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Introduction

Les troubles de comportements chez les personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) est un sujet qui a été grandement étudié depuis quelques années. Ils peuvent prendre plusieurs formes, dont celle de comportements agressifs. L’Abbé et Morin (2001) définissent les comportements agressifs comme étant :

Un comportement verbal et/ou moteur, dirigé vers soi, vers l’environnement ou vers autrui. Il se manifeste directement ou indirectement et est plus ou moins planifié. Il a pour résultat (a) de blesser ou de nuire à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne et/ou (b) de détériorer l’environnement. Son intensité et la capacité de l’environnement social à y faire face en déterminent sa dangerosité

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Les comportements agressifs peuvent ainsi se manifester sous différentes formes dont des agressions physiques et verbales dirigées vers les autres, des comportements d’automutilation, de la destruc-tion de l’environnement ou des comportements sexuels déviants.

L’importance qui est accordée aux comportements agressifs dans les écrits scientifiques se justifie par leur prévalence qui varie de 2 % à 60 % (Fox, Dunlap, & Cushing, 2002; L'Abbé & Morin, 2001; Willaye & Magerotte, 2008) et les conséquences qu’ils ont pour la personne qui les émet. Ils peuvent entraver son intégration sociale en limitant son accès au milieu scolaire ou de travail (Anderson, 1992; Stancliffe, Lakin, & Eidelman, 2005) et peuvent également entrainer des placements en résidences spécialisées avec un encadrement intensif et même entraîner un placement en milieu institutionnel (Allen, 2008; Bihm, Poindexter, & Warren, 1998) et l’utilisation de mesures de contrôles qu’elles soient physiques ou chimiques (Emerson, 2002; Pilling, McGill, & Cooper, 2007; Robertson et al., 2005)

Les comportements agressifs peuvent aussi avoir un effet sur l’entourage de la personne qui les émet. Ils peuvent amener une augmentation du stress, des risques de blessures, de l’épuisement professionnel, des troubles de santé mentale et de nombreux renoncements de la part de la famille (Baxter, Cummins, & Yiolitis, 2000; Brown, Geider, Primrose, & Jokinen, 2011; Feldman et al., 2007; Fidler, Hodapp, & Dykens, 2000; Hastings, 2002, 2003; Hastings & Brown, 2002). Des coûts économiques sont aussi associés à la présence de comportements agressifs, tels que les coûts engendrés pour les services spécialisés, les coûts liés au roulement du personnel ou pour le mobilier (Tassé, Sabourin, Garcin, & Lecavalier, 2010).

Afin de réduire les comportements agressifs et leurs conséquences indésirables, plusieurs auteurs (Emerson, 2001; Gardner & Whalen, 1996; Griffiths & Gardner, 2002; L'Abbé & Morin, 2001) ont tenté de comprendre les causes de ces comportements afin de les prévenir et d’intervenir plus efficacement. De plus en plus d’auteurs (Hunter, Wilkniss, Gardner, & Silverstein, 2008; Suls & Rothman, 2004) essaient de comprendre les troubles du comportement ou les comportements agressifs dans un modèle bio-psycho-social. Un tel modèle explique que les troubles du comportement, incluant les comportements agressifs, n’ont pas qu’une cause, mais qu’ils sont plutôt le résultat de l’interaction de plusieurs facteurs pouvant provenir de la personne, mais aussi de son interaction avec son environnement. Ces facteurs peuvent être vus comme des déclencheurs ou mettre la personne dans une situation les favorisant (Gardner & Whalen, 1996; Griffiths & Gardner, 2002).

Une meilleure connaissance de ces facteurs est nécessaire afin de pouvoir prévenir les comportements agressifs. Plusieurs auteurs ont tenté de montrer l’importance de certains facteurs sur l’apparition des comportements agressifs, tels que des problèmes de santé physique (Bihm et al., 1998; Christensen et al., 2009; Hemmings, Gravestock, Pickard, & Bouras, 2006; Koegel, 1996; McAtee, Carr, Schulte, & Dunlap, 2004; Wiggs & Stores, 1996) de santé mentale (Allen, 2008; Carr, Reeve, & Magito-McLaughlin, 1996) ou des caractéristiques propres à la personne (Borthwick-Duffy, 1994; Carr et al., 1996; Jones et al., 2008; Koegel, 1996; Taylor, 2002; Taylor, Novaco, Gillmer, & Thorne, 2002), ce qui a permis d’obtenir un nombre exhaustif de facteurs pouvant affecter l’apparition des comportements agressifs. À partir d’une recension des écrits exhaustive, L’Abbé et Morin (2001), présentent dans un tableau une liste de facteurs pouvant être en lien avec l’apparition ou le maintien de comportements agressifs. Ces facteurs sont regroupés en deux grandes catégories : les variables reliées à la personne et les variables reliées à l’environnement; ces différentes variables pouvant toutefois être en interaction les unes avec les autres.

La liste des différents facteurs pouvant être en cause dans l’émission de comportements agressifs, ne permet toutefois pas de connaître quels facteurs sont les plus fréquents. Notre recension des écrits scientifiques n’a permis de trouver que deux études ayant tenté d’identifier les facteurs les plus fréquents. La première étude a été réalisée par McGill, Teer, Rye et Hughes (2003). Dans cette étude, 65 intervenants travaillant auprès d’un total de 22 personnes présentant une déficience intellectuelle légère à profonde et émettant des comportements agressifs ont été interviewés à l’aide d’une liste de 76 facteurs en lien avec le contexte de leurs apparitions développée par les auteurs. Les résultats démontrent, dans l’ordre d’importance, que les comportements agressifs étaient davantage présents lorsque la personne était anxieuse ou stressée, de mauvaise humeur, dans un milieu achalandé, déprimé ou triste, ou lorsqu’elle exécutait une tâche difficile. Les résultats font également ressortir d’autres facteurs un peu moins fréquents, mais tout de même importants, comme avoir de la difficulté à se faire comprendre ou à comprendre les autres, être dans un endroit bruyant, ne rien faire, attendre une activité, être en train de prendre son déjeuner ou avoir mal dormi.

La seconde étude a été réalisée par Embregts et ses collègues (2009). Des entrevues auprès d’intervenants de 87 personnes présentant une déficience intellectuelle légère et manifestant des comportements agressifs ont été réalisées à l’aide du Contextual Assessment Inventory (CAI) (McAtee et al., 2004). Cet outil comporte 80 facteurs contextuels possibles. Les résultats démontrent que les comportements agressifs risquent de se produire fréquemment lorsque la personne exécute des tâches difficiles ou lorsqu’elle doit avoir des interactions sociales avec les autres.

Ces deux études permettent de voir que les facteurs en lien avec la tâche exécutée et les interactions sociales ont été les plus fréquemment mentionnés. Toutefois, les comportements agressifs peuvent prendre plusieurs formes, tels les agressions physiques, verbales, l’automutilation, la destruction de l’environnement et les comportements sexuels déviants, mais ces études se sont intéressées aux comportements agressifs sans distinction du type de comportement émis. Ainsi, il n’est pas démontré si certains facteurs contextuels sont plus associés à certains types de comportements agressifs.

De plus, Crocker, Mercier, Allaire et Roy (2007) ont démontré qu’il est important de tenir compte des caractéristiques psychosociales de la personne afin de comprendre les différents types de comportements agressifs. À partir d’un échantillon de 296 participants, ils ont identifié six profils comportementaux : (a) tranquille, (b) extériorisé, (c) agressif, (d) violent, (e) sexuel, et (f) automutilation selon le type de comportement émis, sa fréquence et le type de motivation de la personne. Ils ont utilisé le Profil Reiss (Tassé et al., 2002), qui se base sur la théorie de Reiss et Havercamp (1997) pour évaluer le type de motivation de chaque personne. Reiss et Havercamp mentionnent que chaque personne ayant une déficience intellectuelle est motivée à différents niveaux par 15 facteurs fondamentaux qui peuvent être soit des buts (ce que la personne désire obtenir), soit des sensibilités (ce qu’elle veut éviter). Les 11 buts sont les suivants : (1) aider les autres, (2) la vengeance, (3) l’ordre, (4) l’indépendance, (5) la curiosité, (6) l’attention, (7) la moralité, (8) le contact social, (9) l’activité physique, 10) la gratification sexuelle, et (11) la nourriture. Les quatre sensibilités sont les suivantes : le rejet, la douleur physique, la frustration et l’anxiété. Leur théorie repose sur le fait que chaque personne a un désir ou un seuil de tolérance différent pour chacun de ces types de motivation et que des comportements problé-matiques peuvent surgir lorsque l’environnement de la personne ne lui permet pas d’avoir un équilibre entre ce qu’elle a et ce qu’elle souhaite avoir ou éviter (Langthorne, McGill, & O'Reilly, 2007; Lecavalier & Tassé, 2002). Les résultats de l’étude de Crocker et al. (2007) suggèrent que près de la moitié des 15 types de motivation se distinguent selon les profils comportementaux, c’est-à-dire, que les types de motivation semblent varier selon le type de comportement émis.

La recension des écrits amène ainsi à penser qu’il y a plusieurs facteurs contextuels pouvant expliquer la présence de certains types de comportements agressifs, mais aussi qu’il peut y avoir un lien entre les types de comportements émis et les types de motivation d’une personne. La présente étude exploratoire vise à mettre en lien les facteurs contextuels et les types de motivation de la personne dans l’émission des comportements agressifs de personnes avec une déficience intellectuelle. Elle a deux objectifs principaux : (1) faire ressortir les facteurs contextuels les plus fréquents pour chacun des types de comportements agressifs et vérifier s’ils sont différents selon le type de comportements émis et (2) faire ressortir les facteurs contextuels les plus fréquents selon les types de motivation de la personne.

Méthode

Participants

Un échantillon de convenance de 49 personnes présentant une déficience intellectuelle a été obtenu auprès de 3 des 20 Centres de réadaptation en déficience intellectuelle et troubles envahissants (CRDITED) québécois, qui couvrent trois régions différentes du Québec. Ces centres offrent des services spécialisés aux personnes présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Un questionnaire n’a pas été complètement répondu et n’a pas pu être inclus dans l’analyse des types de motivation, ce qui emmène l’échantillon à 48 participants pour ces analyses. Les critères d’inclusion pour participer à cette étude étaient d’être âgé de plus de 18 ans, avoir une déficience intellectuelle sans trouble du spectre de l’autisme et émettre des comportements agressifs. Les personnes ayant un TSA ont été exclues de cette étude, car les types de comportements, les facteurs contextuels et les types de motivation pourraient être différents du seul fait de leur diagnostic. La moyenne d’âge des participants était de 37,7 ans. Le répondant était l’intervenant qui connaissait le mieux la personne et minimalement depuis trois mois. En moyenne, les répondants avaient 8,1 années (écart-type = 8,1) d’expérience dans le domaine de la déficience intellectuelle et connaissaient l’usager depuis 4,0 ans (écart-type = 5,4). Seuls deux répondants ont répondu pour deux participants. Le tableau 1 résume les données démographiques des participants. Les participants émettaient en moyenne trois des cinq types de comportements agressifs (écart-type=1,2) et les répondants devaient identifier le plus important selon eux. Aucune précision n’a été donnée sur comment identifier le comportement le plus important, mais devaient plutôt remplir un questionnaire pour dire sur quelle base s’est fait leur choix. Le tableau 2 présente le type de comportement jugé comme le plus important par les intervenants.

Tableau 1

Données démographiques des participants (n=49)

Données démographiques des participants (n=49)

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Instruments

1. Facteurs contextuels

Les facteurs contextuels en lien avec l’apparition des comportements agressifs ont été mesurés avec la traduction et l’adaptation en français du Contextual Assesment Inventory (CAI) (McAtee et al., 2004) réalisée pour cette étude. Les premières étapes de la méthode de traduction par comité de Tassé et Craig (1999) ont été utilisées. Ainsi, une traduction individuelle a été réalisée par six étudiants au doctorat en psychologie qui se sont ensuite rencontrés pour comparer leur traduction et établir un consensus. Cet inventaire comporte 80 items à cocher sur une échelle de type Likert allant de 1 à 5 (jamais à toujours) et comporte aussi 9 questions ouvertes permettant d’identifier les facteurs contextuels ne faisant pas partie de l’inventaire. Le choix de cet inventaire se justifie par sa validité et son utilisation lors d’une étude similaire (Embregt et al., 2009). Sa fidélité test-retest est élevée (r = 0,74) et sa validité interne pour l’ensemble des items obtient un alpha de 0,95. Cependant, sa fidélité interjuge est très limitée (ICC = 0,028), mais s’explique selon les auteurs par le fait que les intervenants qui ont rempli cet inventaire ne ciblaient pas tous le même comportement ou pouvaient en cibler plusieurs (McAtee et al., 2004). Dans la présente étude, il a été précisé dans les consignes de ne cibler que le comportement agressif le plus important chez l’usager, cependant la fidélité interjuge n’a pu être revérifiée dans la présente étude. Un questionnaire a également été remis aux répondants afin qu’ils identifient tous les comportements de leur usager et qu’ils justifient leur choix quant au plus important. Des données démographiques (âge, sexe, niveau de DI, type de comportement ciblé, connaissance de l’usager et années d’expérience) ont été ajoutées à cet inventaire.

Tableau 2

Types de comportements jugés comme le plus important (n=49)

Types de comportements jugés comme le plus important (n=49)

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2. Facteurs contextuels

Le Profil Reiss (Tassé et al., 2002), traduction du Reiss Profile of Fundamental Goals and Motivational Sensitivities for Persons with Mental Retardation (Reiss & Havercamp, 1998) a été utilisé afin d’évaluer les types de motivation de la personne. Ce questionnaire contient 100 items évalués sur une échelle de type Likert allant de 1 à 5 (fortement en désaccord à fortement en accord) permettant d’obtenir un score pour chacun des 11 buts et des 4 sensibilités.  La consistance interne de la version française du test varie de 0,72 à 0,90, sa fidélité test-retest varie de 0,73 à 0,93. et l’accord interrépondant est de r =0,62 (Tassé et al., 2002).

Procédure

La présente étude a reçu un certificat d’éthique du Comité éthique de la recherche conjointe destiné aux centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en trouble envahissant du déve-loppement (CÉRC/CRDITED). À la suite de l’obtention de ce certificat, le chercheur a présenté le projet à cinq équipes de gestionnaires de trois CRDITED de la province de Québec. Les gestionnaires identifiaient ensuite les intervenants travaillant avec des usagers ayant des comportements agressifs. La personne ressource de chacun des CRDITED devait contacter les répondants identifiés par les gestionnaires pour leur présenter le projet et les mettre en contact avec le chercheur. S’il acceptait de participer à l’étude, le répondant devait ensuite identifier un usager ayant des comportements agressifs et lui présenter le projet ou à son représentant légal, et faire signer les formulaires de consentement. À la suite de la réception des formulaires de consentement, une enveloppe pré adressée et préaffranchie contenant les questionnaires était remise au répondant qui devait la retourner au chercheur lorsqu’il avait complété les questionnaires. Le chercheur s’était également engagé avec les CRDITED à remettre aux répondants un rapport individualisé des résultats de chaque participant qu’ils pourraient déposer au dossier central de l’usager, lorsque celui-ci y consentait.

Devis de recherche exploratoire et plan d’analyse des données

Afin de répondre aux objectifs de cette étude, des fréquences en pourcentage ont été générées afin de faire ressortir le nombre de fois où chacun des facteurs contextuels a été mentionné comme provocant régulièrement (score de 4 ou 5) les comportements agressifs. Ces facteurs ont par la suite été comparés selon le type de comportement émis et pour chacun des types de motivation. Dû à l’échantillon de convenance de cette étude, il a été nécessaire de se limiter à des analyses descriptives de fréquence et de pourcentage.

Résultats

Objectif 1

Le premier objectif était de faire ressortir les facteurs contextuels les plus fréquents pour chacun des types de comportements émis. Le tableau 3 présente les facteurs contextuels le plus fréquemment retrouvés en général et pour chacun des types de comportements émis. Ainsi, seuls les items recevant la cote de 4 ou 5 (toujours ou presque toujours) sont compilés dans le tableau.

Comme le comportement destruction de l’environ-nement n’avait été ciblé que pour deux participants, les résultats n’ont pu être ajoutés au tableau comparatif. Cependant, les facteurs « A récemment été puni ou réprimandé pour son comportement», « S’ennuie ou ne fait rien » et « Tâche difficile » ont tous les trois été identifiés comme pouvant presque toujours déclencher le comportement des deux participants.

Afin de déterminer si la fréquence de mention des facteurs était importante, il a été nécessaire de déterminer un point de césure. Lors de la création du Contextual Assessment Inventory, McAtee a utilisé un score de 45 % et plus pour déterminer les huit facteurs les plus importants. Le score le plus élevé étant de 60 %. De son côté, Embregt et ses collègues (2009) a utilisé un score de 25 % comme point de césure et a trouvé 28 facteurs. Pour la présente étude, un point de césure à 45 % ne permettait pas d’identifier de facteurs contextuels pour les comportements agressifs sans distinction tandis qu’un point de césure à 25 % identifiait un grand nombre de facteurs (20) Il a donc été décidé de prendre un point de césure à 35 % pour cette étude permettant ainsi d’identifier 6 facteurs contextuels pour les comportements agressifs sans distinction.

Sur les 80 énoncés, 31 ressortent comme jugés importants pour au moins un des types de comportements émis, cependant, aucun facteur n’est jugé comme important pour tous les types de comportements émis. En effet, trois facteurs ressortent comme les plus importants pour quatre des cinq types de comportements : « l’attente », « environnement bruyant » et « présence d’un nouveau membre du personnel ». Ensuite, trois facteurs : « désaccord ou dispute » et demandes non satisfaites » ressortent pour trois types de comportements. Finalement, cinq facteurs ressortent importants pour deux types de comportements et 20 pour seulement un type de comportement.

Des 31 facteurs les plus fréquents, un peu plus de la moitié (17) sont en lien avec l’environnement social de la personne. Un peu plus du tiers (11) sont en lien avec l’environnement physique et la programmation de la personne et seulement trois sont en lien avec les facteurs biologiques. D’une manière plus détaillée, les agressions verbales sont celles pour lesquelles il y a eu le plus de mentions de facteurs contextuels (20). Le « besoin d’attention de la part du personnel » ressort comme le plus important (71 %). Les « désaccords ou disputes », « demandes non satisfaites », « punitions », « changements dans la routine » et « annonce de quelque chose de décevant » sont également jugés comme importants.  Les facteurs en lien avec l’environnement social de la personne représentent 63 % (12) des facteurs mentionnés, tandis que les facteurs en lien avec la santé de la personne ne représentent que 5 % (1) des facteurs mentionnés. Il semble donc y avoir un lien important entre les interactions sociales négatives et les comportements d’agression verbale.

Pour l’automutilation, les facteurs les plus importants sont en lien avec la « présence d’un nouveau membre du personnel » (63 %) ou l’« absence d’un membre du personnel préféré » (50 %). La « maladie ou douleur aiguë » a été jugée comme importante pour ce type de comportement, ainsi que neuf autres facteurs contextuels, dont quatre sont en lien avec l’environnement social et cinq avec l’environnement physique ou la programmation de la personne.

Les comportements sexuels déviants, qui étaient les moins fréquents, avaient cinq facteurs jugés comme importants. Cependant, il faut noter que dû au petit nombre de participants pour ce type de comportement, la fréquence de mention passait de t25 % à 50 % avec une seule mention de plus. L’« ennui » semble être le facteur le plus important pour ce type de comportement. De plus, ce type de comportement a des facteurs contextuels qui sont significatifs uniquement pour ce type de comportement et ne semblent pas avoir d’effet ou peu sur les autres comportements.

Tableau 3

Facteurs contextuels mentionnés comme causant régulièrement les comportements agressifs (score de 4 ou 5) selon le type de comportement émis

Facteurs contextuels mentionnés comme causant régulièrement les comportements agressifs (score de 4 ou 5) selon le type de comportement émis

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Pour les agressions physiques, huit facteurs ont été jugés comme importants. Les deux facteurs les plus importants (43 %) étaient de nature auditive, soit l’« environnement bruyant » ou le « ton de voix du personnel ». Les facteurs restants étaient pour la moitié d’entre eux en lien avec l’environnement physique de la personne et pour l’autre moitié en lien avec l’environnement social.

Objectif 2

Le tableau 4 présente les types de motivation significatifs chez les participants. En moyenne, chaque participant avait des scores significatifs (supérieur à 1 ou inférieur à -1) à 7 des 15 facteurs (écart-type =2,4).

Tableau 4

Fréquence des buts et sensibilités retrouvés comme significatif (n=48)

Fréquence des buts et sensibilités retrouvés comme significatif (n=48)

* Il faut noter qu’un questionnaire était incomplet d’où la présence d’un n=48 pour les types de motivation

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Tableau 5

Facteurs contextuels mentionnés comme causant régulièrement les comportements agressifs (score de 4 ou 5) selon les types de motivation

Tableau 5a

Tableau 5b

Tableau 5c

*Facteurs jugés comme importants (>35 %)

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L’objectif 2 visait à faire ressortir les facteurs contextuels en lien avec les 15 types de motivation significatifs chez la personne. Les tableaux 5a, 5b et 5c présentent ces résultats pour l’ensemble des types de motivation.

Sur les 80 énoncés, 17 ressortent comme importants pour au moins deux types de motivation. Plus précisément, quatre énoncés : « désaccords ou disputes verbales », « environnement bruyant », « trop ou pas assez d’attention de la part du personnel » et « a été informé de quelque chose de décevant » se retrouvent pour au moins 10 des 15 types de motivation. Ensuite, huit énoncés se retrouvent dans plus de la moitié des types de motivation (6 à 9 types). Finalement, seulement cinq énoncés se retrouvent dans cinq types de motivation ou moins et aucun énoncé n’est important pour un seul des types de motivation. Ces résultats démontrent qu’il ne semble pas y avoir de facteurs contextuels plus importants selon les types de motivation.

De plus, une étendue variant de 0 % à 75 % était retrouvée pour l’importance des facteurs contextuels selon le type de comportement émis, mais cette étendue ne varie que de 20 % à 50 % lorsque les facteurs contextuels sont comparés selon les types de motivation. Cela démontre qu’il y a une grande variabilité dans la fréquence de mention des différents facteurs contextuels selon le type de comportement émis, mais qu’il y a une variabilité plus limitée lorsqu’ils sont comparés sur la base des types de motivation. Les facteurs contextuels semblent donc varier selon le type de comportement émis, mais ne semblent pas varier selon le type de motivation de la personne. Cependant, même si les facteurs contextuels ne semblent pas varier selon le type de motivation, un lien est constaté lorsque le type de comportement est ajouté. En effet, le tableau 6 fait ressortir la fréquence de la présence significative des différents types de motivation selon le type de comportement émis.

Précédemment, il a été mentionné que les personnes émettant des agressions physiques semblaient le faire à la suite d’une situation où elles devaient faire preuve de patience et d’autocontrôle. Ces résultats complètent cette découverte en ajoutant qu’une grande partie des personnes qui font des agressions physiques ont également une sensibilité élevée envers la frustration et un besoin élevé de vengeance. Il semble également que le fait d’aimer les activités physiques ait un lien avec le fait d’émettre des agressions physiques. Le besoin d’aider les autres semble également important pour les personnes émettant des agressions physiques, mais cela ne ressort pas lorsqu’on compare ce besoin avec les facteurs contextuels mentionnés précédemment.

Tout comme les agressions physiques, les agressions verbales sont plus présentes chez les personnes ayant une sensibilité à la frustration élevée. Cependant, l’importance semble moins présente pour les activités physiques, mais plus envers l’attention des autres, d’où la présence de plus de facteurs en lien avec les interactions sociales comparativement aux agressions physiques. La gratification sexuelle semble également avoir beaucoup d’importance pour les personnes ayant ce type de comportement, mais le lien entre les deux reste à être expliqué. Il faut cependant se rappeler que les répondants n’avaient ciblé qu’un seul type de comportement, mais que la majorité des usagers en émettaient plus qu’un. Il est également constaté que les personnes qui avaient des comportements sexuels déviants faisaient également des agressions verbales.

La motivation la plus importante pour l’automutilation est la sensibilité à la douleur, qui justifie les facteurs contextuels en lien avec l’inconfort retrouvés précédemment. Cependant, les facteurs en lien avec les changements dans l’environnement ne ressortent pas dans les buts et sensibilités retrouvés.

Tel qu’escompté, le besoin de gratification sexuelle est présent chez toutes les personnes ayant des comportements sexuels déviants. Des facteurs contextuels en lien avec l’ennui et le fait d’être seul ont été mentionnés, et des motivations en lien avec le besoin de contacts sociaux, d’aider les autres et de la sensibilité au rejet sont également retrouvées ici.

Discussion

Les résultats obtenus au premier objectif permettent de croire que les facteurs contextuels en lien avec les comportements agressifs doivent être évalués selon le type de comportement émis, et non de manière globale. En effet, il a été démontré que les facteurs les plus importants pour l’ensemble des comportements agressifs ne sont pas toujours les plus importants pour certains types de comportements. Par exemple, les facteurs « désaccord ou dispute » et « demandes non satisfaites » étaient importants pour tous les comportements agressifs sans distinction, mais ne semblent pas avoir d’effet important sur les comportements sexuels déviants. De l’autre côté, les « conditions météorologiques » et « la frustration sexuelle » sont très importantes pour l’émission des comportements sexuels déviants, mais ne sont importantes que dans 6 % et 8 % des cas lorsqu’elles sont analysées sans distinction du type de comportement émis.

Tableau 6

Type de motivation selon le comportement émis

Type de motivation selon le comportement émis

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Les agressions physiques semblent survenir en présence de quelque chose de dérangeant qui implique de la tolérance de la part de la personne (par exemple lorsqu’il y a trop de bruit, le ton de voix de l’intervenant ou devoir attendre). Cela complète les résultats trouvés par Tyrer et ses collègues (2006), qui mentionnent que les agressions physiques surviennent davantage lorsque la personne était frustrée, de mauvaise humeur ou en colère. De plus, l’étude de McGill et ses collaborateurs (2003) fait ressortir des facteurs similaires, mais leur étude ne fait pas la distinction entre les types de comportements émis. D’autres facteurs mentionnés par McGill et al. sont l’ennui, ne rien faire et le fait d’être seul, qui sont généralement retrouvés chez les personnes ayant des comportements sexuels déviants dans la présente étude. L’automutilation est en lien avec les changements dans l’environnement (par exemple la présence de nouvelles personnes ou l’absence d’un intervenant régulier et l’absence d’horaire) ou l’inconfort (trop de bruit ou de personnes autour et la douleur physique). La douleur physique a également été retrouvée comme facteur dans plusieurs autres études sur l’automutilation (Courtemanche, Schroeder, Sheldon, Sherman, & Fowler, 2012; Glaesser & Perkins, 2013; Matson, Cooper, Malone, & Moskow, 2008). Les agressions verbales, quant à elles, semblent plus en lien avec les interactions sociales négatives (par exemple l’attention donnée, les disputes, les réprimandes ou la présence de quelqu’un de non apprécié). Ceci concorde avec les données d’Embregt et ses collègues (2009) qui ont également trouvé que les interactions sociales négatives ont un effet sur les comportements agressifs, mais ils n’avaient pas fait de distinction avec le type de comportement émis. Dans la présente étude, les agressions verbales semblent également survenir lorsque la personne est dans un endroit qu’elle n’aime pas et qui peut augmenter son niveau de stress (rendez-vous médicaux et devoir attendre). Ces résultats démontrent donc qu’il semble y avoir des facteurs plus importants selon le type de comportements émis.

Néanmoins, cette étude n’a pas permis de faire ressortir des facteurs contextuels précis pour chacun des types de motivation de Reiss et Havercamp (1997). Cependant, la méthode utilisée a pu avoir un effet important sur les résultats. En effet, les répondants devaient mentionner les facteurs contextuels les plus importants pour un type de comportement précis chez leur usager, mais les usagers émettaient en moyenne trois types de comportements. Il est donc possible que certains facteurs contextuels n’aient pas été mentionnés, parce qu’ils n’influençaient pas le comportement ciblé, mais auraient pu être impliqués pour un autre trouble du comportement. Ainsi, l’outil évaluant les types de motivation de la personne a été complété pour ce que la personne manifeste en tout temps, tandis que les facteurs contextuels étaient répondus en fonction d’un seul comportement. Il est donc difficile à ce moment-ci de prétendre qu’il n’existe pas de lien entre les facteurs contextuels et les types de motivation. De plus, le Profil Reiss demande d’avoir deux répondants par usager, mais un seul répondant a été demandé pour cette étude.

Cependant, les résultats de la présente étude viennent confirmer qu’il semble bien y avoir un lien entre les types de motivation de la personne et les facteurs contextuels retrouvés lorsque le type de comportement émis est pris en compte. En effet, bien que le type de motivation ne semble pas avoir de lien direct avec les facteurs contextuels, il apporte une précision quant à l’importance des facteurs contextuels retrouvés selon le type de comportement émis. Par exemple, les personnes ayant des comportements d’automutilation semblaient le faire lorsqu’ils étaient en présence de facteurs en lien avec la douleur physique et leur sensibilité à la douleur était également plus élevée que les personnes ayant d’autres types de comportements agressifs. Les types de motivation fournissent donc une compréhension supplémentaire à la raison de l’émission du comportement.

Il est important de rappeler que cette étude est exploratoire et réalisée avec un échantillon de convenance, ce qui rend les résultats non généralisables. De plus, la taille de l’échantillon n’a pas permis de faire des analyses de variances. Cela aurait permis de vérifier si les facteurs contextuels étaient significativement différents selon le type de comportement émis. Il faut également noter que certains comportements, tels que la destruction de l’environnement et les comportements sexuels déviants n’étaient représentés que par très peu de participants. Une autre cause possible des comportements agressifs dans la littérature scientifique, qui n’a pu être contrôlée dans cette étude, est les troubles associés. Cependant, Lecavalier et Tassé (2002) ont constaté que les personnes ayant un trouble associé avaient des scores significatifs à 8 des 15 motifs (Vengeance, Nourriture, Rejet, Douleur, Frustration, Ordre, Anxiété et Attention). Les personnes ayant seulement une déficience intellectuelle avaient, dans 90 % cas, seulement deux des huit motifs ou moins de significatifs, tandis que les personnes ayant un trouble associé en avaient deux ou plus, dans 66 % des cas. Dans la présente étude, il est justifié de croire que certains participants pouvaient avoir des troubles associés, car 45 des 48 participants avaient en moyenne des scores significatifs pour quatre (écart-type=1,4) des huit motifs en lien avec les troubles associés.

En conclusion, cette étude permet de montrer qu’il est pertinent de poursuivre les recherches sur les différents facteurs contextuels selon le type de comportements agressifs émis. Elle permet égale-ment d’identifier certains facteurs contextuels spécifiques aux différents types de comportements pour lesquels les intervenants devraient être plus à l’affût et soulève l’importance des types de motivation de la personne dans les analyses fonctionnelles. Le même type de recherche pourrait s’appliquer pour d’autres troubles du comporte-ment. Même si les présents résultats ne démontrent pas de lien direct entre les types de motivation et les facteurs contextuels, d’autres recherches sont nécessaires pour explorer cette avenue.