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Introduction

L’avancée en âge comporte de multiples changements et défis pour les personnes aînées présentant une déficiente intellectuelle (PADI). Généralement, cette étape de vie s’accompagne d’un arrêt, parfois brusque, de leurs activités occupationnelles significatives réalisées au quotidien (p.ex., socioprofessionnelles, bénévolat à temps plein), de difficultés d’accès aux ressources de leur communauté, d’une importante mobilité résidentielle et d’un effritement de leur réseau social (Bigby, 2004; Llewellyn, Balandin, Dew, et McConnell 2004; Rioux, 2013). D’ailleurs, ce réseau est souvent restreint et constitué de membres de leur famille, d’intervenants et d’utilisateurs de services qu’ils côtoient et qui présentent aussi une déficience intellectuelle (DI; p. ex., colocataires). Conséquemment, ces aînés sont davantage à risque de vivre de la solitude (Amado, Stancliffe, McCarron, et McCallion, 2013; Bigby, 2008), ce qui peut mener à la dépression et à d’autres problèmes de santé (Esbensen et Benson, 2006). Des chercheurs constatent également que les PADI ont parfois peu de pouvoir lors de prises de décisions les concernant et qui sont faites par autrui, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur leur santé, leur bien-être et leur possibilité d’exercer leur pleine participation sociale (Bigby, Bowers et Webber, 2011; Judge, Walley, Anderson et Young, 2010; McDermott et Edwards, 2012).

Or, les travaux d’experts mettent en lumière que les PADI peuvent conserver leur autonomie, maintenir leurs comportements adaptatifs et jouir d’un mode de vie actif grâce à la réalisation d’activités variées, lorsque les différents soutiens répondent à leurs besoins de participation sociale (Bigby, 2004; Fleury, 2009; Thorpe, Davidson et Janicki, 2001). Cependant, il n’existe toujours que très peu de connaissances sur les points de vue des PADI à l’égard de ces besoins, bien que le thème du vieillissement fasse l’objet d’une attention grandissante dans le champ de la recherche en déficience intellectuelle (Bigby, Wilson, Balandin et Stancliffe, 2011). C’est dans l’objectif de mieux comprendre comment les PADI perçoivent leur situation, ainsi que les facteurs qui facilitent ou nuisent à leur participation sociale, qu’a été réalisée la recension présentée dans cet article. L’accès à de telles connaissances est nécessaire pour mieux orienter le développement de soutiens qui permettent aux PADI d’accéder à une participation sociale pleinement satisfaisante.

Dans un premier temps, la méthode privilégiée pour mener cette recension des écrits est décrite. Un portait des connaissances extraites des textes portant sur les points de vue des PADI à l’égard de leur participation sociale est ensuite dressé, sous l’angle de trois thèmes qui en émergent, soit : 1) les facteurs personnels; 2) les différents soutiens reçus pour favoriser la participation sociale; et 3) la transition entre les activités occupationnelles et la retraite. Cet article se termine par une discussion et des recommandations concernant l’offre de services en soutien à l’exercice de la participation sociale des PADI.

Cadre de référence

Selon le modèle de développement humain- processus de production du handicap (MDH-PPH), la participation sociale réfère à la pleine réalisation des habitudes de vie. Celles-ci correspondent aux activités de la vie quotidienne et aux rôles sociaux valorisés par la personne et son environnement social en fonction de ses caractéristiques (p. ex., son âge, son sexe, son identité socioculturelle; Réseau international sur le processus du handicap [RIPPH], 2016). Le degré de participation sociale d’un individu est tributaire de l’interaction entre des facteurs personnels (déficiences, incapacités et autres caractéristiques) et environnementaux (obstacles et facilitateurs) dans une situation donnée, lesquels peuvent favoriser ou freiner sa capacité à exercer ses habitudes de vie (Fougeyrollas, 2010).

Pour chaque sphère de vie, le degré de participation sociale d’une personne peut se situer sur un continuum passant d’une situation de pleine participation sociale à une situation de handicap. Le handicap se définit comme une situation dans laquelle une personne n’arrive pas à réaliser ses habitudes de vie. Ainsi, le modèle du MDH-PPH permet de déconstruire la vision du handicap comme fatalité ou carence individuelle; il apporte une lecture nouvelle et systémique se voulant non stigmatisante et permettant d’envisager le handicap dans son contexte.

Cette vision interactionniste de la participation sociale a guidé la démarche systématique de recension des écrits présentée dans cet article, de l’identification des questions de recherche jusqu’à l’analyse des contenus des textes retenus. Cette vision permet d’accéder à une vision plus éclairée et systémique de l’ensemble des facteurs en interactions qui sont à considérer dans l’exercice de la participation sociale des PADI. Les étapes de cette démarche sont présentées à la section suivante.

Méthode

Recension des écrits : une démarche systématique

Deux questions de recherche principales ont guidé la démarche réalisée, soit : 1) Comment les PADI perçoivent-elles leur participation sociale à travers l’avancée en âge et les mesures de soutien à cet effet?; et 2) De leurs points de vue, quelles mesures devraient être adoptées afin de rendre cette participation sociale plus optimale?

Les articles de cette recension ont été recueillis de manière systématique, en suivant les étapes présentées à la Figure 1. Les bases de données et moteurs de recherche consultés ont permis de couvrir plusieurs champs disciplinaires, tels que la santé (Medline, CINAHL, Cochrane Library), la psychologie (PsycINFO), les sciences sociales (SocINdex, Sociological Abstracts, Social work abstract, Cairn, Social Sciences Full Text) et la gérontologie (Ageline, Cleirppa). Des bases de données multidisciplinaires ont également été consultées (SCOPUS, Web of science, Academic Search Complete, Érudit, Sage journals online). En ce qui a trait à la littérature grise, des moteurs de recherche ont été sélectionnés pour trouver des textes pertinents (Grey Matters search tool et Opengrey).

Figure 1

Démarche systématique de recension des écrits

Démarche systématique de recension des écrits

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Les mots-clés choisis pour mener la recherche documentaire ont été sélectionnés à partir des thésaurus et validés par deux experts. La méthode appliquée a été validée par une conseillère en recherche documentaire. Les mots-clés se rapportent aux cinq concepts suivants : a) déficience intellectuelle; b) participation sociale; c) vieillissement; d) collaboration; et e) prise de décision. Les deux derniers thèmes ont été ajoutés dans la perspective de répertorier des textes portant plus spécifiquement sur le soutien à la participation sociale des PADI offert par des partenaires impliqués dans les prises de décision relatives à la réponse à leurs besoins.

Sélection des articles pertinents : critères d’inclusion et d’exclusion

Les critères suivants, présentés dans le Tableau 1, ont guidé la sélection des 19 textes à savoir 16 articles, 2 chapitres d’un livre (Walsh et LeRoy, 2004a, 2004b) et une thèse (Baumbusch, 2010).

Tableau 1

Critères de sélection pour les textes sélectionnés[1]

Critères de sélection pour les textes sélectionnés1

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Collecte et organisation des données

Une lecture approfondie des textes retenus a permis de ressortir plusieurs éléments répondant aux deux principales questions guidant la recension. Ces données ont été extraites et organisées dans un tableau, selon trois grands thèmes qui ont été circonscrits en s’inspirant du cadre de référence du MDH-PPH (RIPPH, 2016). Le premier thème intitulé facteurs personnels, réfère à la manière dont les PADI se perçoivent en tant que personnes présentant une DI et en tant que personnes vieillissantes. Le deuxième thème porte sur les différents soutiens reçus pour favoriser la participation sociale des PADI, lesquels sont des facteurs environnementaux souvent déterminants. Les extraits de ce thème ont été distingués selon la provenance du soutien, soit du réseau informel et du réseau formel. Nous avons également choisi de circonscrire un troisième thème, dû à sa prédominance dans les écrits recueillis, lequel réfère plus spécifiquement à la transition entre les activités occupationnelles quotidiennes (socioprofessionnelles ou bénévoles) et la retraite. Ce thème réfère à différents facteurs à considérer pour mieux comprendre les possibilités d’accès à ce rôle social déterminant pour certaines PADI.

Résultats

Facteurs personnels

Encore aujourd’hui, le vieillissement est perçu comme une étape de vie étroitement liée à la maladie, au sentiment de dépendance envers les autres et à la mort dans les sociétés occidentales. Bien que les PADI ne soient pas imperméables à une telle représentation, des participants à deux études (Dew, Llewellyn et Gorman, 2006; Kâhlin, Kjellberg, Nord et Hagberg, 2015) conçoivent l’avancée en âge comme une étape de vie favorable à la découverte de nouveaux intérêts et à la mise à profit de compétences acquises tout au long de leur vie. À ce sujet, plusieurs PADI ont mentionné n’avoir jamais eu autant d’occasions de réaliser des activités (p.ex., loisirs, engagement communautaire). De surcroît, plusieurs PADI interrogées dans trois études (Brown, Taylor et Matthews, 2001; Dew et al., 2006; LeRoy, Walsh, Kulik et Rooney, 2004) ont l’impression de jouir d’une plus grande liberté de choix. En effet, ces dernières rapportent qu’elles sont « enfin » en mesure de fréquenter les mêmes lieux que leurs pairs sans DI au sein de leur communauté et d’habiter dans leur propre logement où elles peuvent manger, dormir ou se laver lorsque bon leur semble. Néanmoins, une minorité de participants aux études de Buys et collaborateurs (2008) et de LeRoy et collègues (2004) ont évoqué avoir ressenti un sentiment d’amertume lorsqu’elles ont constaté que les adultes présentant une DI de la génération actuelle jouissaient d’occasions plus nombreuses et variées de participer activement à la vie de leurs communautés.

Malgré une représentation plutôt favorable du vieillissement, certains participants aux études recensées ont mentionné se sentir parfois perçus comme des êtres différents et inaptes à faire des choix éclairés lors de prises de décision qui les concernent par des membres de leur entourage (Brown et al., 2001; LeRoy et al., 2004; Strnadová et Evans, 2015). Confrontés à de telles attitudes négatives, certains d’entre eux, résignés, perçoivent l’accès à une vie autonome comme étant illusoire et inaccessible, en plus de se croire entièrement responsables des problèmes qui les affligent (Strnadová et Evans, 2015). Or, d’autres réagissent en insistant sur leur désir d'être traités comme des adultes à part entière (Brown et al., 2001), aptes à développer et à exercer leur autonomie (LeRoy et al., 2004).

Soutiens reçus pour favoriser la participation sociale

Les soutiens offerts aux PADI interrogées dans les études recensées proviennent soit du réseau informel, lequel peut être constitué de membres de la famille rapprochée et élargie, d’amis, de voisins et d’individus de leurs communautés d’intérêts (p. ex., collègues de travail), ou du réseau formel, composé d’intervenants rémunérés.

Soutiens du réseau informel. Les différents types de soutiens offerts par les membres du réseau informel représentent un thème d’importance dans le discours des PADI interrogées dans les études. Celles-ci réfèrent principalement à leur famille naturelle (ou biologique) et à leurs relations d’amitié.

Famille naturelle. Dans l’étude de Bigby et Knox (2009), les PADI interrogées mentionnent avoir des relations avec leur famille qui perdurent dans le temps, ce qui les réjouit. Ces relations s’avèrent particulièrement positives, parce que le rôle pouvant être exercé par les PADI à travers ces relations les amène à se valoriser et à s’identifier autrement que comme des bénéficiaires de services. De plus, les membres de la famille peuvent agir à titre de facilitateurs dans la vie des PADI, en apportant une aide constante dans la réalisation de leurs activités quotidiennes (Bigby et Knox, 2009). Toutefois, certains participants aux études de Strnadová et Evans (2012, 2015) montrent que les comportements des membres de leur famille naturelle font parfois obstacle à leur participation sociale. Par exemple, quelques-uns mentionnent que leurs parents les exemptaient des tâches ménagères à la maison lorsqu’ils étaient plus jeunes, ce qui les aurait empêchés de développer des habiletés nécessaires à la vie en logement autonome. Plusieurs PADI interrogées dans l’étude de Rourke, Grey, Fuller et McClean (2004) ainsi que celle de Strnadová et Evans (2015) mentionnent ressentir un sentiment de frustration et de perte de contrôle sur leur vie lorsque leurs proches prennent des décisions importantes à leur place, les surprotègent en se donnant un droit de regard sur leurs fréquentations, ou encore, prennent le contrôle sur leurs finances. À ce sujet, des PADI ayant participé à trois études (Brown et al., 2001; Dew et al., 2006; LeRoy et al., 2004) ont rapporté ne pas connaître le montant total de leurs actifs, de leurs allocations ou de leurs dépenses moyennes mensuelles. Or, elles souhaiteraient obtenir ces informations pour s’assurer d’avoir assez d’argent pour participer à des activités sociales offertes dans leur communauté, accéder à un transport adapté et bénéficier de mesures de soutien plus fréquentes ou plus diversifiées à domicile.

Le vieillissement des membres du réseau informel et la planification du futur sont deux autres sujets qui ont été abordés par les PADI sollicitées dans les études recensées. Ce sujet suscite des réactions de nature et d’intensité variées, lesquelles semblent tributaires de la situation des PADI interrogées. Les propos des participants interrogés par Buys et collègues (2008) qui demeuraient à l’extérieur du domicile familial et réalisaient leurs activités quotidiennes avec un soutien minimal au moment de l’étude, laissent sous-entendre qu’ils ne sont pas préoccupés outre mesure par la planification de leur futur. Toutefois, pour d’autres PADI interrogées dans cette même étude, et dans les recherches de LeRoy et collaborateurs (2004) ainsi que Walsh et LeRoy (2004b), le vieillissement, et plus particulièrement l’éventualité d’un décès soudain d’un proche, suscite des inquiétudes à l’égard de leur avenir. Outre l’isolement et la solitude, plusieurs participants à ces dernières études rapportent craindre de n’avoir plus personne pour les écouter ou de se retrouver sans représentant pour parler en leur nom. Pour ces participants aux deux dernières études mentionnées, les transformations dans les relations familiales au cours de l’avancée en âge ne sont pas vécues positivement; plusieurs se sentent moins importants aux yeux de leurs proches et sont attristés par la diminution des contacts et du soutien reçu. À cet égard, les PADI sollicitées dans deux recherches (Baumbusch, 2010; Hole, Stainton et Wilson, 2013) mentionnent qu’elles souhaiteraient recevoir plus d’information sur le processus de vieillissement et avoir accès à des espaces de discussion pour exprimer les émotions suscitées par les changements et les deuils qu'elles expérimentent. Ces participants, demeurant au domicile familial ou non, mentionnent qu’ils souhaiteraient aussi avoir la possibilité d’exercer un rôle actif et significatif auprès de leurs parents à travers l’avancée en âge.

Relations d’amitié. L’étude menée par Baumbusch (2010) met en lumière le fait qu’en vieillissant, plusieurs PADI ressentent le besoin et le désir d'élargir leur réseau en s’inscrivant à des activités ou en s’impliquant dans des organismes destinés à la population générale d’aînés. À ce sujet, des participants à l’étude de Dew et collaborateurs (2006) mentionnent qu’ils ont reçu du soutien d’une organisation pour participer activement à des activités offertes dans leur communauté, ce qui a facilité la création de relations positives et durables avec des gens de leur voisinage. Bien qu’ils expriment également ce désir de bonifier leur réseau social, certains répondants à l’étude de Baumbusch (2010) laissent transparaître un certain malaise à se diriger vers de telles ressources, par conflit de loyauté. En effet, ils affirment se sentir redevables, en quelque sorte, à une organisation s’adressant exclusivement aux personnes ayant une DI et dont ils font partie depuis plusieurs années.

D’autres études réfèrent aux points de vue des PADI quant aux relations qu’elles créent à travers l’offre de services qui leur est spécialement dédiée (p. ex., travail adapté, centre de jour; Bigby et Knox, 2009; White et Mackenzie, 2015). À cet égard, des répondants à ces recherches laissent sous-entendre que ces relations seraient particulièrement fragiles et précaires, parfois même inexistantes à l’extérieur du contexte de services. Parmi les participants qui réalisent des activités socioprofessionnelles dans des organisations soutenues par des services en DI interrogés dans deux études (McDermott et Edwards, 2012; Strnadová et Evans, 2015), plusieurs mentionnent craindre la perte de relations d’amitié significatives et de longue date lors de leur départ à la retraite. Ils ajoutent que ces relations auront des répercussions positives et déterminantes dans leur vie.

Soutien du réseau formel. La contribution des acteurs du réseau formel des PADI est cruciale à leur participation sociale. À ce sujet, des participants à quatre études (Buys et al., 2008; Dew, et al., 2006, Kâhlin et al., 2015; White et Mackenzie, 2015) réfèrent à la présence d’un intervenant de confiance « salarié », impliqué dans leur vie depuis plusieurs années (p.ex., professionnel du réseau public, personne-ressource d’un organisme communautaire, responsable d’une résidence), tel un facteur favorable à leur participation à la vie de leurs communautés. D’après ces participants, les rôles de ces intervenants sont de s’occuper des suivis entre les acteurs impliqués auprès d’eux, de les soutenir dans la défense de leurs droits et intérêts, de les accompagner lorsqu’ils reçoivent d’autres services et de faciliter la création de relations susceptibles d’enrichir leur réseau informel. Plusieurs PADI interrogées dans deux études (Bigby et Knox, 2009; Buys et al., 2008) mentionnent que le soutien offert par un tel intervenant les a amenées à trouver une occupation (p. ex., travail, bénévolat dans une association), à travers laquelle elles ont créé de nouveaux liens d'amitié et développé un sentiment d'appartenance leur procurant valorisation et reconnaissance.

Néanmoins, les pratiques des acteurs du réseau formel ne semblent pas toujours avoir une influence aussi positive sur la participation sociale des PADI. En effet, des répondants d’études recensées (Brown et al., 2001; LeRoy et al., 2004; Rourke et al., 2004; Strnadová et Evans, 2012, 2015) mentionnent que leurs actions alimentent plutôt leur sentiment de perte de contrôle sur leur vie et de dépendance à autrui. À ce sujet, certaines PADI impliquées dans deux recherches (LeRoy et al., 2004; Strnadová et Evans, 2015) expliquent se sentir contraintes de demander des permissions à des intervenants, ou même, de devoir s’en remettre à eux pour qu’ils prennent certaines décisions à leur place. Par exemple, des PADI qui demeurent en ressource résidentielle rapportent, dans le cadre de ces études, qu’elles ne peuvent choisir ni les aliments qu’elles mangent, ni l’heure à laquelle elles le font, ce qui dépendrait de l’avis et de l'horaire des intervenants responsables. Aussi, puisque l’accès à un moyen de transport pour se rendre à une activité souhaitée est souvent un obstacle important, ces PADI doivent souvent se fier à des personnes pouvant les accompagner. De la sorte, certains répondants à d’autres recherches (Brown et al., 2001; LeRoy et al., 2004) ressentent qu’ils ont souvent à mettre de côté leurs choix d’activités qu’ils aimeraient réaliser pour profiter d’occasions se présentant à elles, et dont la nature et l’horaire dépendent des disponibilités et de la flexibilité d’un accompagnateur désigné. Les propos des répondants à l’étude de Strnadová et Evans (2012) laissent entrevoir que ce manque d’options lors de prises de décision qui les concernent soulève beaucoup d’inquiétudes lorsqu’il est question de déménager dans un nouveau milieu de vie. Outre le fait de vivre un éloignement géographique important d’un milieu de vie familier, c’est l’incertitude et le manque de préparation entourant le déménagement qui suscite davantage d’angoisse pour les répondants à deux études (Strnadová et Evans, 2012; White et Mackenzie, 2015). D’autres participants à l’étude de Strnadová et Evans, (2012) rapportent avoir été tenus à l’écart des discussions sur leur déménagement, en apprenant le changement de domicile prévu pour eux « par hasard » ou en surprenant une conversation.

Transition vers la retraite

Perceptions de la retraite. À travers l’avancée en âge, la transition vers la retraite est une étape de vie souvent importante pour les personnes réalisant des activités occupationnelles significatives au quotidien. Deux images opposées ressortent quant à la perception que s’en font les PADI. D’une part, certains participants (Buys et al., 2008; Hole et al., 2013) perçoivent la transition vers la retraite telle une période remplie de promesses et d’occasions nouvelles. Ils souhaitent en profiter pour s’investir davantage dans la réalisation de leurs activités préférées et prendre un temps pour réfléchir à leurs rêves et aux moyens de les actualiser. D’autre part, certains informateurs sollicités dans des recherches (Bigby, Wilson et al., 2011; Buys et al., 2008; Judge et al., 2010; McDermott et Edwards, 2012) associent la retraite à une « proposition risquée », susceptible d’affecter leurs possibilités de demeurer actifs et de maintenir leurs relations d’amitié. Parmi ceux-ci, quelques-uns rapportent que leurs activités socioprofessionnelles donnent un but et un sens à leur vie, alors que la retraite est l’avenue vers l’ennui, l’isolement et la réalisation d’activités passives, réalisées de manière solitaire (p.ex., regarder la télévision; Buys et al., 2008; McDermott et Edwards, 2012). Somme toute, plusieurs répondants à cinq études recensées (Buys et al., 2008; Hole et al., 2013; Judge et al., 2010; Kâhlin et al., 2015; McDermott et Edwards, 2012) souhaitent que cette étape de vie soit active et marquée par la continuité, le plaisir et le sentiment d’accomplissement. Parmi ceux-ci, certains voudraient avoir davantage d’occasions de s’engager dans des activités au sein de leur communauté, où ils sentent que leur contribution est utile et appréciée. Les personnes interrogées dans le cadre d’une étude réalisée en Écosse (Judge et al., 2010) et qui fréquentent des centres de jour [2]souhaiteraient qu’une plus grande variété d'activités leur soit offerte à l’extérieur de ces centres. Elles estiment que si c’était le cas, leur degré de participation sociale pourrait être maintenu, voire rehaussé lors de leur transition vers la retraite.

Engagement aux prises de décisions entourant la retraite. Certaines PADI interrogées dans trois études (Buys et al., 2008; Judge et al., 2010; McDermott et Edwards, 2012) rapportent s’être senties contraintes à prendre leur retraite sans avoir la possibilité de s’impliquer dans le processus ayant mené à cette décision, imposée par autrui et justifiée par l’avancée en âge. Pour plusieurs d’entre elles, le départ à la retraite fut une expérience bouleversante d’exclusion, au cours de laquelle elles se sont senties dépouillées de leurs droits. Dans plusieurs cas, l’absence de pouvoir et d’options quant au moment de prendre leur retraite a suscité de la colère et des conflits. Certaines PADI retraitées ayant été sollicitées dans d’autres études (Bigby, Bowers et al., 2011; Kâhlin et al., 2015) indiquent qu’elles auraient souhaité pouvoir poursuivre leurs activités occupationnelles significatives aussi longtemps que leur santé leur aurait permis de le faire.

Cette transition, parfois brusque et précipitée, peut susciter confusion et ambivalence à l’égard des changements que la retraite sous-tend. Cette réalité est notamment mise en lumière dans deux études relatant les propos de participants détenant une occupation bénévole ou un emploi adapté réservé aux personnes présentant une DI (Bigby, Bowers et al., 2011; Judge et al., 2010). Ceux-ci mentionnent ne pas savoir comment s’y prendre pour s’engager dans d’autres activités, puisqu’ils ne connaissent pas les options dont ils pourraient bénéficier. Lorsque questionnées sur leurs souhaits, plusieurs PADI en transition vers la retraite et interrogées par Walsh et LeRoy (2004a), mentionnent désirer : a) être plus actives; b) avoir davantage accès à des loisirs qu’ils pourraient réaliser avec des amis; c) avoir plus d’argent pour accéder à ces activités; d) avoir de meilleures habiletés physiques pour se déplacer; et e) avoir des occasions de voyager. Or, elles évoquent que le fait d’être limitées sur le plan financier fait obstacle à leur possibilité de s’engager dans des activités de loisirs et d’accomplir certains rêves lors de la retraite. Plusieurs participants impliqués dans l’étude de Bambusch (2010) aimeraient d’ailleurs avoir davantage d’information sur la planification financière en vue de la retraite. En contrepartie, les répondants australiens de l’étude de McDermott et Edwards (2012) qui fréquentent des centres de loisirs pour personnes retraitées, expriment des propos différents de ceux des personnes qui réalisent des activités socioprofessionnelles et anticipent la retraite. Ces PADI, qui estiment avoir été accompagnées adéquatement dans cette transition vers une retraite active, perçoivent cette étape de vie de manière beaucoup plus positive. Elles décrivent les services reçus comme étant habilitants et respectueux de leur capacité à faire des choix autodéterminés.

Discussion

Cette recension met en évidence plusieurs préoccupations des PADI qui devraient être au coeur des actions visant l’optimisation de leur participation sociale. Ces actions sont liées au développement de leur capacité à faire des choix autodéterminés, à leur engagement dans la planification du futur et au soutien vers une transition à la retraite graduelle et active.

Rappelons d’abord que certaines PADI perçoivent l’avancée en âge telle une période à travers laquelle elles jouissent d’une grande liberté de choix. Toutefois, d’autres se sentent plutôt exclues des prises de décision qui les concernent, et ce, même lorsque celles-ci ont des conséquences potentiellement déterminantes sur leur quotidien (p. ex., départ imposé à la retraite). Parmi celles-ci, plusieurs n’ont pas été amenées à développer leur autonomie et leur capacité à parler pour elles-mêmes. Strnadová et Evans (2012) indiquent que cette réalité suscite un sentiment de perte de pouvoir sur leur propre vie, s’actualisant par des comportements de résignation empreints de passivité. Si le niveau de participation sociale des personnes présentant une DI reste, encore aujourd’hui, largement inférieur à celui de la population générale (Verdonschot, DeWitte, Reichrath, Buntinx et Curfs, 2009), c’est notamment parce que ces personnes sont moins exposées à des occasions de développer les habiletés nécessaires pour exercer une participation citoyenne active (Tremblay, 2009). Or, puisque c’est en participant qu’on apprend à participer (O’Shea, 2003), il apparait essentiel d’offrir aux personnes présentant une DI davantage d’occasions de s’engager plus activement à la vie de leur communauté à travers l’avancée en âge. Toutefois, pour qu’elles accèdent à une chance égale d’exercer leur participation sociale, elles doivent accéder aux informations nécessaires à l’actualisation de choix éclairés, réalisés de manière autonome. Il apparaît aussi primordial que leurs proches et les intervenants impliqués dans leur vie soient outillés pour initier des prises de décision partagées, centrées sur les besoins et les aspirations des PADI.

La recension permet aussi d’envisager que la planification du futur, ainsi que le décès éventuel d’un proche, est un sujet faisant l’objet d’inquiétudes chez les PADI qui habitent avec leurs parents à temps plein ou partiel. Une recension des écrits menée par Rioux (2013) amène cette auteure à estimer que 25 % des adultes présentant une DI, habitant avec leurs parents âgés, seraient inconnus des services officiels. Dans un tel contexte, le recours à des services spécialisés pour un maintien à domicile lors du décès d’un proche est très rare; le placement d’urgence dans une ressource résidentielle pouvant accueillir la personne s’avère bien souvent la seule solution, même si celle-ci est mal adaptée à ses besoins (Rioux, 2013). Selon Llewellyn et ses collaborateurs (2004), l’absence de planification du futur conduit plusieurs PADI à se retrouver dans une situation financière précaire ou d’isolement social résultant notamment d’un déracinement de leur milieu d’appartenance et d’un effritement de leur réseau de soutien. Toutefois, plusieurs familles de PADI se sentent fort mal outillées et peu soutenues pour réaliser cette planification du futur, un processus complexe et exigeant qui suscite du stress, des inquiétudes et de nombreux questionnements (Llewellyn et al., 2004; Rioux, 2013). Ainsi, il est impérieux de sensibiliser les familles à l’importance d’entamer un processus précoce de planification du futur, de s’assurer qu’elles ont accès à l’information nécessaire sur le sujet et qu’elles sont accompagnées à travers ce processus. D’ailleurs, les participants aux études de Baumbusch (2010) et de Hole et collaborateurs (2013) exprimaient clairement leur désir de participer à cette planification ainsi qu’à toute prise de décision importante concernant leur avenir et celui de leurs proches. Les résultats de cette recension mettent aussi en exergue que le souhait d’exercer un rôle actif dans la vie de leurs parents vieillissants, d’accéder à des lieux de discussion pour échanger sur leurs expériences vécues et d’obtenir du soutien pour mieux faire face aux nouveaux défis rencontrés est partagé par plusieurs PADI. Ces aspects doivent être pris en considération par les intervenants qui soutiennent ces personnes et leur famille à travers l’avancée en âge.

En ce qui a trait à la transition vers la retraite, il semble que ce soit les possibilités et les occasions de participation que cette étape de vie revêt qui influencent la représentation que les PADI s’en font. Dans la majorité des études recensées, cette période est anticipée ou vécue comme une expérience bouleversante, marquée par la rupture, le conflit et le déracinement d’un milieu procurant stabilité, relations d’amitié, sentiment d’appartenance et valorisation. Des experts indiquent que les représentations négatives de la retraite chez les PADI découlent, d’une part, de la difficulté à concevoir la possibilité de s’engager dans des activités nouvelles et de développer des liens significatifs et, d’autre part, d’occasions limitées de faire des choix autodéterminés dans la planification de cette étape de vie (Bigby, Wilson et al., 2011; McDermott et Edwards, 2012). Ainsi, plusieurs auteurs insistent sur l’importance d’adapter l’offre de services de manière à ce que la transition à la retraite se vive graduellement, de manière respectueuse du rythme et des attentes de chaque PADI (Brotherton, Stancliffe, Wilson et O'Loughlin, 2016; Llewellyn et al., 2004; McDermott et Edwards, 2012; Walsh et LeRoy, 2004b). Lors de ce changement, les personnes doivent également bénéficier d’un accompagnement personnalisé, dans la découverte de nouveaux milieux issus de leur communauté, susceptibles de contribuer à l’enrichissement de leur réseau social (Bigby, Wilson et al., 2011; Brotherton et al., 2016). À ce sujet, un programme de transition graduelle vers une retraite active a été développé en Australie dans le but d’amener les PADI à s’approprier leur nouveau « style de vie de retraité » (Brotherton et al., 2016). Il permet aux PADI de s’engager dans un groupe pour faire du bénévolat ou exercer un loisir avec d’autres membres de leur communauté. Ce programme leur permet d’accéder à de nombreuses informations sur les possibilités d’activités qu’elles peuvent exercer à la retraite, tout en leur permettant de vivre l’expérience de ces activités. De cette manière, les PADI connaissent mieux leurs préférences et sont mieux outillées pour faire des choix de vie éclairés. Ainsi, par sa nature, ce programme leur permet d’accéder à des environnements destinés aux aînés de la population générale. Cet aspect est particulièrement pertinent, puisque généralement, la participation des PADI aux regroupements et associations d’aînés se heurte à plusieurs obstacles (Craig, 2013; Craig et Bigby, 2014). D’abord, les mesures de soutien à leur implication active sont généralement rares, voire absentes. De plus, il existe, en ces lieux, une certaine réticence à inclure des aînés présentant une DI, sous prétexte de ne pas détenir l’expertise ou les ressources pour leur offrir l’accompagnement nécessaire (Bigby et Balandin 2005; Harlan-Simmons, Holtz et Todd, 2001; Ingvaldsen et Balandin, 2011). De surcroît, leur engagement dans ces milieux d’aînés ne serait pas toujours encouragé par leurs proches et les intervenants impliqués dans leur vie; ceux-ci auraient plutôt tendance à remettre en question la viabilité d’une telle option (Bigby, Wilson et al., 2011). Or, pour faciliter cette inclusion, de nouvelles stratégies ont été développées et évaluées, telles que celle du « mentorat actif » (active mentoring; Wilson et al., 2013). Celle-ci consiste à inviter, accompagner et former des membres volontaires de regroupements communautaires afin qu’ils soient habilités à répondre aux besoins de soutien d’une PADI en contexte inclusif tout en facilitant sa participation aux activités du regroupement grâce à la médiation.

Conclusion

Les résultats de cette recension doivent être interprétés à la lumière de certaines limites. D’abord, la plupart des articles recensés n’offraient pas la possibilité de vérifier si certaines variables sociodémographiques (p.ex., type de logement) auraient pu teinter les propos des PADI à l’égard de leur expérience de participation sociale. Aussi, peu d’information sur le contenu des outils de cueillette de données utilisés auprès des PADI étaient mentionnées. Ainsi, il est difficile de vérifier si les principales préoccupations sont réellement dominantes pour les PADI ou si elles ressortent surtout parce que les chercheurs ont davantage insisté sur certains thèmes dans les études recensées.

Cette recension permet d’entrevoir que les besoins de participation sociale qu’expriment les PADI sont similaires à ceux des aînés de la population générale : elles souhaitent voir leur réseau social maintenu, exercer une retraite active et être impliquées dans des prises de décision où leurs besoins et leurs aspirations sont respectés. Toutefois, il semble que les PADI ne se voient pas placées devant les mêmes possibilités; leur capacité d’autodétermination n’est pas toujours reconnue et les services qui leur sont offerts sont parfois peu adaptés. Ainsi, des efforts doivent être investis pour soutenir ces PADI en quête d’une participation sociale optimale, ce qui relève d’une responsabilité collective. À titre d’exemple, la mise en place de programmes de soutien vers une retraite active, à travers lesquels les PADI sont accompagnées dans le développement de relations positives avec les membres de leur communauté, est une option fort pertinente à considérer pour qu’elles puissent vivre cette étape de vie de manière positive en se sentant outillées pour relever de nouveaux défis.

Somme toute, de nombreux efforts demeurent à investir, au Québec et ailleurs, pour favoriser l’émergence de contextes accueillants, habilitants et favorables à l’épanouissement des PADI au sein de leur communauté d’appartenance. Cet aspect apparaît crucial pour qu’elles s’y sentent acceptées, en sécurité et aptes à s’engager activement au sein de collectifs où leur contribution est valorisée et recherchée.