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Introduction

Depuis 2006, le Canada connait un taux soutenu d’immigration jusque-là inégalé au cours de son histoire (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012). Cette situation en fait le pays du G8 ayant la croissance populationnelle la plus rapide (Mahoney, 2012). Devant une arrivée annuelle d’environ 250 000 personnes provenant d’autres pays (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012), les services de santé et les services sociaux offerts à la population doivent s’ajuster aux particularités de ces individus. Bien que l’admission de la plupart des immigrants soit conditionnelle à un examen médical, l’information concernant les difficultés de développement ou encore les incapacités que peuvent présenter certains enfants à leur arrivée au pays semble limitée (Hanes, 2011). Pourtant, il y a lieu de s’interroger sur ces aspects, car une étude récente (Desrosiers, Tétreault et Brown, 2012) indique qu’en contexte québécois, 20 à 30% des enfants sont vulnérables sur les plans physique, cognitif et socioaffectif lors de l’entrée à l’école. Différents facteurs environnementaux associés à des conditions de vie précaires contribuent à des retards de développement significatifs chez les jeunes (Choquette, Blanchard et Guay, 2007). Cette situation peut se révéler temporaire ou au contraire être la résultante d’un problème plus persistant. Pour en diminuer les effets, les parents dont l’enfant éprouve des difficultés de développement semblent privilégier une intervention précoce (Dempsey, Keen, Pennell, O’Reilly et Neilands, 2009; Dunst, 2012).

Dans un tel contexte, en plus de faire face aux multiples ajustements liés à l’adaptation au nouveau pays, ces parents immigrants ont à composer avec un nouveau système de soins, parfois fort complexe. Souvent, ils entrent en contact très tôt avec des intervenants provenant de divers réseaux de services.

Les écrits rapportent que les familles immigrantes ont un besoin important d’informations et de conseils, afin d’offrir un soutien adéquat et optimal à leur enfant (Alberg, 2003). À ce propos, une recherche auprès de travailleurs sociaux, menée par Lindsay et ses collaborateurs (2014) confirme que ces familles manquent de connaissances quant au fonctionnement des ressources et à l’existence de services qui pourraient les aider. Selon ces auteurs, les parents immigrants ont davantage de difficultés à se retrouver dans le système de santé et de services sociaux du pays d’adoption. En outre, les ressources de soutien spécifiquement destinées à ce groupe semblent rares (Chomsky, 2001). Face à ces constats, il importe de connaitre davantage les obstacles et les facilitateurs qui favoriseraient les échanges avec la famille immigrante et soutiendraient son implication auprès de l’e

Objectif de l’étude de portée

Afin d’identifier les éléments liés aux échanges efficaces entre les familles immigrantes et les intervenants oeuvrant auprès des enfants d’âge préscolaire, une étude de la portée ou scoping review a été réalisée selon la méthode proposée par Arksey et O’Malley (2005). Cette méthode permet d’explorer les écrits scientifiques et d’identifier les principaux thèmes reliés aux questions de recherche. Elle permet de résumer les articles récents, d’identifier les lacunes dans les écrits consultés et de ressortir les pistes pour des recherches futures (Poth et Ross, 2009). Afin de faciliter l’analyse, les informations extraites des écrits sont cartographiées, regroupées et synthétisées, selon les thèmes qui émergent de l’analyse qualitative (Arksey et O'Malley, 2005). Pour la présente étude de la portée, les deux principaux objectifs sont : (1) de documenter les difficultés rencontrées et les facilitateurs lors d’échanges entre les intervenants et les parents immigrants ayant un enfant qui présente un trouble de développement durant la période préscolaire; (2) d’établir un répertoire de stratégies (programmes, méthodes, outils, etc.) utilisées pour communiquer et pour maximiser les échanges. Pour cette étude, le trouble de développement désigne un problème de développement qui apparait durant la période prénatale, périnatale ou encore au début de l’enfance. Il s’agit souvent d’une manifestation clinique d’un dysfonctionnement cérébral (Accardo et Capute, 2007; Accardo et Shapiro, 2005). Les troubles de développement se manifestent par des atteintes variées, hétérogènes et parfois chroniques. Ils se caractérisent par des perturbations lors de l’acquisition ou de la maitrise d'habiletés développementales. Il s’agit, entre autres, de la motricité fine et globale, de la cognition, du langage et de la communication, des habiletés personnelles et sociales ainsi que de la réalisation des activités de la vie quotidienne.

Méthodologie

Comme le proposent Arksey et O’Malley (2005), cette étude de la portée se divise en cinq étapes : (1) le choix de la question de recherche; (2) l’identification des études pertinentes; (3) la sélection des articles ou autres textes; (4) la cartographie de l’information et des données dans les études sélectionnées; (5) le rassemblement, le résumé et la présentation des résultats. Afin d’assurer une couverture aussi large que possible, il a été privilégié de considérer un maximum d’aspects correspondant au contexte de relation ou de collaboration entre les parents immigrants et les intervenants auprès d’enfants d’âge préscolaire.

Deux questions ont été explorées, soit : (1) Quels sont les contraintes communicationnelles et les facilitateurs vécues par les familles immigrantes et les intervenants oeuvrant auprès de l’enfant qui présente un trouble de développement?; (2) Quels sont les outils, les stratégies ou les approches utilisés afin de faciliter les échanges? Dans le but de bien encadrer la recherche documentaire, de nombreux thèmes en anglais ont été identifiés, puis regroupés sous quatre catégories :

  1. clientèle visée : immigration, immigrant, emigration, refugees, ethnic group, multicultural, culturally diverse, linguistically diverse, ethnic minority, family, parent, mother, father child, infant, patient;

  2. caractéristiques de l’enfant : preschool, toddler, newborn, impaired, disabled, handicapped, developmental disabilities, disorders, medically fragile, handicapped, mental retardation;

  3. notion de collaboration : collaboration, professional-family relations, professional-patients relations, cooperative behavior, cooperation, information seeking behavior, help seeking behavior, compliance, communication barriers, cultural competence, attitude of health professional, health beliefs, cultural bias, cultural sensitivity, parental attitudes, cultural competence, patient attitudes, information needs;

  4. outils de communication: discussion, conversation, meetings, programs, training, communication tools, communication strategies, graphics, communications software, interpreter services, information resources (audiovisual, electronic publications, health information, print material, email).

Une identification des études publiées entre 1995 et 2013 et se rapportant aux quatre catégories a été réalisée. La recherche de ces textes a été effectuée par une technicienne en documentation dans six bases de données (Embase, Cinahl, Eric, PsycInfo, PubMed et Scopus). Pour procéder, les différents mots-clés ont été respectivement convertis en descripteurs (vocabulaires propres à chacune des bases de données). Lorsqu’une centaine d’articles étaient identifiés, un premier tri était accompli par la technicienne en se basant sur les titres et les résumés. Puis, les informations sur les articles potentiels (titres et résumés) étaient envoyées à deux évaluateurs indépendants. Ils procédaient alors à second tri à partir des critères de sélection déterminés par l’équipe de recherche. Les critères d’inclusion étaient les suivants : l’article devait avoir été publié entre 1995 et 2013; être rédigé en français ou en anglais; traiter des sujets visés par l’étude. Il devait cibler les enfants d’âge préscolaire et primaire (12 ans et moins); les troubles de développement; les familles immigrantes; la communication en général (échanger, collaborer, informer, réunir, discuter, partager); les outils visant à favoriser la communication (moyens de communiquer, formations, informations, approches, programmes de sensibilisation, de prévention, stratégies de communication).

Les critères d’exclusion se rapportaient à des pathologies spécifiques, comme le cancer, le diabète ou l’obésité. Lorsqu’il y avait désaccord ou questionnement concernant l’acceptation ou le rejet d’articles, un consensus était obtenu suite à une discussion entre les deux évaluateurs.

Suite au deuxième tri, les articles complets ont été consultés, afin de poursuivre le processus d’élimination. Pour cela, les évaluateurs ont procédé à la lecture intégrale des études et au rejet de celles qui ne respectaient pas les critères d’inclusion. Cette troisième étape se basait sur une analyse plus approfondie des textes retenus. Dans le but de simplifier la sélection, les articles ont été classés dans un tableau synthèse, selon le niveau d’intérêt. Les écrits jugés moins pertinents étaient alors exclus. Les évaluateurs indiquaient également si les articles retenus abordaient les barrières, les facilitateurs ou les outils utilisés lors de la collaboration entre les parents immigrants et les intervenants auprès d’enfants d’âge préscolaire. Le détail de cette démarche se retrouve à la Figure 1 qui sera présentée dans la section des résultats. Pour compléter la démarche, une exploration de la littérature grise a été faite, incluant les documents provenant des sites Internet des réseaux de la santé et des services sociaux, d’associations de parents et d’organismes communautaires. Des documents gouvernementaux ont également été consultés afin de raffiner la compréhension des enjeux liés à la communication avec les parents d’autres cultures. Ceci a permis de ressortir quelques outils utilisés dans le cadre d’interventions. Toutefois, aucun n’est spécifiquement adapté aux échanges entre les intervenants et les familles immigrantes ayant un enfant d’âge préscolaire qui présente un trouble de développement.

Résultats

Au terme de la démarche de sélection, 35 textes scientifiques ont été retenus. La Figure 1 illustre les résultats découlant de la stratégie de recherche documentaire.

Figure 1

Résultats de la requête

Résultats de la requête

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Tous les écrits abordent les relations entre les intervenants et les familles immigrantes ayant un enfant avec un trouble de développement moteur, sensoriel ou cognitif. Ils évoquent au moins l’un des trois sujets suivants : (1) les barrières à la communication et aux échanges; (2) les obstacles rencontrés par les familles immigrantes et les intervenants auprès d’enfants d’âge préscolaire; (3) les outils, les stratégies ou les approches pour faciliter les échanges. Le Tableau 1 donne les principales caractéristiques des 35 écrits scientifiques retenus.

Tableau 1

Description des 35 écrits scientifiques retenus

Description des 35 écrits scientifiques retenus
1

P=parent ou membre de la famille, I=intervenant, A=autre personne, F=famille

2

DA=déficience auditive, DD=déficiences diverses, DI=déficience intellectuelle, DM=déficience motrice, DS=déficience sensorielle, GP=grands prématurés, RD=retard de développement, TD=troubles du développement, TFPN=très faible poids à la naissance, TA=trouble d’apprentissage, TSA=trouble du spectre autistique

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À la lecture du Tableau 1, il ressort que la majorité des articles proviennent des États-Unis (n=27) et qu’ils présentent une méthodologie qualitative. Toutefois, plusieurs des textes retenus sont des textes d’opinion, car les auteurs, suite à une courte recension des écrits, présentent un modèle théorique qui explique la situation des familles immigrantes ou proposent une approche spécifique à ce groupe. Bien que le titre de ces articles comprend le mot « parent », il appert que ce sont surtout les mères qui participent à ces études. Enfin, plusieurs recherches sont ethnocentrées, c’est-à-dire qu’elles visent un groupe culturel déterminé (par exemple, les sikhs ou les latinos). Selon le contexte de l’étude, certaines variables sont parfois considérées comme des obstacles et d’autres fois comme des facilitateurs. Par exemple, la présence d’un interprète semble généralement aider les échanges d’information, bien que dans d’autres situations, une distorsion est observée entre le message formulé et celui transmis (Lai et Ishiyama, 2004; Madding, 2000).

Suite à l’analyse des textes retenus, les résultats sont regroupés autour de quatre thèmes : (1) les barrières à la communication; (2) les facilitateurs à la communication; (3) l’organisation des informations et des services; (4) les outils, les approches et les stratégies de communication.

Principales barrières à la communication

Ces barrières sont associées aux difficultés attribuables au contexte d’immigration, aux différences culturelles, à la langue, à l’accès à l’information et aux services ainsi qu’aux attitudes et comportements des intervenants.

Contexte d’immigration

Des éléments liés au contexte d’immigration représentent un obstacle soulevé par des auteurs. Par exemple, il ressort que des familles ayant le statut de réfugié hésitent souvent à divulguer des informations personnelles, de peur que la transmission de ces renseignements modifie les conditions de leur séjour dans le pays d’accueil (Lindsay, King, Klassen, Esses, Stachel, 2012). Cette situation altère le développement de la relation avec les intervenants. Pour Lindsay et ses collègues (2012), les craintes des parents doivent d’abord être comprises et atténuées, avant qu’ils puissent considérer l’application des recommandations émises par les professionnels.

Différences culturelles

Un des aspects largement cités à titre d’obstacles à la communication dans les articles consultés se rapportent aux différences culturelles. Il s’agit des divergences dans les façons de penser, de sentir et d'agir (Rocher, 1992). Elles modulent les interactions et peuvent s’avérer déstabilisantes pour les intervenants et les familles. En ce sens, le vécu et le parcours précédant l’arrivée dans le pays d’accueil influencent la façon qu’ont les parents immigrants d’entrer en contact avec les intervenants. Il peut s’agir de plusieurs aspects comme la perception de la déficience de l’enfant, les valeurs liées à l’éducation, les règles de communication ou encore les croyances en lien avec la médecine. Ces différences culturelles modulent le contact et perturbent parfois les échanges. Dans certains pays, la présence d’un enfant handicapé au sein d’une famille entraine une stigmatisation sociale et suscite de la honte chez ses proches (Baker, Miller, Dang, Yaangh et Hansen, 2010; Kalyanpur et Harry, 1997; Westby, 2009; Won, Krajicek et Lee, 2004). Pour cette raison, le partage d’informations quant aux difficultés observées chez un enfant peut s’avérer difficile, inexistant ou caractérisé par une certaine hésitation, car les parents tentent, d’emblée, de cacher le retard développemental (Jegatheesan, 2009; Won, Krajicek et Lee, 2004). Souvent, maintenir les apparences représente un enjeu important pour ces familles (Westby, 2009). Ceci se reflète dans les règles ou normes de communication adoptées par les parents, ancrées dans le vécu précédant la migration. En ce sens, pour certains groupes culturels, il est considéré comme irrespectueux de demander des éclaircissements ou de remettre en question les recommandations des intervenants (Jegatheesan, 2009; Pavri, 2001; Santos, Fowler et Corso, 2000). Dans cet ordre d’idées, si l’intervenant insiste sur des objectifs qui ne correspondent pas à la réalité de la famille (par exemple : jouer au sol avec l’enfant), les parents ne s’opposeront pas ouvertement, évitant ainsi une situation de confrontation directe (Westby, 2009). Par le silence ou les non-dits, ils semblent accepter les suggestions des spécialistes, alors qu’en réalité, ils sont en désaccord avec les orientations proposées. Cette situation peut se traduire par une faible motivation à s’impliquer dans le processus de réadaptation (Santos et al., 2000). Conséquemment, ces familles n’appliquent pas les recommandations ou les exercices proposés et choisissent parfois d’éviter les rendez-vous ou bien de les espacer (Westby, 2009).

Lorsque les rôles parentaux, l’organisation familiale ou le sens donné à l’autorité divergent de ceux habituellement en vigueur dans le pays d’origine, cette situation peut limiter le transfert fluide des renseignements concernant l’enfant. Par exemple, si les décisions concernant les soins et la réadaptation sont prises par une personne autre que celle qui s’en occupe quotidiennement et qui assiste aux rencontres (c-à-d père versus mère), des informations importantes ne sont pas toujours communiquées. De fait, certains membres de la famille étendue peuvent faire des pressions sur les parents afin qu’ils refusent ce qui est suggéré par les intervenants (Rogers-Atkinson, Ochoa et Delgado, 2003). Considérant cela, l’établissement d’une relation réciproque d’échange entre la famille et les intervenants est plus laborieuse (Lindsay et al., 2012).

Les croyances concernant les soins prodigués à l’enfant peuvent également altérer la communication entre les intervenants et les parents (Jegatheesan, 2009). Ainsi, une famille ayant récemment immigré peut souhaiter privilégier des approches qui cadrent davantage avec sa culture. Par exemple, elle peut constater les différences entre les services offerts dans le pays d’accueil et ceux du pays d’origine, puis désirer des soins plus traditionnels. Conséquemment, les parents peuvent avoir l’impression de rejeter leurs valeurs s’ils adoptent les propositions d’intervention offertes à l’enfant (Rogers-Atkinson et al., 2003). Autre exemple, lorsque les familles manifestent le désir d’obtenir une intervention basée sur une médecine alternative (par exemple : médicament aux herbes), un malaise peut s’installer entre elles et les médecins, qui appuient leur pratique sur des données probantes (Jegatheesan, 2009).

Barrières langagières

Les barrières langagières ressortent comme un facteur important qui altère la communication et la relation entre les deux groupes. Le temps requis pour apprendre et maitriser la langue du pays d’accueil constitue une contrainte considérable à la communication. Plus particulièrement, la méconnaissance de cette langue limite la compréhension mutuelle, la transmission et la recherche d’information (Lindsay et al., 2012). Au cours des rencontres, bien des parents perdent le fil et parviennent difficilement à se remémorer les termes utilisés. La compréhension des expressions spécialisées représente un obstacle, et ce, même pour ceux qui savent la langue d’usage dans le pays d’accueil (Jegatheesan, 2009). Lorsqu’ils veulent parler d’une situation précise ou poser des questions, les idées exprimées s’avèrent fréquemment incomplètes et ne reflètent pas toujours ce qu’ils voudraient transmettre à l’intervenant (Lai & Ishiyama, 2004). En ce sens, la méconnaissance de la langue du pays d’accueil a des retombées sur ce que les familles retiennent du diagnostic et des informations complémentaires (Cho et Gannotti, 2005), mais aussi sur ce qu’elles disent de leur enfant.

La barrière langagière restreint l’accès à l’information médicale contenue dans les écrits (Pavri, 2001; Won et al., 2004). Lorsque des documents concernant la pathologie de l’enfant ou les services de réadaptation sont remis directement aux familles, ils sont souvent non traduits (Jegatheesan, 2009). Bien qu’accessible, leur contenu peut s’avérer trop complexe pour une personne dont la langue maternelle n’est pas celle du pays d’accueil. Ce constat peut contribuer à expliquer pourquoi les familles immigrantes utilisent moins les services de santé que les autres familles (Cho et Gannotti, 2005). Également, l’incapacité à comprendre la langue du pays d’accueil combinée à des acquis limités quant à l’utilisation d’Internet peut complexifier la situation, surtout lorsque les parents sont invités à consulter des ressources en ligne (Jegatheesan, 2009).

De façon générale, les services d’interprètes sont appréciés par les familles immigrantes, puisqu’ils facilitent l’accès à l’information (Won et al., 2004). Or, diverses expériences négatives sont rapportées dans les écrits consultés. Par exemple, des auteurs (Lai et Ishiyama, 2004; Madding, 2000) soulignent que parfois l’interprète a lui-même des difficultés à comprendre la situation. D’autres chercheurs (Jegatheesan, 2009; Rhoades, Price et Perigoe, 2004) mentionnent une connaissance insuffisante de la part de l’interprète de la langue maternelle des parents ou des termes techniques utilisés lors de la rencontre. Comme la qualité de la traduction dépend de la juste compréhension du message à transmettre, des doutes peuvent être soulevés quant à la conformité des propos traduits. L’information perdue en raison d’un service d’interprétariat inadéquat empêche les familles de bien cerner les difficultés de l’enfant et, dans certains cas, de les expliquer à leurs proches (Lindsay et al., 2012). Lorsque des membres de la communauté sont amenés à agir comme interprète, des obstacles sont aussi notés. Le manque d’objectivité, la formulation de remarques personnelles ou de suggestions inappropriées, de même qu’une connaissance trop approximative de la langue du pays d’accueil ressortent tout particulièrement (Cho et Gannotti, 2005).

Difficultés d’accès à l’information et aux services

Le manque d’information quant au fonctionnement des services est souvent mentionné dans les écrits consultés. En ce sens, la plupart des familles issues de minorités ethniques disposent de peu de renseignements sur les programmes et services offerts (Gannotti, Kaplan, Handwerker et Groce, 2004; Nawaz, 2006). Ceci s’explique en partie par les différences entre l’organisation dans le pays d’accueil et celle en vigueur dans le pays d’origine (Lindsay et al., 2012). Ce manque de connaissances peut entrainer des délais pour accéder aux services et pour rencontrer un professionnel. Ces périodes d’attente peuvent altérer parfois la communication avec les intervenants (Jegatheesan, Fowler et Miller, 2010). De fait, lorsque l’accès aux services semble être plus rapide dans le pays d’origine, les familles immigrantes tendent à comparer les deux situations. Certaines expriment alors une insatisfaction liée à la complexité des organisations du pays d’accueil (Lindsay et al., 2012). Par ailleurs, les attentes parentales concernant le travail des médecins peuvent être à l’origine de problèmes de collaboration. Lorsque la famille croit être en droit de recevoir un diagnostic dans un court laps de temps et que la réalité s’avère être toute autre, l’émergence de sentiments de colère et de frustration est rapportée par Heer, Larkin, Burchess et Rose (2012). Ils indiquent que des parents tendent à reprocher aux intervenants un manque de dévouement à l’égard de leur enfant.

Comportements des intervenants

Certains comportements des intervenants perturbent la communication. Ainsi, les parents nomment principalement le manque de sensibilité et l’absence d’intérêt vis-à-vis de leur opinion et de leur vécu (Cho et Gannotti, 2005; Schall, 2000 : voir Jegatheesan et al., 2010). D’autre part, il peut s’agir d’un médecin pressé à cause d’un horaire chargé, qui fournit des explications ténues ou insuffisantes (Cho et Gannotti, 2005; Jegatheesan et al., 2010). Selon Jegatheesan et al. (2010), les médecins semblent froids et distants lors de situations émotionnellement difficiles. Ce comportement se vit péniblement chez les familles, qui ont besoin de recevoir des encouragements lors de l’annonce du diagnostic. Ces auteurs soulignent que plusieurs parents mentionnent l’insistance des intervenants davantage sur les déficits développementaux de l’enfant que sur les améliorations. Cette façon de faire semble atténuer leur espoir de voir leur enfant évoluer positivement.

Principaux facilitateurs à la communication

L’étude de la portée a permis de relever plusieurs éléments facilitant les échanges entre les intervenants et les parents immigrants ayant un enfant avec un trouble de développement. De nombreux moyens favorisent l’établissement d’une communication efficace, soit : le développement d’une compétence culturelle de la part de l’intervenant; le recours aux interprètes et le développement d’habiletés de communication; l’organisation de l’information et des services; l’utilisation de l’approche collaborative et centrée sur la famille.

Développement d’une compétence culturelle

Les articles consultés identifient un des principaux facilitateurs à la communication, soit la compétence culturelle, qui est indissociable d’une collaboration efficace avec les familles immigrantes. En fait, un individu culturellement compétent reconnait et respecte la différence, en plus de travailler à partir des situations teintées par une diversité socioculturelle, linguistique et ethnique (Westby, 2009). Cette compétence se rattache à une ouverture d’esprit de la part de l’intervenant ainsi qu’à une compréhension des dynamiques familiales et culturelles. Pour saisir la situation des parents ayant un bagage culturel différent, il importe de prendre le temps de s’informer sur leurs particularités (Jegatheesan, 2009; Lai et Ishiyama, 2004; Lindsay et al., 2012; Nawaz, 2006). En ce sens, s’enquérir des valeurs des familles, se renseigner sur la meilleure façon de dialoguer à propos de sujets plus sensibles, possiblement tabous, ou encore sur les comportements et attitudes attendus des parents et de l’enfant durant la thérapie sont des pratiques à considérer pour établir des échanges fructueux (Rhoades et al., 2004). Pour leur part, Rogers-Atkinson, Ochoa et Delgado (2003) affirment que la communication et la collaboration sont plus efficaces lorsque l’intervenant se renseigne sur le parcours migratoire de la famille, les services antérieurs reçus par l’enfant, ainsi que les contacts avec la famille élargie. Le fait d’acquérir une meilleure compréhension de ces aspects représente un premier pas vers des soins qualifiés de « culturellement compétents », et ce, malgré une connaissance minimale de la langue parlée par la famille (Madding, 2000). Cette reconnaissance des caractéristiques particulières de la famille permet ensuite de saisir l’apport des facteurs sociaux, économiques, religieux, spirituels, philosophiques et éducationnels sur la compréhension de l’intervention (Croot, 2012).

En fait, il est essentiel de développer une sensibilité vis-à-vis les difficultés d’adaptation que peuvent vivre les familles immigrantes. La découverte des problèmes de l’enfant et de ses retombées concrètes ainsi que l’arrivée au pays d’accueil représentent des sources de stress majeures, qui influencent la relation avec les intervenants (Lai et Ishiyama, 2004). Dans un tel contexte, ces derniers doivent montrer davantage de compassion, de patience et de respect afin d’établir un lien de confiance et de coopération (Jegatheesan, 2009). Une communication basée sur des compétences interculturelles permet de construire des interactions courtoises, réciproques et sensibles (Barrera et Corso, 2002).

Plusieurs auteurs confirment que les familles d’autres cultures ont des croyances distinctes à propos de la santé, de la maladie et des déficiences de l’enfant. La connaissance spécifique de ces différentes interprétations peut aider les intervenants à anticiper et à comprendre les décisions de ces familles (Zhang et Bennett, 2001). Parfois, les parents attribuent le trouble de leur enfant à des causes religieuses et tentent ainsi d’y donner un certain sens (Heer et al., 2012). Dans ce cas, il est nécessaire que l’intervenant s’enquière de leurs représentations et interprétations concernant le diagnostic de l’enfant (Nehring, 2007; Stein, Flores, Graham, Magana et Willies-Jacobo, 2004). Il doit considérer leur opinion quant aux traitements proposés. Dans un climat d’ouverture et de partage, il s’agit d’expliquer clairement aux parents les motifs d’intervention auprès de l’enfant, de justifier les modalités thérapeutiques proposées, de vérifier si elles s’imbriquent dans la dynamique familiale, tout en essayant de demeurer, autant que possible, fidèle aux croyances de la famille (Kalyanpur et Harry, 1997; Nehring, 2007; Soto, 2012). Il est à noter que ceci demande une certaine conscience, chez l’intervenant, de ses propres croyances et pratiques culturelles, et de leurs répercussions sur sa façon de communiquer (Rhoades et al., 2004).

Recours aux interprètes et développement des habiletés de communication

Grâce aux services d’un interprète, les familles ont la possibilité de s’exprimer et de recevoir des réponses dans leur langue maternelle. Des rencontres préalables entre les interprètes et les intervenants devraient être privilégiées avant de réaliser un premier transfert d’informations (Cho et Gannotti, 2005; Madding, 2000). Cette démarche leur permet d’expliquer les objectifs de l’entrevue initiale, souvent un moment charnière dans l’évaluation. Par la suite, en présence des parents, il importe que les intervenants dirigent leurs questions et leurs commentaires directement aux parents pour favoriser la fluidité dans les discussions (Rivers, 2000). Ainsi, la famille se sent directement concernée et interpelée, ce qui facilite la communication. Elle participera plus facilement aux échanges et s’impliquera davantage auprès de son enfant (Davis-MacFarland, 2008; Lai et Ishivama, 2004; Stein, Flores, Graham, Magana et Willies-Jacobo, 2004). Les intervenants doivent expliquer en utilisant un langage accessible, s’assurer régulièrement de la bonne compréhension de l’information et vérifier si les parents ont des questions (Davis-McFarland, 2008; Evans et Garwick, 2002). De plus, il est suggéré de rencontrer l’interprète à la fin de la séance pour discuter de l’ensemble des éléments abordés. Ceci permet de faire une synthèse de ce que la famille a voulu communiquer (Madding, 2000). Selon l’étude de Lindsay, King, Klassen, Esses et Stachel (2012), il est également plus efficace de privilégier le recours au même interprète lors de rencontres subséquentes avec les familles.

Pour Davis-McFarland (2008), il est préférable durant les rencontres, si possible, de donner aux parents le maximum d’information dans leur langue maternelle. Quand ce n’est pas envisageable, des explications claires et succinctes sont à privilégier pour faciliter la communication lors de l’évaluation et de l’intervention (Rivers, 2000). L’adoption d’un style communicationnel qui reflète le souci du bien-être des familles, l’intérêt à l’égard de leur vécu et l’ouverture à la collaboration contribue au développement d’une relation de confiance avec les parents (Kushnir, Bachner, Carmel, Flusser et Galil, 2008). Le climat émotionnel empathique ainsi créé favorise le respect des recommandations (Kushnir et al., 2008). Par ailleurs, les échanges avec la famille immigrante seront également facilités si l’intervenant prend conscience de ses propres comportements verbaux et non verbaux (poignée de main, regard, usage du silence, rire, etc.) et qu’il les adapte selon la culture de la famille (Bellon-Harn et Garrett, 2008; Rivers, 2000). Heer et ses collaborateurs (2012) suggèrent d’éviter la transmission d’informations par écrit uniquement dans la langue du pays d’accueil, en particulier avec les familles qui ne la maitrisent pas bien ou celles qui ont des compétences limitées en termes de littératie. Ils proposent que les documents imprimés, tout comme le matériel audiovisuel disponible dans les établissements de santé, soient offerts dans plusieurs langues.

Communiquer avec les parents en dehors du contexte de rencontres officielles peut s’avérer gagnant pour développer une relation significative (Lai et Ishiyama, 2004). Appeler avant un rendez-vous offre l’opportunité d’échanger et d’établir des liens (Davis-McFarland, 2008). Les conversations téléphoniques hebdomadaires et les sessions filmées constituent d’autres moyens à adopter (Rhoades et al., 2004).

Organisation de l’information et des services

Pour avoir une communication optimale, l’organisation de l’information et des services doit être examinée. Pour Stein et al. (2004), les échanges avec les parents s’avèrent grandement influencés par leurs besoins de connaissances à combler. C’est ainsi qu’il est essentiel de fournir une information claire au bon moment. Parmi les renseignements les plus importants figurent ceux se rapportant à l’éducation de l’enfant et à la gestion de ses comportements difficiles, ainsi qu’aux services de soutien disponibles (santé, éducation, finances) (Stein et al., 2004). Compte tenu de la nature de ces informations, l’implication d’un travailleur social peut se révéler indispensable. Des explications claires quant aux rôles des différents intervenants sont aussi nécessaires (Rivers, 2000). Il est d’ailleurs judicieux d’informer la famille sur ses droits et responsabilités durant le processus de prestation de soins (Rivers, 2000). Il ne faut pas tenir pour acquis que les parents savent que leur présence est requise ou qu’ils peuvent participer aux thérapies. De plus, il faut bien les informer de l’existence et des objectifs des services de répit, d’aide à domicile, de garde et de loisirs. Souvent, ils ne connaissant pas ces ressources ou encore ils ne perçoivent pas les bienfaits de les utiliser (Gannotti et al., 2004).

Utilisation de l’approche collaborative et centrée sur la famille

Différentes pratiques reflètent le souci des intervenants de tisser des liens avec les familles immigrantes, en identifiant leurs forces et en tenant compte de leurs conditions de vie (Evans et Garwick, 2002). En ce sens, plusieurs intervenants dans l’étude de Lindsay et al. (2012) sont d’avis qu’offrir des services culturellement sensibles implique une planification accrue et des rencontres plus longues. Les établissements qui souhaitent que le personnel s’investisse dans de telles démarches se doivent de considérer cette approche et d’allouer plus de temps. D’ailleurs, les visites à domicile sont reconnues comme l’un des meilleurs moyens pour faciliter l’introduction de services dans les familles et encourager le développement d’une relation de confiance (Lindsay et al., 2012; Rogers-Atkinson et al., 2003). Lors de ces rencontres, la possibilité pour les parents d’être accompagnés d’un membre de leur famille s’ils le désirent, en particulier si cette personne joue le rôle d’interprète culturel, peut également encourager la communication (Davis-McFarland, 2008). Également, la collaboration avec les représentants des communautés culturelles aide à surmonter les barrières communicationnelles et à briser les stéréotypes (Baker et al., 2010; Nawaz, 2006). À cet effet, les intervenants doivent être créatifs relativement aux choix des lieux, des organisations et des personnes auxquels ils s’adressent, en plus de se montrer ouverts aux conseils et aux directives des organisations locales et des représentants communautaires (Nawaz, 2006).

Outils, approches et stratégies de communication

Les outils soutenant l’interaction entre les intervenants et les familles immigrantes peuvent prendre différentes formes. En général, les auteurs consultés proposent des moyens tangibles pour améliorer la compréhension de part et d’autre. Certains sont offerts par l’établissement de soins alors que d’autres correspondent à de la formation axée sur le développement des compétences culturelles chez les intervenants.

Ressources spécialisées propres à l’établissement

Afin de développer des services cohérents, bien coordonnés et basés sur une approche culturellement sensible, il est souhaitable que l’organisation s’engage dans une démarche formelle. Par exemple, il peut s’agir de créer un comité multidisciplinaire ayant le mandat de mettre en place des pratiques culturellement sensibles (Bracht, Kandankery, Nodwell et Stade, 2002). L’identification des besoins des familles immigrantes, la façon de tenir compte lors des interventions des différences culturelles, le développement de nouveaux moyens pour soutenir les familles et la sensibilisation des membres du comité aux problématiques figurent parmi les objectifs de ces comités (Bracht et al., 2002). Un autre exemple concerne un programme de jumelage entre parents de culture ou de langue similaire. C’est un moyen de rassurer, de donner de l’espoir, de réduire le sentiment d’isolement et de faciliter l’acceptation de la situation particulière de l’enfant (Ardal, Sulman et Fuller-Thomson, 2011; Lindsay et al., 2012).

Formation axée sur le développement des compétences culturelles

Pour développer une sensibilité interculturelle, la présence d’un chef d’équipe qui inspire les autres par son respect des différences, est recommandée (Madding, 2000). Cette personne agit comme un promoteur de la compétence culturelle dans son environnement de travail. Une autre illustration consiste à d’offrir des cours visant l’augmentation du niveau de connaissances théoriques et pratiques sur les autres cultures, ce qui permet d’améliorer la compréhension des différences culturelles (Chen, Brekken et Chan, 1997). Il est aussi proposé d’inciter les intervenants à assister à des conférences, des symposiums ou des ateliers portant sur la diversité culturelle. Avec le temps, l’établissement peut se doter d’un compendium regroupant de l’information au sujet des différents groupes culturels rencontrés par ses employés, comme par exemple les salutations, les restrictions alimentaires ou vestimentaires (Madding, 2000).

Interventions et ressources à utiliser lors des rencontres avec la famille

Les écrits retenus n’incluent pas d’outils concrets qui puissent être utilisés dans le but d’améliorer la communication entre les intervenants et les familles immigrantes. Il s’agit plutôt d’orientations données, entre autres, pour accroitre la sensibilité culturelle, pour développer les habiletés relationnelles ou encore augmenter la reconnaissance des préjugés et des valeurs. Voici quelques exemples de modèles tirés des articles scientifiques : La Posture of reciprocity (Kalyanpur et Harry, 1997), le modèle « VISION » (Bellon-Harn et Garrett, 2008) et le modèle d’intervention interculturelle « LEARN » (Berlin et Fowkes, 1983 : voir Westby, 2009), le Leininger’s Sunrise Model et le « Papadopoulos, Tiki and Taylor Model for Developing Cultural Competence » (Croot, 2012).

Nehring (2007) recommande une série de stratégies pour aider l’intervenant à obtenir de l’information sur la famille et à opter pour une approche culturellement sensible. Les suggestions concernent, entre autres, la perception de la déficience ou du problème de l’enfant, le processus de prise de décision familiale, les attentes des parents, les mesures de soutien, les valeurs culturelles et les inquiétudes concernant les interventions. Pour leur part, Santos, Fowler et Corso (2000) proposent des lignes directrices incluant des questions et des éléments de réflexion afin de mieux choisir le matériel utilisé lors des interventions avec des enfants provenant de familles immigrantes. Quelques auteurs mentionnent des sites Internet, qui donnent, par exemple, des renseignements dans différentes langues sur les troubles de développement (Stein et al., 2004); des outils pour faciliter la communication non verbale (contact visuel, gestes, débit) chez cinq groupes culturels (Westby, 2009); des astuces pour favoriser la communication (Pavri, 2001; Santos et al., 2000).

Discussion

Recommandations pour la pratique

Les intervenants de la santé et des services sociaux sont formés pour établir des partenariats avec des clientèles variées. Toutefois, lorsque les repères culturels diffèrent et que la communication s’avère difficile, l’intervention auprès des familles immigrantes présente un défi de taille. Comme il n’existe pas de personne immigrante typique, les stratégies à adopter pour assurer des échanges satisfaisants ne peuvent se résumer à un modèle unique. Les interventions requièrent davantage de délicatesse, de savoir-faire et de temps. Il est essentiel d’offrir des moyens aux intervenants de même qu’aux familles pour les soutenir dans leurs échanges, selon les obstacles qui se présentent. Or, très peu d’articles décrivent clairement des outils pratiques et concrets pour pallier les contraintes sur le plan de la communication. Ce constat renforce la pertinence de développer une approche communicationnelle adaptée au contexte d’immigration, afin de faciliter la transmission d’informations.

Forces et limites des études consultées

Les études consultées présentent, sous différents angles, les principales difficultés rencontrées lors d’échanges entre intervenants et familles immigrantes, tout comme les éléments qui peuvent contribuer à surmonter les obstacles. Or, la plupart des résultats présentés ne reposent pas sur des études expérimentales, quasi-expérimentales ou évaluatives. En effet, près de la moitié des 35 articles retenus se composent d’opinions, souvent appuyées sur des recensions d’écrits. Les auteurs décrivent spécifiquement un modèle théorique, une approche ou une proposition d’intervention. Plusieurs d’entre eux donnent des lignes directrices quant aux avenues à privilégier pour améliorer l’interaction entre les familles immigrantes et les intervenants. Toutefois, peu d’écrits scientifiques abordent l’efficacité ou les retombées des interventions proposées.

Parmi les 14 études qui impliquent des parents ou des familles immigrantes à titre de participants, huit d’entre elles décrivent l’expérience vécue par 10 participants ou moins. Ces échantillons restreints ciblent des groupes ethniques très précis, par exemple issus du Pakistan, de la Corée ou de Porto Rico. Bien que les résultats convergent en ce qui concerne l’identification des barrières et des facilitateurs, la composition des échantillons soulève un questionnement quant à la robustesse des conclusions qui peuvent être tirées des études concernées. Ce constat met en lumière les limites quant à l’étendue des connaissances visant la communication avec les parents d’origines diversifiées.

Un autre point à soulever est lié au fait que la majorité des écrits retenus sont américains. Il faut garder à l’esprit que les politiques en vigueur aux États-Unis relatives à l’immigration et aux soins de santé ne s’apparentent pas à celles du Canada, ni du Québec. Ceci rend les résultats difficilement transposables.

Questions de recherches futures

Suite à l’étude de la portée, il serait souhaitable que des recherches basées sur des échantillons plus nombreux soient réalisées. Ceci permettra d’évaluer les retombées de l’utilisation des outils et approches proposés pour améliorer la communication entre les intervenants et les familles immigrantes. De plus, des recherches-action participatives visant le développement d’approches innovantes, qui correspondent spécifiquement aux besoins identifiés par les parents et par les intervenants, représentent une avenue à considérer.

Conclusion

Deux objectifs orientaient l’étude de la portée. Le premier consistait à documenter les facilitateurs et les difficultés rencontrées lors d’échanges entre les intervenants et les parents immigrants ayant un enfant qui présente un trouble de développement durant la période préscolaire. Il ressort que des obstacles majeurs modulent la communication, que ce soit les différences culturelles, les barrières langagières ou encore les difficultés d’accès aux services. En contrepartie, des facteurs positifs permettent d’établir des échanges plus fluides entre parents et intervenants, comme la compétence culturelle chez l’intervenant, l’utilisation des interprètes ou l’organisation plus claire de l’information. Le second objectif de l’étude de la portée était d’établir un répertoire de stratégies (programmes, méthodes, outils, etc.) actuellement utilisées pour communiquer et de celles désirées pour maximiser les échanges. Compte tenu du manque de données à ce sujet, une approche descriptive a été privilégiée.

En résumé, le constat suivant s’impose, soit : les intervenants qui travaillent auprès des jeunes enfants issus de familles immigrantes ne sont pas adéquatement préparés pour faire face aux défis particuliers qui caractérisent ces échanges. De surcroît, les formations offertes ne suffisent pas (Lindsay et al., 2012). Compte tenu du taux soutenu d’immigration observé au Canada et qui se reflète dans la composition de la clientèle du système de santé et services sociaux, il s’avère pressant d’y apporter une réponse concrète. Différentes formules de sensibilisation, d’information, de formation et de communication doivent être explorées, afin de permettre d’échanger des connaissances essentielles sur le développement de l’enfant et de faciliter la compréhension commune de son fonctionnement. L’établissement d’une communication efficace favorisera une relation de confiance et un véritable partenariat entre la famille et les intervenants.