé des femmes et non sur leur auto-détermination » (p. 42). Elle souligne également que des instruments juridiques, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination envers les femmes, servent de base aux femmes et aux …