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Introduction

La démarche Snoezelen basée sur des stimulations sensorielles simples est utilisée à travers le monde dans de nombreuses résidences spécialisées, en santé mentale ainsi que dans les hôpitaux long séjour (Martin & Adrien, 2005b). En règle générale, les salles Snoezelen fournissent diverses ressources humaines dans les domaines des soins, techniques et instrumentales qui offrent maintes occasions de stimulations dans un espace relativement spacieux. Les stimulations ainsi provoquées sont censées soulager des états de tension, de pression, d’états émotionnels et développer une sensation de plaisir pour les bénéficiaires (Hope, 1998). L'intérêt porté par les professionnels soignants pour la démarche Snoezelen a augmenté considérablement ces dernières années. Ces derniers estiment en effet que les prises en charge Snoezelen correspondent à des actions salutaires qui enrichissent la dimension humaine dans les résidences. De leur côté, nombre de chercheurs (Bartona, Reichowb, Schnitza, Smithc, & Sherlocka, 2015 ; Ji-Hyuk, Joo-Hyun, & Yeong-Jo, 2015) étudient si les environnements Snoezelen favorisent la relaxation, la détente, l’apaisement psychique ou procurent un état de bien-être. Ce type d’aménagement est censé améliorer le comportement et la qualité de vie globale des personnes qui vivent en milieu résidentiel spécialisé. D’autres (Hogg, Cavet, Lambre, & Smeddle, 2001) concluent que l’engagement des personnes bénéficiaires reste limité et peu concluant comparativement à d’autres types de loisirs ou d’activités (ex. salle de jeu, activités d’extérieur).

Cet article propose de mieux comprendre l’approche Snoezelen et son utilisation dans les milieux résidentiels. C’est pourquoi, dans une première partie, le terme Snoezelen sera défini et des points de son histoire seront développés pour comprendre l’évolution de l’approche Snoezelen à travers le temps. Nous donnerons, aussi, une description détaillée du cadre environnemental. Puis, dans une seconde partie, nous présenterons une série de recherches cliniques recensée dans les bases de données scientifiques qui offrent leurs caractéristiques méthodologiques spécifiques et un aperçu des effets Snoezelen aussi bien positifs que négatifs sur différents publics observés. Nous discuterons des résultats, des avantages, risques et inconvénients de cette approche avant de terminer sur des éléments de conclusion sur l’utilisation de Snoezelen. Enfin, nous nous poserons la question pour des recherches futures.

Définition

Le mot Snoezelen est un néologisme d'origine hollandaise, il résulte de la contraction de deux verbes : (1) « snuffelen » qui signifie aussi bien « renifler », « flairer », « fureter », « fouiner ». Il introduit la dimension du contact de la personne avec son environnement. Un contact physique et un contact plus profond, le vécu, le ressenti ; et (2) « doezelen » qui veut dire somnoler, se relaxer. Le terme Snoezelen exprime donc une double notion : celles de la stimulation sensorielle et de la relaxation corporelle.

En fait, le sens originel du verbe « snuffelen » a été détourné, il faut le comprendre comme l’expression « partir à la découverte de quelque chose » et « doezelen » comme « profiter d’un état de bien-être» ou « être dans un état de langueur » (Hulsegge & Ad Verheul, 1989).

Points d’histoire et évolution de l’approche Snoezelen

Cette démarche a vu le jour aux Pays-Bas dans les années 1970. Ce sont Jan Hulsegge et Ad Verheul (1989) du Centre De Hartenberg à Ede qui en sont les initiateurs. Aux origines, le terme « Snoezelen » a été proposé par deux stagiaires (qui faisaient leur service civil) Niels Snoek et Klaas Schenk dans le cadre de leur participation dans un projet au centre de Haarendael. Par la suite le terme a été adopté pour décrire ce genre d’intervention. Ad Verheul, responsable du département d’ergothérapie et Jan Hulsegge, musicothérapeute, ont pris connaissance de travaux faits par deux psychologues américains, Cleland et Clark, qui avaient écrit un article concernant une cafétéria sensorielle en 1966. Verheul et Hulsegge ont appliqué la présentation de matériel de stimulation sensorielle en érigeant un chapiteau durant la période estivale. Sous ce chapiteau, ils avaient fait plusieurs sections permettant aux personnes ayant un lourd handicap d’être dans un environnement sensoriel particulier où elles pouvaient interagir à leur guise ou tout simplement y vivre, les composantes de l’approche Snoezelen y était appliquées par le personnel en place. Cette approche non directive proposait ainsi un lieu de confort, de détente et de relaxation, tout en donnant la possibilité d’y effectuer librement des expériences sensorielles simples qui corres-pondaient aux cinq sens : (a) la vue, (b) le toucher, (c) l’ouïe, (d) l’odorat et (e) le goût. Cette approche s'est peu à peu développée et elle a traversé les frontières. Le concept de « Snoezelen » s'est bien installé dans les pays anglo-saxons les plus proches de la Hollande comme la Grande-Bretagne. Concernant son implantation en France, elle date du début des années 1990. Puis, peu à peu, les projets Snoezelen ont vu le jour un peu partout dans le monde pour différents publics et des équipes de recherches cliniques et scientifiques s’y sont intéressées.

En réalité, les stimulations sensorielles sont depuis longtemps exploitées pour améliorer le bien-être des personnes ayant des déficiences intellectuelles profondes. Au XVIIIème siècle, Jean Itard s’est occupé de l'enfant, Victor (Itard, 1983) en l’aidant à développer ses capacités sensorielles ceci dans le but de faciliter sa pensée. Maria Montessori a développé au début du XXème siècle les jardins d’enfants, à l’intérieur desquels elle laissait librement s’exprimer l’intelligence des jeunes par des apprentissages sensoriels (Montessori, 1909). Plus récemment, Cleland et Clarck (1966) ont proposé une méthode qui vise à stimuler les sens. Cette méthode, qui peut se confondre au Snoezelen, est appelée par ses auteurs « cafétéria sensorielle ». Il faut s‘imaginer un espace de vie sociale de type « cafétéria » où les personnes étaient en présence d’éléments stimulant la vue, l’ouïe, l’odorat et le toucher et le mouvement. À ce moment, les deux auteurs (Hulsegge & Ad Verheul, 1989) ont intensifié leur démarche, ce qui était appelée « cafétéria sensorielle », était pour eux la première étape logique pour stimuler et orienter le processus sensoriel. Puis, Fröhlich (Fröhlich, 1991 ; Fröhlich, Renard Quix, Martin, Detraux, & Cornaz, 1995) a défini le concept de « stimulation basale » comme « une forme de communication holistique centrée sur la corporéité et qui s’adresse à des personnes ayant des handicaps sévères ». La stimulation basale est une approche qui vise à aider les personnes en situation de crise ou les personnes présentant un handicap durable, lorsque leurs compétences sont nettement réduites sur le plan des interactions humaines et de leurs possibilités de régulation de leur propre équilibre. Les capacités et les compétences liées à la perception, à la communication et au mouvement sont au centre de cette approche. De par ses apports, Fröhlich a fortement contribué à théoriser la pratique des stimulations sensorielles.

En général, la méthode Snoezelen est utilisée en institution auprès de personnes dépendantes : enfants, adolescents, adultes ou personnes âgées. Un programme de stimulations multi-sensorielles (visuelles, auditives, tactiles, et olfactives) est proposé dans une salle Snoezelen, ce qui fournit des stimulations positives et un environnement sans stress. L'installation d'éclairage différent, de musique, d'arômes et d'objets tactiles stimulent les individus (Baker, Bell, Baker, Gibson, Holloway, & Pearce, 2001). Les différentes stimulations sont fournies au hasard, indépendamment de la concentration et du niveau intellectuel des patients, afin qu'ils puissent librement expérimenter les sources de stimulations sensorielles proposées. Snoezelen est souvent, comme à ses origines, utilisé comme un temps récréatif ou de loisir surtout pour les populations présentant une déficience intellectuelle, indépendamment de leur âge. Les recherches scientifiques menées ces dernières décennies soulignent mais ne prouvent pas, pour la plupart, la valeur thérapeutique des effets bénéfiques sur les personnes dépendantes. Il semble que la relation subjective entre soignant et soigné soit d’une autre nature dans ce lieu, diverses études expérimentales l’indiquent (Hogg, Cavet, Lambe, & Smeddle, 2001 ; Klages, Zecevic, Orange, & Hobson, 2011 ; Sanchez, Millan-Calenti, Lorenzo-Lopez, & Maseda, 2013). C’est ce que nous développerons dans la partie recherche clinique : nous présen-terons les résultats positifs comme négatifs qui concernent les effets de Snoezelen. Puis nous discuterons des avantages, inconvénients et nous proposerons des questions de recherche sur cette approche. Enfin, nous conclurons sur l’utilisation de Snoezelen dans les milieux spécialisés.

Description de l’environnement Snoezelen

Sur un plan matériel (Pagliano, 1999), Snoezelen est habituellement, mais pas exclusivement, organisé dans une salle spécialement aménagée d’une superficie d’environ 30 à 50 m2. En général le sol, les murs et le plafond sont recouverts de différentes matières pour favoriser les explorations tactiles et visuelles (moquettes, tissus, drapés, etc.). Diverses plates-formes peuvent structurer l’espace, comme un matelas à eau, des colonnes à bulles. On y trouve aussi des fibres optiques lumineuses, des projecteurs de lumière à effets multiples, des matelas en mousse, des panneaux tactiles aux textures diverses (lisses, molles, douces, dures, rugueuses, piquante, etc.), de la musique avec l’aide par exemple d’instruments sonores et d’une chaîne hi-fi, des diffuseurs d’arômes, des boites à odeur, des aliments pour faciliter les explorations gustatives (salés, sucrés, amers, acidulés, épicés, etc.).

Recherches cliniques

Les études se sont multipliées durant ces dernières années (Hogg et al., 2001; Lotan & Gold, 2009; Martin, 2003a, 2003b, 2004 ; Martin & Adrien, 2005a, 2005b; Sanchez, et al., 2013). Plusieurs d’entre elles ont été menées en utilisant l’approche Snoezelen et sa philosophie (Haggar, 1994) pour en connaître la potentielle valeur thérapeutique avec des enfants, adolescents et adultes présentant une déficience intellectuelle avec ou sans troubles associés, y compris les personnes atteintes de trouble du spectre autistique (DSM V).

Certaines recherches se sont aussi intéressées aux personnes âgées avec démences, aux personnes avec des troubles psycho-comportementaux et psychiatriques. L’analyse du contenu de toutes ces études montre que les objectifs et les résultats sont parfois différents les uns des autres, mais chacun souligne l’intérêt de cette approche auprès de ces différentes populations. En effet, les effets observés ne sont pas systématiquement prouvés scientifi-quement. Certaines recherches soulignent toutefois que les différentes stimulations sensorielles fournies par Snoezelen ont un effet direct en aidant les participants à se détendre et à réduire le stress dans leur vie. Nous proposons d’en rendre compte par deux catégories de population résidentielle étudiées : un premier groupe d'enfants, adolescents et adultes présentant une déficience intellectuelle avec ou sans troubles associés et un second composé de personnes atteintes de démence, de troubles du comportement et de troubles psychiatriques. Le tableau 1 met en avant 36 recherches recensées sur les bases de données scientifiques et moteurs de recherche (PsycINFO, Elsevier, Google Scholar, Bielefeld Academic Search Engine, WorldWideScience,Isidore et Jurn) consultés entre la période du dernier trimestre 2014 et du premier trimestre 2015. Il inclut les références des auteurs, la date de publication, la taille de l’échantillon, les caractéristiques principales de 658 participants, la méthode utilisée et les principaux résultats obtenus avec un effet généralisable ou non.

Recherches Snoezelen auprès d’enfants, adolescents et adultes présentant une déficience intellectuelle avec ou sans troubles associés

Le nombre de participants étudiés est variable d’une étude à une autre et oscille entre : n = 1 (Theis, Lampert, & Baratta, 2012 ; Withers & Ensum, 1995) et n = 52 (Matson, Bamburg, & Smalls, 2004). Les études s’intéressent aux effets produits chez les personnes ayant des troubles du comportement comme les auto-agressions, les hétéro-agressions et les comportements stéréotypés. Il s’agit de participants des deux sexes de différentes tranches d’âge : enfance, adolescence et âge adulte. La population choisit dans ces diffé-rentes études présente une déficience intellectuelle moyenne, sévère ou profonde avec des pathologies associées comme le syndrome autistique (Fagny, 2000 ; Germeau, 1998 ; Hutchinson & Haggar, 1994 ; Haggar & Hutchinson., 1991 ; Martin, 2003a, 2003b) ou des troubles mentaux (ex. schizophrénie et autres troubles psychotiques) (Singh, Lancioni, Winton, Molina, Sage, Brown, & Groeneweg, 2004).

D’autres études sont réalisées exclusivement avec des enfants (De Bunsen, 1994; Kürsten, 1994; Meijs-Roos, 1990; Shapiro, Parush, Green, & Roth, 1997; Withers & Ensum, 1995). Les profils psychologiques des participants sont divers, mais les enfants correspondent à la population cible pour bénéficier d’une prise en charge dans un cadre Snoezelen.

Pour sa part, Van Lankveld (1992) a utilisé une gamme relativement complète de catégories d’items destinée à affiner l’observation clinique. Il détaille les positions et les mouvements de la tête, le positionnement et le mouvement du corps, les gestes, le contact, le bruit, la locomotion, les expressions faciales de chaque participant. Cette dernière catégorie inclut, par exemple, les sourires, les rires, les bouderies. Il constate une impression globale d’un comportement plus calme pour chacun des participants observés après quelques semaines. Il interprète ce phénomène comme le résultat d’un environnement qui ne propose pas une activité forcée et contraignante, et, qui prédisposerait les participants à adopter des comportements plus apaisants. C’est ce que montrent également Fagny (2000) et Martin (2003a) auprès de participants autistes d’âge adulte. D’autres auteurs (Singh & al., 2004) indiquent aussi un effet significatif de l’environnement Snoezelen sur certains troubles du comportement (auto-agressions) avec des adultes présentant une de déficience intellectuelle grave et sévère, associée à des troubles mentaux.

L'enregistrement vidéo est un support peu utilisé, excepté dans l’étude de Meijs-Roos (1990) qui a filmé les participants dans la salle Snoezelen sur toute la durée de quelques séances. Terry et Hong (1998) ont observé les attitudes des accompagnants lors des séances Snoezelen, puis, ils ont procédé à des entretiens semi-structurés auprès de ces quatre ergothérapeutes. Les questions posées portaient notamment sur le développement des relations entre soignants et soignés dans l'environnement Snoezelen et sur les facteurs qui affectent positivement et négativement ces relations. Les réponses obtenues indiquent que l’environnement Snoezelen facilite le contact et les relations interpersonnelles. D’autres études soulignent que des entretiens ont, aussi, eu lieu avec le personnel encadrant (Germeau, 1998). Une majorité des études entreprises rend compte des attitudes positives des professionnels utilisant le support Snoezelen et qu’ils enrichissaient, par la même occasion, leurs relations avec eux, mais aussi entre professionnels. De plus, le personnel éducatif reconnaît que leur travail paraît être valorisé, ils affirment être très satisfaits et enthousiastes (De Bunsen, 1994).

Tableau 1

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

Tableau 1 (continuation)

Description de 36 études recensées concernant l’approche Snoezelen en milieu résidentiel impliquant 658 participants

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De leur côté, des mères de résidents ont été interrogées sur leurs impressions par rapport à cet environnement multi-sensoriel (Glenn, Cunnigham, & Shorrock, 1996). Les auteurs notent que la représentation qu’elles en ont est très positive. Certaines mères commentent qu’elles se sont forgées de nouveaux espoirs d'amélioration à l’attention de leur enfant.

D'autres études plus critiques (Martin, Gaffan, & Williams, 1998; Terry & Hong, 1998) ne reconnaissent pas l'effet Snoezelen sur l’enrichissement de liens inter-relationnels entre résidents et accompagnants. Les raisons invoquées du succès de cette pratique sont que Snoezelen propose un environnement immuable et confortable, sans effet parasitaire et qui installe les personnes dans un état de confiance. Cet état de confiance permet d'enrichir les relations entre le patient et l'accompagnant. D'autres auteurs (Mount & Cavet, 1995) indiquent que l'avantage de Snoezelen résiderait  exclusivement dans l'établissement de liens interactifs et relationnels plutôt que dans ses aspects multi-sensoriels. Haggar et Hutchinson (1991) stipulent la nature non-directive de Snoezelen. Ils apportent des résultats satisfaisants dans les domaines de la relaxation, le plaisir et la facilitation des rapports interpersonnels. Puis, dans une autre étude, Hutchinson et Haggar (1994) préconisent Snoezelen comme une activité de loisirs et de détente qui offre à ses participants un certain plaisir, des stimulations positives et un effet relaxant.

Certaines autres recherches (Ashby, Broxholme, Pitcaithly, & Lindsay, 1995 ; Lindsay et al., 1997 ; Martin et al., 1998) ont montré l’intérêt des séances Snoezelen dans l’amélioration des comportements adaptatifs et dans la concentration des participants, sans pour autant que les résultats soient généralisables. Certaines études (Glenn et al., 1996) indiquent que les participants sont plus attentifs lorsqu’ils manipulent des tubes scintillants, des tubes vibrants, des balles en mousse de couleurs et des ballons sonores, même si les effets observés ne sont pas constants. Par exemple, chez les enfants présentant une déficience intellectuelle et des difficultés d'apprentissage, et chez les patients souffrant de douleurs chroniques, les effets communs observés sont : l’amélioration de l'émotion ou des états d'humeur, comme la dimi-nution de l'anxiété, une diminution de l'hostilité, l'augmentation des sentiments heureux et des effets sédatifs (Schofield & Davis, 2000).

Hotz, Castelblanco, Lara, Weiss, Duncan et Kuluz (2006) ont étudié les effets de la thérapie Snoezelen sur les changements physiologiques, cognitives et comportementales chez des enfants qui se remettent d'une grave lésion cérébrale traumatique. Les résultats révèlent une utilisation bénéfique de la thérapie Snoezelen avec des enfants qui se remettent d'un traumatisme crânien sévère.

Puis, une étude s’est intéressée aux familles d’enfants présentant une déficience intellectuelle sévère et profonde vivant des expériences singulières dans ce lieu (Sachs & Nasser, 2009). Les chercheurs ont analysé la manière dont Snoezelen facilitait le rôle des parents et de la fratrie. Des entretiens approfondis et des observations participatives ont été organisés avec 10 familles. Deux thèmes principaux ont émergé : d'une part, l'environnement Snoezelen a été vécu comme « un autre monde » où les parents se sont sentis détachés de la réalité extérieure. D'autre part, ils se sentaient à leur aise et s’autorisaient à se détendre pour vivre dans une atmosphère intime et familiale. Ces expériences ont montré que l'atmosphère Snoezelen semblait favoriser le rapprochement entre les parents et les membres de la fratrie. Tous les membres de la famille partageaient des activités ludiques et renforçaient leur relation. Les résultats obtenus ne sont pas généralisables de par la taille de l'échantillon.

Par ailleurs, certaines recherches sur les environnements Snoezelen sont plus sceptiques sur les effets positifs escomptés. Puis, Vlaskamp, Geeter, Huijsmans et Smit (2003) ont réalisé une recherche auprès de 19 personnes ayant un poly-handicap pour lesquelles l’utilisation de Snoezelen (hebdomadaire) avait pour objectif d’accroître le niveau d’activité (avec des moyens tels que des stimulations visuelles, auditives, kinesthésiques, tactiles et olfactives utilisées seules ou combinées). L’échantillon était composé de 11 femmes et 8 hommes (âgés de 18 à 41 ans). Le niveau d’activité était mesuré en prenant en compte le nombre d’interactions avec le matériel, les interactions avec les intervenants ainsi que le niveau de vigilance. Les comportements des intervenants et des usagers ont aussi été observés. Les observations duraient 30 minutes (deux temps d'observation dans Snoezelen et un temps d'observation dans l’environnement de vie quotidienne). Les résultats indiquent que, de manière générale, il n’y a pas d’accroissement du niveau d’activité entre Snoezelen et le milieu de vie habituel. En effet, certains participants semblent plus actifs dans Snoezelen, d’autres ne montrent pas de différences entre les deux milieux et certains sont moins actifs dans Snoezelen comparativement au milieu de vie habituel. Les stimulations offertes par les intervenants semblent plus efficaces que celles offertes uniquement par le matériel. Cette dernière observation souligne l’importance du rôle des intervenants en ce qui concerne le niveau d’activité des personnes ayant un polyhandicap. Les auteurs concluent que les salles Snoezelen ne sont pas, à elles seules, les agents permettant d’apporter des améliorations des perceptions sensorielles, ni la mise en activité des personnes ayant un polyhandicap.

Recherches Snoezelen auprès de personnes atteintes de démence, de troubles du comportement et de troubles psychiatriques

À l’heure actuelle les études évaluant signifi-cativement les bienfaits ou non du « Snoezelen » auprès de personnes âgées restent encore rares, néanmoins quelques études dégagent des tendances différentes. Certaines études précisent les effets thérapeutiques et les bienfaits de Snoezelen sur des patients âgés atteints de démence, sans pour autant que leurs résultats soient généralisables (Hope, 1998 ; Klages et al., 2011 ; Sanchez, Millan-Calenti, Lorenzo-Lopez, & Maseda, 2013). Chez ces personnes, les environne-ments aux stimulations multi-sensorielles semblent produire des effets positifs immédiats sur le comportement et l'humeur, en particulier si cette pratique est régulièrement menée.

Les effets de la stimulation multi-sensorielle sur les troubles psycho-comportementaux ont aussi été étudiés chez les personnes âgées démentes à un stade avancé (Andreeva, Dartinet-Chalmey, Kloul, Fromage, & Kadri 2011), notamment l’agitation, l’agressivité verbale et/ou physique et l’anxiété. Par exemple, des séances de stimulation sensorielle ont été pratiquées avant la toilette sur quatre personnes de plus de 80 ans, pendant un mois, à raison de trois séances par semaine en moyenne. Les résultats mettent en évidence une réduction des troubles du comportement pour trois d’entre elles. Les cher-cheurs ont observé que la stimulation sensorielle réalisée avant la toilette dans un climat apaisant diminuait les troubles du comportement des personnes âgées démentes durant le soin de toilette. Cet effet persistait au cours de la journée. Cependant, les auteurs indiquent que d’autres variables peuvent entrer en ligne de compte, comme le comportement verbal et non verbal du soignant, la façon dont la toilette est réalisée (debout ou au lit), et l’état général de la personne âgée. Une autre étude s’est déroulée avec 18 femmes âgées atteintes de démence avec troubles du comportement (Bailly & Pointereau, 2011). Elles ont été observées durant 8 séances. Les résultats indiquent une diminution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle juste après les séances, mais n’indiquent pas un effet physiologique d’une séance à l’autre.

Une autre étude comportementale comparative réalisée par Van Weert, Van Dulmen, Spreeuwenberg, Ribbe et Bensing, (2005) en unités de psycho-gériatrie aux Pays-Bas relève des bienfaits. 250 enregistrements vidéo de situations de soins ont été effectués et analysés au démarrage des soins et 18 mois après Snoezelen. Les auteurs observent une augmentation significative du toucher affectif, du nombre de sourire, d’échange verbal et du regard portée vers les personnes ayant suivi les séances Snoezelen. En ce qui concerne les résidents, un effet significatif du traitement a été trouvé sur le nombre de sourire, de regard dirigé vers le soignant, sur le sentiment d’autonomie verbalisé et sur la diminution de la colère et des réprobations. Cette étude montre que la mise en oeuvre de l’approche Snoezelen aide à améliorer la communication réelle pendant les soins du matin. Néanmoins cette étude précise que les soins prodigués, par les professionnels formés à l’approche Snoezelen, prennent plus de temps, ce qui sous-entend que pour obtenir des effets positifs sur la communication soignant-résident les responsables des résidences spécialisées doivent augmenter le temps de soins Snoezelen.

D’un autre côté, il est intéressant de souligner l’originalité de certaines études sur Snoezelen auprès d’un patient hospitalisé en Unité pour Malades Difficiles (UMD) (Theis et al., 2012). Les UMD ont pour vocation d’accueillir des patients présentant un état de dangerosité manifeste. Les patients présentent des anomalies des interactions sociales ; anomalies à la source de passages à l’actes hétéro-agressifs imprévisibles. À travers cette étude, il semble que l’amélioration des interactions sociales soit ob-servée par l’approche Snoezelen pour des patients qualifiés de difficiles en UMD, avec comme corollaire une diminution des comportements violents. Les résultats ne sont pas généralisables compte tenu de l’unique patient observé.

Puis, notons également une autre étude ad hoc qui portait sur les effets de la thérapie Snoezelen sur l'état émotionnel d’un ancien vétéran de la guerre au Vietnam atteint d’une lésion cérébrale (Su-Kyoung, Sang-Yeol, & Myoung-Kwon, 2013). La thérapie Snoezelen lui a été appliquée pendant quatre semaines, trois fois par semaine, soixante minutes par séance dans une salle Snoezelen en présence d’un thérapeute. Le patient a bénéficié des différentes stimulations sensorielles ainsi que du matériel de détente qu’offrait l’environnement. L’état émotionnel a été mesuré à partir d’une échelle POMS (Profile of Mood States) pour mesurer de façon objective les changements. Les premiers résultats montrent une réduction sensible de l’anxiété, de la colère, de l'hostilité et de la dépression du participant. L'application de l'approche Snoezelen a eu un effet positif sur la stabilité émotionnelle de ce dernier. Ces résultats semblent cohérents avec ceux des études précédentes menées avec des enfants ayant subi une lésion cérébrale, les patients âgés atteints de démence, les enfants présentant une déficience intellectuelle et des problèmes d'apprentissage, et les patients souffrant de douleurs chroniques.

Ces recherches cliniques exploratoires montrent davantage Snoezelen comme une intervention non pharmacologique agissant, de façon complé-mentaire à d’autres pratiques, sur les symptômes neuropsychologiques et psychiatriques.

Discussion

D’après l’analyse de contenu de ces études très variées, se dégage l’idée d’établir une relation entre les stimulations sensorielles douces et la réduction des manifestations du spectre autistique telles que les comportements stéréotypés, les comportements inadaptés à tout âge et l’enrichissement des rapports humains. Cependant, le souci principal de certaines études porte sur les aspects méthodo-logiques. La communication de données cliniques qualitatives est certes présente pour chaque participant observé, mais la fiabilité des évaluations rend difficile l’interprétation des résultats ainsi que les conclusions à tirer. La mesure de l’évolution des comportements d’approche et d’exploration senso-rielle et des troubles du comportement (angoisses, stéréotypies, troubles de la relation, troubles de la communication, adaptation à l’environnement) semble être un souci que les futures études pourraient résoudre avec des protocoles expéri-mentaux plus rigoureux et standardisés.

Puis, la plupart des études proposent un nombre de participants relativement faible ce qui rend particulièrement difficile d’émettre des résultats quantifiables et statistiquement significatif.

Ensuite, chacune d'entre elles possède des hypothèses et des méthodes expérimentales qui lui sont propres, ce qui se ressent dans l’interprétation qu’en fait chaque auteur. Il est, ici encore, assez difficile d'apporter des éléments critiques et contradictoires ou d'essayer de trouver une homogénéité d'ensemble. Chacune de ces expériences propose son propre protocole expérimental avec des équipements spécifiques pour chaque résidence. En effet, la question des objets ou produits de stimulation et de détente peut être discutée. D’une résidence à une autre, le matériel n’est pas forcément le même, soit il est un produit standard, soit il peut être confectionné sur place. Et, les dimensions et l’agencement d’une salle Snoezelen peut introduire plus ou moins d'espace, de confort, de convivialité et de sécurité.

D'après tous ces résultats, il apparaît que des études plus approfondies sur de plus longues périodes d'observation avec des publics au même profil pathologique doivent être menées, de façon homogène. Les espaces Snoezelen doivent être pensés en fonction des personnalités et du potentiel de chacun, et qu'il n'est pas nécessaire de les confronter à l'ensemble de l'équipement mis à leur disposition (Martin & Adrien, 2005a). Les recherches futures pourraient partir sur les questions de recherche suivantes :

- Question de recherche 1 : une salle Snoezelen munie d’un équipement standard procure-t-elle des effets récréatifs sur ces bénéficiaires ?

En effet, ces séances récréatives, pensées dès l'origine par Hulsegge et Verheul (1989), impliqueraient la présentation d'une gamme de stimuli jugée agréable pour les personnes. En respectant une certaine régularité des séances sur plusieurs mois, des évaluations pourraient être réalisées sur les effets produits. Ces recherches pourraient être effectuées avec des groupes témoins et des groupes contrôles afin de vérifier si l'environnement Snoezelen et son atmosphère ont un impact spécial, comparé à l'évaluation d'autres environnements et situations comme des activités de plein air ou des ateliers sensoriels.

Une autre issue possible pour la recherche pourrait concerner l'évaluation des cas en dehors des séances :

- Question de recherche 2 : est-ce que les éventuels effets positifs de Snoezelen peuvent perdurer dans le temps en dehors des séances ?

En effet, après avoir déterminé quand et dans quelles circonstances Snoezelen peut s'exercer, l'évaluation post-séance semblerait pertinente. Dans ce contexte de recherche, on pourrait concevoir la possibilité de manipuler certains stimuli pendant les séances Snoezelen pour déterminer si des arrangements sont plus ou moins favorables aux comportements des personnes après les séances.

Ensuite, une troisième question de recherche pourrait concerner l'évaluation de la pharmaco-thérapie (par exemple les antipsychotiques ou les antidépresseurs) :

- Question de recherche 3 : les personnes soumises à des séances Snoezelen répétées peuvent-elles réduire ou se passer de leurs traitements médicamenteux ? Quels sont les effets à observer, par exemple en termes de relations sociales, d'apaisement, de satisfaction ?

La pratique de l’activité Snoezelen est complémentaire aux autres activités, mais il est difficile encore de déterminer si Snoezelen à des effets suffisamment thérapeutiques pour réduire certains traitements médicamenteux.

Enfin, nous pouvons nous interroger sur le manque de liens théoriques aux concepts fondamentaux issus notamment de la psychologie clinique, de la psychopathologie, des neurosciences et d’autres disciplines comme l’ergothérapie et les approches de stimulations neurosensorielles. Ces apports théorico-cliniques pourraient enrichir et compléter la partie empirique de ces recherches.

Conclusion

Ainsi, ces différentes recherches montrent l’intérêt de cette approche basée sur des stimulations sensorielles douces et non médicamenteuses. Les accompagnants sont à la recherche d’un support qui les aide à développer à la fois l’éveil ou le maintien sensoriel et des interactions sociales de qualité. L’approche Snoezelen paraît donc être indiquée pour aller dans ce sens. Cette méthode de prise en charge peut être également pensée comme complémentaire à d'autres pratiques et d'autres techniques déjà instituées, à condition que les procédures et protocoles de la prise en charge soient clairement réfléchis et rigoureux. C’est pourquoi les recherches cliniques sont essentielles pour apporter des données objectives et une analyse plus fine des effets de l’environnement Snoezelen sur les populations étudiées. Elles servent à comprendre et à améliorer cette approche aux bienfaits thérapeutiques encore mal cernés. Les résultats globaux de ces études sont riches sur un plan clinique, car ils permettent d’affirmer l’intérêt de proposer à ces populations dépendantes des programmes réguliers d’activités sensorielles qui sont à planifier dans le cadre de leur vie quotidienne.

De plus, Snoezelen propose un équipement de stimulation qui paraît s’approprier à toutes les tranches d’âge et à diverses pathologies. Snoezelen sert aussi à cerner davantage les sources de stimulations sensorielles pour lesquelles chaque participant répond positivement à leur contact.

Cependant, la littérature scientifique relate un intérêt sur le plan comportemental à court terme à partir du moment où l’espace est utilisé en connaissance de cause, par du personnel formé et ayant un temps spécifique pour son utilisation. Mais ces conditions indispensables ne sont pas toujours aisées à réunir en milieu résidentiel.

La voix de la recherche clinique est donc à poursuivre dans ce domaine, car elle contribue à améliorer et à guider les pratiques de soin institutionnel auprès de ces personnes dépendantes. La méthodologique scientifique est à respecter avec des groupes témoins et des groupes de contrôle sur un nombre suffisant de séances.

Enfin, il nous semble que les apports théorico-cliniques issus de la psychologie clinique, de la psychopathologie et des neurosciences apporteraient un éclairage sur les comportements observés dans ces espaces sensoriels et de détente.